A l’Ecologie, Barbara Pompili devra faire face « aux lobbys » prévient François de Rugy
La nouvelle ministre de la Transition écologique devra incarner le souffle écologique qu’entend donner Emmanuel Macron. Elle saura défendre une « écologie dans la réalité » selon François de Rugy, qui a occupé le poste. Mais les sénateurs écologistes craignent qu’elle « manque de marges de manœuvre » ou ne fasse que de « la communication ».
La voilà sur les marches de l’Hôtel de Roquelaure, boulevard Saint-Germain, à Paris, qui héberge son nouveau ministère. Barbara Pompili, connaît déjà la maison en réalité. Elle a été secrétaire d’Etat chargée de la Biodiversité sous François Hollande. C’est aujourd’hui à la tête d’un ministère de la Transition écologique beaucoup plus large, avec sous sa tutelle les Transports et le Logement, que cette ancienne d’EELV a la lourde tâche d’incarner l’ambition écologique portée par Emmanuel Macron.
Pompili : « L’écologie, c’est ma vie et la source de mon engagement »
« L’écologie, c’est ma vie et la source de mon engagement » dit-elle ce mardi, lors de sa passation de pouvoir avec Elisabeth Borne. Son ambition, c’est de « décarboner nos modes de vie », « que l’écologie appartienne à tous, que chacun puisse s’en saisir (…) dans son territoire », le nouveau mantra du gouvernement. Elle cite ceux qui ont compté dans son parcours : « Yves Cochet, Noël Mamère, Nicolas Hulot, Ségolène Royal, François de Rugy ».
L’ancien ministre de la Transition écologique, qui a dû démissionner en juillet 2019, et la nouvelle, se suivent depuis des années. « Je la connais depuis très longtemps, depuis 20 ans » raconte à publicsenat.fr François de Rugy. Ils se sont connus au Palais Bourbon. « J’étais collaborateur à l’Assemblée et elle est venue faire un stage auprès d’un député, qui était dans le sous-groupe des Verts, Jean-Michel Marchand, député du Maine-et-Loire », croit se souvenir le député LREM de Loire-Atlantique. Il continue : « Nos parcours politiques ont fait plus que se croiser, ils se sont entremêlés à de nombreuses reprises. Et le hasard, enfin plutôt les circonstances, font qu’elle me succède. Je lui ai dit : « J’ai l’impression que tu es ma vraie successeure à l’écologie » »… Elisabeth Borne, qui n’a certes pas incarné pleinement la fonction, appréciera.
L’ancien président LREM de l’Assemblée nationale salue aujourd’hui sa nomination : « C’est la bonne personne à la bonne place. C’est un choix logique et légitime. L’écologie est au cœur de ses combats » dit-il, « elle connaît le ministère. Elle est immédiatement opérationnelle ». Si elle n’est pas connue du grand public, Barbara Pompili a déjà une belle expérience politique : élue députée de la Somme en 2012, elle co-préside le groupe écologiste de l’Assemblée avec François de Rugy avant de devenir secrétaire d’Etat, créant l’Agence française pour la biodiversité. Après avoir rejoint LREM, elle préside la commission du développement durable depuis 2017. A 45 ans, elle se retrouve aujourd’hui à la tête d’un ministère doté de 35 milliards d’euros de budget et d’une administration « de 50.000 agents » rappelle François de Rugy.
Tout le monde, y compris ses anciens amis politiques, qui ne l’ont pas suivi dans son parcours, lui reconnaissent sa fibre écolo. Mais ils doutent de la volonté d’Emmanuel Macron de réellement retourner la table pour la planète. « Je la connais bien. (...) Je vais travailler certainement avec elle. (…) On va essayer de travailler sur la question des territoires, qui sont au cœur de la transition. Mais on va mettre quelques mois pour définir une stratégie. (…) On a quand même perdu énormément de temps » regrette le sénateur écologiste (proche d’EELV) de Loire-Atlantique, Ronan Dantec, invité de la matinale de Public Sénat ce matin (voir la vidéo à partir de 5 min). Pour lui, la question sera le niveau de prise en compte des conclusions de la Convention citoyenne et « l’argent » mise sur la table.
« Sur sa bonne volonté et sa compétence, je n’ai pas de doute » dit Joël Labbé, sénateur écologiste (qui a pris du champ avec EELV) du Morbihan, qui l’a « bien apprécié en tant que personne à EELV ». Il a « vu sa détermination, quand on manifestait contre la ferme des mille vaches dans son département, ou à Notre-Dame-des-Landes. Donc tout cela, il en reste forcément quelque chose ».
« Elle aura ses limites du fait d’un manque de marges de manœuvre »
« Mais elle aura ses limites du fait d’un manque de marges de manœuvre dans ce gouvernement, car il n’y a pas de véritable signe d’une prise en compte fondamentale de l’écologie » tempère aussitôt Joël Labbé. Il ajoute :
Etant donné la ligne libérale qui se poursuit, ça ne peut pas être compatible avec une véritable transition écologique.
La plus dure avec Barbara Pompili sera peut-être Esther Benbassa. La sénatrice de Paris, toujours à EELV, lui reconnaît « des idées écologistes quand même » et note qu’elle « n’est pas antipathique ». Mais elle craint « qu’elle suive la politique du gouvernement. A savoir, de la communication et peu d’actes. Le verdissement du gouvernement est conjoncturel, lié aux élections ». Surtout, Esther Benbassa lui reproche ses évolutions politiques et « cette course aux postes » qui la « gêne beaucoup ». « Une personne qui change, une fois à EELV, après chez LREM, me fait considérer qu’elle n’est pas très convaincue » pointe la sénatrice.
« C’est extrêmement facile de faire des grandes phrases sur l’écologie »
Les sénateurs écologistes l’attendent donc au tournant. « C’est extrêmement facile de faire des grandes phrases sur l’écologie. (…) Mais il faut être prêt à affronter des groupes qui n’en veulent pas » prévient Ronan Dantec.
François de Rugy, comme Nicolas Hulot avant lui, l’a expérimenté en préparant la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie, qu’elle devra mettre en œuvre. « Bien sûr que le Medef comme d’autres lobbys vont évidemment s’activer » dit-il, « mais il faut se confronter à cette réalité », plaidant pour « une écologie qui est dans la réalité. Les banderoles de Greenpeace ou des Verts n’ont jamais fait fermer une centrale nucléaire. C’est nous qui l’avons fait.» François de Rugy compte sur elle sur ce plan :
Je sais que Barbara Pompili sera une combattante de l’écologie au gouvernement. C’est un combat de tous les instants, y compris au sein de l’appareil d’Etat, des ministères même, mais aussi face aux lobbys privés. Mais je sais que ça ne lui fait pas peur. (François de Rugy, ancien ministre de la Transition écologique)
Quid du nucléaire ?
Reste à voir comment elle abordera la question du nucléaire, elle qui est connue pour s’opposer à la construction de nouveaux réacteurs ou à celle de Cigéo, ce projet d’enfouissement des déchets nucléaires de longue durée à Bure, dans la Meuse. De quoi inquiéter l’un de ses fervents défenseurs au Sénat, le sénateur LR du département, Gérard Longuet. « C’est en effet un sujet de préoccupation car Barbara Pompili n’aime manifestement pas le nucléaire et ne veut pas régler les problèmes. Il va falloir lui expliquer que la solution Cigéo est la bonne solution, comme tous les gens le disent depuis 30 ans » soutient l’ancien ministre de la Défense. « J’ai l’habitude » ajoute Gérard Longuet, « j’en suis à mon 12e ou 15e ministre de l’Environnement sur ce projet. Tous avaient des réticences et tous ont accepté. Elle fera comme ses prédécesseurs… »
Barbara Pompili saura sûrement composer, quand il le faudra. « Ce n’est pas une technicienne, mais une politique, élue, avec un ancrage territorial en Picardie » souligne François de Rugy. De la politique, elle a su en faire en créant un courant au sein du groupe LREM, « En commun ». De quoi peser. Sa nomination répond aussi à l’aile gauche et écolo de la majorité, qui ne s’y retrouvait plus. Il y a quelque mois, elle menaçait en privé de quitter LREM, face au manque d’ambition du gouvernement. Elle avait aussi peu apprécié l’accord entre LREM et l’UDI aux municipales à Amiens. Son compagnon, Christophe Porquier, y présentait une liste écologiste. Mais Barbara Pompili a tenu. La voilà aujourd’hui ministre. L’histoire dira si elle porte une réelle ambition écologique, à condition qu’Emmanuel Macron lui en donne vraiment les moyens. A défaut, elle ne restera qu’une ministre de l’Ecologie de plus.
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