Ce pourrait être un nouvel obstacle pour le géant chinois Huawei et ses ambitions en France dans le déploiement de la future 5G, la nouvelle génération de réseau mobile ultrarapide dont il est un des grands acteurs, sinon le leader mondial. Dans la foulée d’autres États occidentaux inquiets de la montée en puissance de la technologie chinoise et d’une éventuelle utilisation des infrastructures par les autorités de Pékin à des fins d’espionnage, la France prend ses précautions.
Sans citer évidemment le constructeur asiatique, le gouvernement a déposé le 25 janvier au Sénat un amendement au projet de loi pour la croissance et la transformation des entreprises (loi Pacte), dont l’examen débute en séance ce mardi. L’amendement met en place un régime d’autorisation préalable (délivrée par Matignon) à toute entreprise voulant exploiter des équipements de réseaux radioélectriques. Les infrastructures déjà installées sont également concernées.
Il s’agit pour l’État de « s’assurer que les équipements exploités sur le territoire français ne sont pas de nature à porter atteinte à l’ordre public et aux intérêts de la sécurité et de la défense nationales ». Les modalités de ce dispositif seraient précisées dans un décret, et des sanctions pénales seraient prévues en cas de « manquement » de la part de l’entreprise concernée. Le gouvernement considère la 5G comme une « technologie de rupture », qui permettra de développer « de nombreux usages critiques où le doute sur la sécurité, la fiabilité ou l’intégrité des communications ne peut être permis ».
L’amendement, qui crée un article additionnel après l’article 55 dans ce projet de loi de taille importante, devrait être débattu par la Haute assemblée la semaine prochaine. La commission n’a pas encore exprimé sa position.
Un fabricant exclu aux États-Unis
Le texte avait été présenté le 16 janvier lors d’une réunion à Bercy avec des opérateurs, le régulateur du secteur et l’Anssi, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information, placée sous l’autorité du Premier ministre.
Plusieurs États ont exclu l’an dernier Huawei dans la construction d’infrastructures nécessaires au déploiement de la 5G : l’Australie, la Nouvelle-Zélande et plus récemment le Japon. Les États-Unis ont depuis longtemps exclu le constructeur des chantiers. Dès 2012, un rapport du Congrès estimait que les technologies du groupe pouvaient saper la sécurité nationale. Il y a un an, une lettre de parlementaires estimait que les équipements de Huawei, dont le fondateur est un ancien ingénieur de l’armée chinoise, constituaient une « menace pour la sécurité américaine ».
Le gouvernement français « tout à fait conscient des risques »
D’autres pays en Europe, comme le Royaume-Uni ou la Pologne ont aussi exprimé de vives inquiétudes. Au niveau de la Commission européenne, Andrus Ansip (marché unique numérique) avait exprimé ses craintes face à la loi sur le renseignement adoptée en Chine en 2017, texte qui obligerait notamment les entreprises à aider les agences d’espionnage chinoises. « Quand c'est écrit dans la loi, nous devons comprendre que ces risques sont plus élevés. Nous ne pouvons plus être naïfs », a averti le 25 janvier le commissaire européen.
Paris n’est pas en reste. Auditionné le 23 janvier devant la commission des Affaires étrangères du Sénat, le ministre Jean-Yves le Drian avait indiqué que le gouvernement français était « tout à fait conscient » des « risques que peut entraîner le fait que Huawei intervienne largement sur la 5G ».