A Blois, les socialistes se déchirent sur leur discours de la méthode

Aux universités d’été du parti socialiste, les désaccords internes sur la stratégie pour Matignon se laissent voir. En apparence, l’ambiance est joviale, mais les débats sont tendus. Si tous les socialistes s’accordent sur les mesures qu’ils veulent voir appliquées par un éventuel gouvernement de gauche, la méthode ne fait pas consensus.
Mathilde Nutarelli

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Ce jeudi, les universités d’été du Parti socialiste se sont ouvertes à Blois. Cette année, elles sont particulièrement scrutées, parce qu’à l’intérieur et à l’extérieur de la vieille maison, des dissensions se font entendre. Après une réunion du bureau national mardi dernier, deux tendances se dessinent. Celle portée par Hélène Geoffroy, maire de Vaulx-en-Velin, et Nicolas Mayer-Rossignol, maire de Rouen, qui souhaitent continuer les discussions avec le Président de la République, et celle d’Olivier Faure, le premier secrétaire, qui a décidé de ne pas revenir à la table des négociations après le refus par Emmanuel Macron de nommer à Matignon Lucie Castets. Entre les tables de la guinguette installée devant la Halle aux grains de Blois, l’ambiance cordiale et détendue ne laisse rien paraître des dissensions internes. « C’est la culture des socialistes de surdébattre », s’en amuse même Corinne Narassiguin, sénatrice socialiste de Seine-Saint-Denis et proche d’Olivier Faure. Quelques tensions, lors d’une table ronde avec Hélène Geoffroy et Pierre Jouvet sur la situation politique, font néanmoins craqueler la façade.

Le nom de Bernard Cazeneuve ne fait pas consensus

Parmi les sujets qui divisent, une rumeur entendue depuis quelques jours : l’éventuelle nomination à Matignon de Bernard Cazeneuve, ancien Premier ministre de François Hollande, qui a récemment quitté le Parti socialiste. Son profil crispe au plus haut point chez les écologistes et chez les Insoumis. Les députés PS pourraient-ils censurer un gouvernement mené par l’un de leurs anciens camarades ? L’option Cazeneuve à Matignon en séduit certains, parmi ceux les plus hostiles au NFP. « Il ferait un bon Premier ministre », confie Hélène Geoffroy à Public Sénat, « il assurerait de la sérénité dans les débats qui s’engagent ». Dans la frange fauriste du PS, on préfère ne pas s’appesantir sur la question. « Les députés socialistes pourraient censurer un gouvernement de Bernard Cazeneuve autant qu’ils pourraient censurer Olivier Dussopt ou Gabriel Attal », lance Éric Kerrouche, sénateur socialiste des Landes, sur la ligne d’Olivier Faure. « Il y a des gens qui ont fait des choix à un moment. L’ancien Premier ministre Cazeneuve a quitté notre famille politique, ce que je regrette à titre personnel ».

Mais le désaccord est plus profond que le nom de l’ancien Premier ministre. La ligne opposée à Olivier Faure plaide pour un gouvernement de cohabitation avec un Premier ministre de gauche, portant un socle de mesures. A la sortie d’un débat, Hélène Geoffroy explique : « Une des solutions de sortie de crise c’est de nommer un Premier ministre pour une cohabitation. La gauche est arrivée en tête, le Premier ministre doit être de gauche, c’est une évidence ». « Il faut être lucide, ce qui compte c’est que le Président nomme quelqu’un. Nous attendons la nomination et nous jugerons sur pièce. Si c’est quelqu’un de gauche qui mène une politique de gauche, nous pourrons voter », affirme Rachid Temal, sénateur socialiste du Val d’Oise, sur la tendance d’Hélène Geoffroy. Olivier Faure, quant à lui, considère qu’il faut qu’Emmanuel Macron « laisse les partis et les groupes au Parlement se réunir et décider de ce qu’ils veulent faire ».

« La vraie question qui se pose, c’est quel sera le degré de liberté de l’éventuel Premier ministre »

En attendant, aucun nom n’est pour l’instant sorti, et les socialistes sont encore dans l’attente. « La vraie question qui se pose, c’est quel sera le degré de liberté de l’éventuel Premier ministre », résume Éric Kerrouche. Mardi, en bureau national, le parti s’est mis d’accord sur une ligne. « Quelle que soit la personne qu’Emmanuel Macron choisit de nommer à Matignon, s’il s’agit de poursuivre sa politique qui a été sanctionnée par les Français, nous dirons non », rappelle Corinne Narassiguin. Tous le disent : ils sont moins intéressés par le nom du futur locataire de Matignon que par le programme qui sera appliqué. Les différentes tendances des socialistes sont d’accord sur un point. Il faut un cap et des mesures programmatiques claires à faire porter : l’abrogation de la réforme des retraites, la hausse du smic, des mesures en faveur du pouvoir d’achat, une politique en faveur des services publics et des mesures fiscales.

« Nous ne voulons être la béquille de personne : ni de Macron ni de Mélenchon »

Au fond, ce que cette fracture interne au PS révèle, ce sont les divisions qui existaient déjà en 2022 au moment de la formation de la NUPES, exacerbées au moment des élections européennes. La frange socialiste hostile à l’union de la gauche avec la France Insoumise, qui a approuvé la création du Nouveau Front populaire dans l’urgence et la peur de voir le RN arriver au pouvoir, a décidé de remettre l’ouvrage sur le métier pour faire virer de bord le parti, pour retrouver une position de force à gauche. « Le PS est redevenu la force centrale de la gauche », affirme Patrick Kanner, président du groupe socialiste au Sénat, au micro de Public Sénat. Rachid Temal résume la ligne : « Nous ne voulons être la béquille de personne : ni de Macron ni de Mélenchon. Une différence fondamentale sur laquelle peut essayer de jouer Emmanuel Macron pour fracturer le Nouveau Front populaire, en nommant un profil comme Bernard Cazeneuve à Matignon. Mais pour l’heure, les socialistes attendent que le Président termine ses consultations et se décide sur un nom. Un meeting du NFP est prévu demain à Blois, à peu près au même moment où les deux textes d’orientation opposés à Olivier Faure se réuniront.

 

Images de Jérôme Rabier et Audrey Vuetaz

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