On espérait y voir un peu plus clair. Les LR restent pour le moment encore dans un certain flou artistique pour le mode de désignation de leur candidat à la présidentielle. « C’est de l’enfumage ! » s’énerve même à la sortie du conseil stratégique un responsable du parti de droite. Comme prévu, le maire LR d’Antibes, Jean Leonetti, a été chargé ce mercredi matin, en conseil stratégique, de travailler au mode de désignation du candidat.
Candidat désigné « courant novembre »
Mais alors que le parti donnait l’impression d’accélérer, comme l’appelait hier de ses vœux le président du groupe LR du Sénat, Bruno Retailleau, qui vise 2022 et demande une primaire, les LR prennent finalement leur temps. Certains diront même qu’il freine, au moment où Emmanuel Macron part en précampagne.
« On a souhaité, avec Gérard Larcher, réunir le Conseil stratégique pour que les choses soient calées sur la période du 28 juin. On est sur un calendrier qui ne bouge pas, qui est de dire qu’au lendemain des régionales, on va entamer une autre période, qui sera celle de la présidentielle, qui nous amènera, courant novembre, à avoir un candidat qui portera les valeurs de la droite et du centre », a expliqué lors d’une conférence de presse Christian Jacob, président de LR, pour qui « l’objectif est clairement de construire et d’avoir un candidat de rassemblement. Il ne s’agit pas de jouer placé, ou de chauffer des clans les uns contre les autres ».
Selon le numéro 1 de LR, ce calendrier n’est pas trop tardif. Il rappelle que « Jacques Chirac avait déclaré sa candidature le 4 novembre 1994, Nicolas Sarkozy le 29 novembre 2006 et François Fillon le 30 novembre 2016 ».
Sondage sur un panel de 15.000 personnes
Principale annonce : le parti va commander une enquête d’opinion quantitative et qualitative « sur un panel très large de 15.000 personnes », avec une première vague en septembre, puis une autre en octobre, « qui vont permettre d’éclairer le processus qui sera retenu par Jean Leonetti ». Un travail réalisé avec Pascal Perrineau, du Cevipof, qui était présent hier lors d’un déjeuner avec Gérard Larcher et Jean Leonetti (lire ici), et Frédéric Dabi, de l’Ifop. Précision utile, après une confusion sur le sujet : le directeur du Cévipof, Martial Foucault, exprime auprès de publicsenat.fr un « démenti ferme sur l’implication du Cevipof » à l’étude. Pascal Perrineau, chercheur associé au Cevipof, y participe, mais pas le centre de rechercher de Sciences Po Paris.
Suite au sondage, « soit on aura un candidat qui naturellement écrase le match à l’issue de ces enquêtes d’opinion – après, chacun aura la liberté de voir s’il se maintient ou se retire – soit on sera sur un processus de sélection » dit le patron du parti. Lequel ? Mystère. Christian Jacob reste flou. A charge à Jean Leonetti de prendre contact avec les candidats dans cette réflexion collective. On ne sait pas si le système de départage proposé par Gérard Larcher, avec plusieurs collèges électoraux, pourrait être retenu. Jean Leonetti planchera « à la fois sur la base qu’avait pu travailler Gérard Larcher, et sur d’autres à imaginer », dit le député de Seine-et-Marne, qui reste énigmatique.
Seul point à peu près clair : l’idée d’une primaire ouverte, comme en 2016, ne tient clairement pas la corde. « L’ensemble de nos fédérations et les militants m’ont fait remonter leurs observations et réserves par rapport au système de primaire mis en place en 2016 », souligne Christian Jacob, qui ajoute :
Les systèmes de division et d’affrontement nous ont conduits à l’échec.
Reste que sondage et primaire ne donnent pas forcément les mêmes résultats, c’est tout l’enjeu. En octobre 2016, il faut se rappeler que le Cevipof avait déjà réalisé une grande enquête pour Le Monde, auprès de 20.000 personnes. L’étude donnait Alain Juppé favori, avec 41 % d’intentions de vote à la primaire, suivi de Nicolas Sarkozy à 30 % et de François Fillon, à seulement 12 %. On se souvient que la primaire donna un tout autre résultat, François Fillon sortant largement en tête (44 %) du premier tour et l’emportant sans difficulté (66 %) face à Alain Juppé au second.
« Ça tue la primaire »
Pour certains, l’opération de ce matin est en réalité très clair. « Ça tue la primaire. Je considère que c’est mort », rage un responsable des LR, « on va faire un sondage pour déterminer les candidats. On n’a pas de candidat naturel, donc on invente une méthode pour en avoir un. Comment organiser les primaires après ? » Il semble en effet difficile de lancer l’organisation de primaire physique en octobre, à sept mois de la présidentielle.
« En fait, c’est un long processus de convergence. Il y a ceux qui ne veulent pas de primaire. Ceux-là sont furieux, car on désigne quelqu’un pour définir un mode de départage. Et ceux qui veulent une primaire ne sont pas contents, car on repousse à fin septembre le moment où sera acté le mode de désignation », décrypte le député LR Julien Aubert, qui était présent au comité. Mais « dans les faits, le filet est de plus en plus étroit », assure le député du Vaucluse. Alors que les statuts actuels prévoient des primaires ouvertes, selon Julien Aubert, « un vote des adhérents aura lieu fin septembre, lors du congrès, pour acter le système dans les statuts. Ce sont eux qui trancheront pour adopter le système de départage. Ce n’est pas une primaire ouverte », mais « quelque chose de plutôt fermé ».
« Ils se donnent du temps pour François Baroin »
S’il semble urgent d’attendre, un responsable LR croit savoir l’explication : « Ils se donnent du temps pour François Baroin, c’est toujours la même chose… » grince-t-il. Si LR décident d’une forme de primaire fermée, cela posera une difficulté : quelle place dans le dispositif pour Xavier Bertrand ou Valérie Pécresse, deux présidentiables à droite qui ont quitté LR ? « La seule chance qu’on avait d’attirer Bertrand, c’était une primaire ouverte. Xavier ne sera pas là, si c’est fermé. Et Valérie ne voudra pas d’un corps électoral défavorable », qui serait celui de la base militante et des sympathisants, analyse un membre du comité stratégique.
Ce calendrier pourrait bien en réalité faire les affaires de Xavier Bertrand. D’ici la rentrée, le président des Hauts-de-France, comme d’autres aussi, pourront tenter de développer une dynamique, encore insuffisante aujourd’hui pour espérer battre Emmanuel Macron. Mais cette stratégie n’est pas sans risque pour LR. Si personne ne s’impose d’ici là naturellement, comme le rêve Christian Jacob, la droite risque de rester engluée dans ses problèmes de leadership et de division sur sa ligne politique.