Le train de vie des élus fait souvent l’objet de fantasmes. Sur les quelque 600 000 élus que compte le pays, les deux tiers (des conseillers municipaux) sont bénévoles et ne sont pas des professionnels de la politique. Dans le dernier tiers restant, l’essentiel est constitué d’élus locaux, et en grande majorité des maires de communes rurales, dont beaucoup seraient sur le point de raccrocher.
Selon le centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), près d'un maire sur deux envisage de passer la main lors des prochaines élections de mars 2020. Les raisons sont nombreuses – complexité d’un mandat pouvant être épuisant, difficulté de l’articuler avec une vie professionnelle, défiance de l’opinion publique pouvant aller jusqu’aux menaces – mais la question de la rétribution n’est sans doute pas étrangère non plus au blues des maires.
« Thématique délicate »
Le Sénat organisait ce jeudi un colloque intitulé « la rémunération du travail politique », à l’initiative du sénateur (PS) Éric Kerrouche. « Une thématique délicate », selon les mots du président de son groupe Patrick Kanner. Presque un tabou. « Sur ces sujets-là, on n’ose plus rien dire, on ose à peine en débattre au Parlement », confiait encore sur notre antenne le vice-président (LR) du Sénat Philippe Dallier, le 17 septembre sur Public Sénat.
En étudiant les chiffres, la question de la rémunération peut bien constituer un frein, sous certains niveaux, à l’engagement municipal. Régulièrement pointé par les sénateurs et les associations d’élus, les frais occasionnés par le mandat, souvent sans remboursement, pèse sur les petits maires. Et la multiplication des réunions et des déplacements peut être incompatible avec l’exercice d’une profession à plein temps. D’ailleurs, la rémunération des maires pour leur fonction élective n’est pas un salaire mais une indemnité, destinée à compenser ce manque à gagner. Devant nos caméras, le plus jeune maire du Puy-de-Dôme, élu d’une commune de 800 habitants, expliquait avoir passé plus de temps à la mairie qu’à son travail durant son mandat. À chaque heure d’absence, c’est autant de salaire professionnel en moins. Son indemnité de maire ne s’élève qu’à 1 042 euros net.
661 euros pour des communes de moins de 500 habitants
Les niveaux maximums de ces indemnités sont définis par le Code général des collectivités territoriales. Les barèmes sont indexés sur l’indice brut de la fonction publique. Et ces indemnités varient bien évidemment en fonction de la taille de la commune. L’indemnité peut aller de 661 euros brut, pour les communes de moins de 500 habitants (53 % des communes), à 5 640 euros brut, pour les villes de plus de 100 000 habitants (elles sont 40). Rappelons que 91 % des communes en France comptent moins de 3 500 habitants. Dit autrement, neuf maires sur dix touchent moins de 1672 euros brut (1,1 Smic).
Les indemnités versées dans le cadre de la commune peuvent se cumuler avec celles versées pour des fonctions exercées au sein d’une intercommunalité (elles sont 1259) ou d’un syndicat de communes, mais leur nombre est par définition limité.
Afin de mieux reconnaître l’engagement des élus, le gouvernement prévoit de rehausser les indemnités des maires pour les communes de moins de 500 habitants, et pour les communes de 500 à 999 habitants, sur celles de 1000 à 3499 habitants. Le coup de pouce est loin d’être négligeable : 1000 euros pour les premiers, et d’un peu moins de 500 euros pour les seconds. Cette fusion entre les trois premières strates a aussi l’avantage de faire disparaître les effets de seuil : à 10 habitants près pour la population d’une commune, le niveau de la rémunération pouvait varier à la hausse ou à la baisse de près de 600 euros. Cette mesure est l’un des points majeurs du projet de loi « engagement et proximité », qui sera examiné au Sénat à partir du 8 octobre.
Reste une inconnue : comment se traduira sur le terrain cette nouvelle grille une fois votée ? Dans une période marquée par des budgets contraints et des dotations de l’État limitées, tous les conseils municipaux n’auront sans doute pas les marges de manœuvre nécessaires pour mieux rétribuer leurs maires.