En 2017, la présence du Front national au second tour ne crée plus la surprise. Pour le démographe Hervé Le Bras : « on en vient même à s’étonner que Marine Le Pen ne soit pas en tête », résultat, selon lui, « d’une lepennisation des esprits » opérée depuis 2002. Du coté du FN pourtant « rien n’a changé, le discours de Marine Le Pen pourrait être celui de son père » observe-t-il, mais le contexte « s’est transformé radicalement ». La surprise pour Frédéric Salat-Baroux, ancien conseiller du président Jacques Chirac, c’est « l’absence des partis traditionnels au second tour : l’évènement s’inscrit dans un mouvement révolutionnaire dégagiste », et « les guillotines politiques ne sèchent plus ».
En 2017, "les guillotines politiques ne sèchent pas" pour Frédéric Salat-Baroux
Rien à voir avec le 21 avril 2002, à l’époque aucun sondage ne l’annonce et pourtant, ce soir là, le visage de Jean-Marie Le Pen apparait à 20h aux cotés de celui de Jacques Chirac. Pour la première fois, le Front National se qualifie au second tour de la présidentielle avec 16,9%, éliminant le candidat socialiste Lionel Jospin (16,2%). « C’était un choc terrible » se souvient Frédéric Salat-Baroux, « personne ne l’avait vu venir ». A l’Elysée, après l’annonce des résultats, il se souvient de « la gravité » qu’exprimait le visage du président « pour lui, la vie politique de la Ve République a alors radicalement changé ».
Que reste-t-il du front républicain ?
A l’époque, la réaction de la gauche est immédiate. Si Lionel Jospin entretient le suspens pendant une semaine sur ses intentions, les dirigeants du Parti Socialiste et les écologistes appellent à former un front républicain, avant tout par « sens des responsabilités » rappelle Frédéric Salat-Baroux. Le report des voix vers la candidature de Jacques Chirac « s’est fait alors sans poser de question ». Aujourd’hui, la stratégie du vote utile ne fait plus l’unanimité. « Ni patron ni patrie ! » crient les lycéens descendus dans la rue au lendemain des résultats de 2017. Comparée à celle d’il y a quinze ans, « c’est une réaction très différente » juge Hervé Le Bras « et pas très positive (...) même la jeunesse est blasée par rapport à cette époque ».
Mais au fond la plus grande différence entre 2002 et 2017, reste pour Hervé le Bras une question d’ambition, « il y a une très grande différence de personnalité entre Jean-Marie Le Pen et sa fille ». Lui, ne désirait pas le pouvoir « il était à sa place comme trublion, Marine Le Pen, elle, est prête ».