Loi immigration : le Sénat supprime l’aide médicale d’Etat
Pour le deuxième jour d’examen du projet de loi immigration, le Sénat a supprimé l’aide médicale d’Etat (AME), qui permet aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d’un accès aux soins. La mesure polémique a été introduite par la droite en commission bien décidée à mettre un terme aux dispositions qui constituent, selon elle, un « appel d’air » migratoire. La mesure « de la honte » pour la gauche.
C’est un gros morceau du projet de loi immigration que le Sénat a adopté avant la pause dînatoire, mardi soir. Malgré les nombreuses prises de parole indignées de la gauche, le Sénat a adopté une mesure controversée : la suppression de l’AME (aide médicale d’Etat), remplacée en AMU (aide médicale d’urgence) dans un nouvel article 1er I, adopté par 200 voix contre 136. Pour mémoire, sur conditions de ressources, l’aide médicale d’Etat prend en charge à 100 % de ses frais médicaux et hospitaliers dans la limite des tarifs de la sécurité sociale pour les étrangers en situation irrégulière qui résident sur le territoire français depuis au moins trois mois sans discontinuité.
Mais pour la droite sénatoriale, ce dispositif constitue un « appel d’air » à l’immigration illégale. A noter que la majorité de la Haute assemblée a déjà voulu limiter ces dernières années la prise en charge par l’AME aux soins urgents et maladies graves, dans le projet de loi finances. Pendant de longues minutes, les élus de gauche ont multiplié les prises de parole pour dénoncer cet ajout effectué par la majorité sénatoriale de la droite et du centre, en commission. « Je ne comprends pas ce que fait cette disposition dans la loi immigration. Aucune donnée ne montre un effet d’appel d’air, d’attractivité de l’aide médicale d’Etat […] et ça aura un effet négatif sur les finances publiques. On transférera sur les hôpitaux, la charge financière. C’est le seul résultat de cette réforme », a déploré, le sénateur socialiste, Bernard Jomier.
« Alors à un moment donné, on arrête de jouer la politique politicienne »
« On a bien compris ce qui se jouait avec la loi immigration. C’est la survie de votre mouvement politique, c’est l’avenir politique du ministre. Mais on ne joue pas avec la santé des Françaises et des Français. Comment, après le covid-19, on va laisser des gens sans soins et être des vecteurs d’épidémies. Alors à un moment donné, on arrête de jouer la politique politicienne », s’est agacé Yannick Jadot, sénateur écologiste. « Un article de la honte », a renchéri le sénateur PS, Yan Chantrel.
Sur les bancs de la droite, les sénateurs se sont montrés discrets pour défendre ce nouvel article. « Nul délaissement de la santé des étrangers en France et nul risque pour les Français face à des épidémies incontrôlées faute de soins de la part de notre système », a défendu la co-rapporteure du texte, Muriel Jourda (LR) en rappelant le panier de soins pris en charge par l’AMU : la prophylaxie, le traitement des maladies graves et des douleurs aiguës, les soins liés à la grossesse, les vaccinations réglementaires et les examens de médecine préventive.
« L’AME, est-ce un appel d’air ? Peut-être, peut-être pas. Ce qui est certain, c’est quand on a bénéficié du système de santé de l’Etat français, on a bien envie de continuer à en bénéficier », a-t-elle justifié.
« Vous avez votre avis Mme la ministre. J’ai cru comprendre que le ministre de l’Intérieur avait un avis personnel différent »
Sur le banc des ministres, pour la première fois depuis le début de l’examen du texte, Gérald Darmanin est resté muet. Le locataire de Beauvau qui s’est dit, à titre personnel, favorable à la suppression de l’AME a laissé la parole à Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé. Une illustration de la division de l’exécutif sur ce sujet. « Le gouvernement est très attaché à l’AME », a-t-elle rappelé estimant que ce serait un non sens de mélanger ce sujet avec l’immigration. Reprenant les éléments du pré-rapport Evin/Stefanini sur l’AME, commandée par le gouvernement, Agnès Firmin le Bodo a rappelé que l’AME n’était « pas un facteur d’attractivité pour les candidats à l’immigration […] 50 % des personnes qui pourraient en bénéficier n’y ont pas recours ».
« Vous avez votre avis Mme la ministre. J’ai cru comprendre que le ministre de l’Intérieur avait un avis personnel différent », a relevé le président du groupe LR, Bruno Retailleau avant de s’adresser aux élus de gauche : « Nous n’avons aucune leçon d’humanité à recevoir »
Malgré son plaidoyer en faveur de l’AME, la ministre n’a pas soutenu les amendements de suppression portés par la gauche de ce nouvel article. « Nous avons voté la suppression de l’AME […] On a bien compris, même mes collègues de droite, que c’est un vote qui sert dans la négociation politique […] On restera avec l’AME, nous en sommes persuadés […] ça fait trois ans que je suis là et c’est la première fois que je vois le travail du Sénat aussi dévalué », a regretté Guy Benarroche, sénateur écologiste.
Dans les négociations avec le gouvernement, Les Républicains du Sénat ont fait de la suppression de l’AME, l’un de ses marqueurs de fermeté à inscrire impérativement dans le texte sous peine de ne pas le voter.
Coup dur pour le groupe LR du Sénat. Sa proposition de loi constitutionnelle a été rabotée en commission des lois. Ses alliés centristes ont rejeté les deux articles phares de ce texte, à savoir la possibilité de déroger au droit européen en matière d’immigration et l’élargissement du champ du référendum à cette question.
Un rapport remis lundi au gouvernement balaye l’hypothèse d’une suppression de l’Aide médicale d’Etat (AME), tout en préconisant une réforme du dispositif. Cette étude prend toutefois ses distances avec le chemin tracé par la majorité sénatoriale, qui a fait disparaître l’AME lors de l’examen du projet de loi immigration en novembre, pour lui substituer une aide d’urgence.
L’attentat de Paris commis par un homme souffrant de troubles psychiatriques et qui était soumis à une injonction de soins jusqu’en en avril, relance le débat sur l’irresponsabilité pénale. La sénatrice centriste, Nathalie Goulet a redéposé un texte datant de 2021 qui prévoit pour les personnes ayant été déclarées irresponsables pénalement, une durée de sûreté d’hospitalisation.
Considéré comme « un appel d’air » migratoire par la droite sénatoriale, l’aide médicale d’État avait été supprimée dans le cadre du projet de loi immigration avant d’être réintégrée en commission par les députés. Un rapport sur ce dispositif commandé par l’exécutif vient tempérer cette affirmation et juge ce dispositif à destination des étrangers en situation irrégulière « globalement maîtrisé ».
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