« Par an, il y a 2 500 étrangers délinquants que j’arrive à faire expulser du territoire français et 4 000 étrangers que je n’arrive pas à expulser parce qu’ils font partie de ces réserves », a expliqué Gérald Darmanin au moment où le Sénat abordait l’examen de l’article 9 du projet de loi immigration. Un article qui vise à faciliter les levées de protection contre l’expulsion et les interdictions de territoire Français, en ce qui concerne les étrangers qui ont fait l’objet d’une condamnation définitive ou qui présentent une menace pour l’ordre public.
« Ces exceptions menacent les Français »
Il existe en droit français plusieurs régimes de protection absolue ou relative. L’une d’entre elles a été abondamment traitée lors de l’attentat d’Arras. Son auteur, Mohammed Mogouchkov, de nationalité russe, arrivé sur le territoire avant l’âge de 13 ans, bénéficiait d’une protection absolue. « Cet individu n’a pas pu être expulsé […]. Les Français ont vu que nous avions une règle : l’expulsion pour les étrangers dangereux, mais que cette règle avait été complètement trouée par les exceptions. Ces exceptions menacent les Français », a dénoncé le président du groupe LR, Bruno Retailleau.
Il est toutefois possible actuellement de lever ces protections, dans des cas précis, en cas d’atteinte aux intérêts fondamentaux de l’État, d’activités terroristes, d’actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes.
Le projet de loi initial dans son article 9 assouplit le régime de protection absolue lorsque l’étranger a été condamné définitivement pour des crimes et délits passibles d’une peine d’au moins dix ans d’emprisonnement, et de cinq ans pour le régime de protection relative (par exemple un étranger parent d’un enfant français). Sous la plume de la commission des lois du Sénat, le quantum de la peine est passé à 5 ans pour le régime de protection absolue et de trois ans pour le régime de protection relative.
Bruno Retailleau a souhaité aller plus loin en présentant un amendement visant à lever toutes les protections, à l’exception des mineurs, pour la mesure judiciaire d’interdiction de territoire (ITF) (voir notre article) et la mesure administrative d’expulsion. « C’est au juge pour l’ITF ou à l’administration pour l’arrêté d’expulsion de mettre le curseur sous le regard bien sûr des tribunaux », a-t-il justifié.
« Nous avons une difficulté constitutionnelle sur la levée sèche des protections »
Le co-rapporteur centriste, Philippe Bonnecarrère l’a invité à le retirer. « Nous avons une difficulté constitutionnelle sur la levée sèche des protections […] Le Conseil constitutionnel nous impose de mener une conciliation équilibrée entre la sauvegarde de l’ordre public et le droit de mener une vie familiale normale », a-t-il souligné avant de mettre en garde : « J’attire votre attention sur le fait que la censure du Conseil constitutionnel est probable et nous n’aurons plus rien derrière ». Une référence aux autres amendements déposés par la majorité sur cet article.
Prudent, Bruno Retailleau a accepté de le retirer.
L’article 9 prévoyait à l’origine également une levée des protections contre les étrangers responsables de violences contre leur conjoint ou leurs enfants. Un amendement de la co-rapporteure LR, Muriel Jourda, y ajoute les ascendants. Il s’agit là encore d’une réponse à l’attentat d’Arras. Son auteur avait été judiciarisé dans une affaire de violences contre sa mère.
Un autre amendement adopté en séance publique et défendu par Roger Karoutchi (LR) lève les protections contre les étrangers en situation irrégulière. La sénatrice LR Marie-Do Aeschlimann a fait passer un amendement qui lève les protections contre les auteurs de violences à l’encontre des élus, des policiers, des pompiers, des soignants, des magistrats, des avocats ou des enseignants.
Enfin, le ministre de l’Intérieur a fait adopter en séance une nouvelle exception aux régimes de protection des étrangers en cas de « violation délibérée et d’une particulière gravité des principes de la République ».