A Aulnay-sous-Bois, les militants PS face à un électorat désabusé
Il y a cinq ans, Oussouf Siby posait, plein d'espoir, aux côtés de François Hollande. Aujourd'hui, le jeune secrétaire de section...

A Aulnay-sous-Bois, les militants PS face à un électorat désabusé

Il y a cinq ans, Oussouf Siby posait, plein d'espoir, aux côtés de François Hollande. Aujourd'hui, le jeune secrétaire de section...
Public Sénat

Par Claire GALLEN

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Il y a cinq ans, Oussouf Siby posait, plein d'espoir, aux côtés de François Hollande. Aujourd'hui, le jeune secrétaire de section PS d'Aulnay-sous-Bois se dépense pour convaincre un électorat sceptique et des militants déboussolés par la campagne.

En ce matin gris de mars, il tracte entre les barres d'immeubles du nord de la ville, tentant d'attirer l'attention des parents sur les propositions de Benoît Hamon, à la sortie de l'école maternelle Merisier. Dans ce quartier populaire de Seine-Saint-Denis où le chômage atteint 20%, l'électeur file sans s'arrêter.

"Je vote blanc, je ne vote pas!", lance une mère de famille. "Franchement, c'est n'importe quoi. Il n'y en a aucun qui donne envie", ajoute une autre. "J'ai voté Hollande, il a trahi. Maintenant c'est Macron!", menace un homme qui s'éloigne à grand pas.

En 2012, François Hollande avait obtenu 62% des voix à Aulnay-sous-bois: un score à la hauteur de "l'immense espoir" qu'avait suscitée sa candidature, dans des banlieues qui "voulaient tourner la page Sarkozy", selon Oussouf Siby.

"Cinq ans plus tard, une bonne partie du bilan a déçu", analyse le militant PS, qui reconnaît une "blessure" dans l'électorat, voire "un sentiment de trahison".

- Jeunes "dégoûtés" -

Cet enfant des cités nord d'Aulnay comprend la rancoeur de ces quartiers à forte population immigrée. "Les gens nous disent: +Vous nous avez promis le vote des étrangers et on a eu la déchéance de nationalité+, c'est dur à entendre quand on est de gauche", raconte ce fervent hamoniste, pour qui Manuel Valls a "trop divisé" durant le quinquennat.

Droit de vote des étrangers, récépissé lors des contrôles d'identité... Laetitia, 24 ans, hausse les épaules à l'évocation des promesses non tenues. "Ce sont des politiciens", soupire-t-elle, en regrettant qu'"on ne parle pas des problèmes des cités, des jeunes" dans cette campagne.

On est ici dans la ville de "l'affaire Théo", ce jeune homme noir dont l'interpellation brutale avait provoqué des violences urbaines en février. "Vous avez vu comment il a été arrêté? Les jeunes sont dégoûtés", s'emporte un grand-père, qui en veut pour preuve ses trois enfants, jeunes adultes, "qui ne votent pas".

"Cette affaire va peser", estime Oussouf Siby, pour qui "le premier fléau dans les quartiers c'est l'abstention, qui est très forte, militante", avec près de 65% à Aulnay lors des régionales de 2015.

Et dans cette campagne plombée par les affaires, les militants eux-mêmes ont du mal à cacher leur vague à l'âme.

- Vote utile -

"On espère que la campagne va vraiment démarrer parce que là, ça se passe au ministère de la Justice...", déplore Tahar, grand gaillard volubile, lors d'une réunion de section où Oussouf incite ses troupes à aller "expliquer le programme de Benoît", qui "parle aux jeunes, aux moins jeunes, avec des solutions crédibles".

"Je mène campagne parce que je le dois mais je me dis que ça ne mène nulle part", soupire Mokthar dans son costume gris, qui a "l'impression que rien ne se passe, qu'on ne fait rien".

Impatience aussi chez Sadi, la cinquantaine souriante, face aux divisions du PS. "Je suis un peu déçu que Hollande ne soutienne pas Hamon. Ca donne un boulevard au FN".

Dans cette ville encore marquée par la fermeture des usines PSA en 2013, "c'est notre électorat qui est parti, les bas salaires, les ouvriers, qui votent Marine Le Pen sans complexes", avertit Tahar.

Face à ce "risque FN", "certains camarades se disent qu'il vaut mieux mettre un bulletin Macron plutôt que Hamon", soupire Oussouf Siby, qui déplore: "On veut nous imposer le vote utile". Mais "ce que propose Macron c'est Fillon en +light+".

Dans la salle éclairée au néon, un vieux monsieur prend la parole. Macron ne promet pas "la politique sociale la pire", assure-t-il. "Il a été ministre de Hollande quand même!".

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