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A Mayotte, Emmanuel Macron face à l’immigration clandestine
Par Cécile AZZARO
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Emmanuel Macron, qui se rend mardi à Mayotte, est attendu sur la question de l'immigration clandestine, source d'inquiétude et de colère pour une partie de la population de ce jeune département français où la moitié des habitants sont étrangers.
Le président vient constater le déploiement de l'opération Shikandra, un plan civilo-militaire de lutte contre l'immigration clandestine.
Dans cet archipel de 374 km2, devenu département français en 2011, 48% des 256.000 habitants sont des étrangers, selon l'Insee, des chiffres en augmentation par rapport à 2012 (40%).
Ce ratio inédit (la moyenne nationale est de 6,5% d'étrangers) est le fait d'une importante immigration des Comores, l'un des états les plus pauvres au monde, dont l'île la plus proche, Anjouan, n'est située qu'à 70 km des côtes mahoraises. Selon l'Insee, 95% des étrangers de Mayotte sont Comoriens.
De plus, un étranger sur deux était clandestin (environ 66.000 personnes) en 2015, selon l'Insee.
Depuis quelques années, le nombre de migrants en provenance de l'Afrique des Grands Lacs (RDC, Burundi, Rwanda) est également en hausse. Et plus récemment, ce sont des Sri-Lankais qui ont débarqué sur le sol mahorais.
Cette situation, régulièrement dénoncée par les élus locaux, a conduit à plusieurs reprises le territoire à s'enflammer.
Au printemps 2018, les Mahorais ont bloqué les routes pendant près de six semaines, paralysant la circulation et l'ensemble de l'économie de l'île.
Ils protestaient entre autres contre cette immigration clandestine, qu'ils accusent d'être responsable de l'insécurité et de la saturation des services publics, notamment de l'hôpital (en 2017, les trois quarts des bébés nés à Mayotte avaient une mère étrangère, selon l'Insee) et des écoles (certaines classes fonctionnent par rotation faute de places).
- "équilibres fragiles" -
Dans une lettre adressée la semaine dernière à Emmanuel Macron, le Collectif des citoyens de Mayotte, à l'origine du mouvement social, souligne toujours que "l'immigration clandestine (qui) augmente à un rythme accéléré (...) menac(e) les équilibres fragiles que nous avions et dégrad(e) l'environnement, le système éducatif, le système de santé et l'urbanisme".
La population réclame notamment plus de moyens pour enrayer les arrivées régulières de kwassas-kwassas, ces embarcations de fortune transportant les migrants, souvent au péril de leur vie.
Pour y répondre, le gouvernement, qui a déjà intensifié depuis plusieurs mois les contrôles et les reconduites vers les Comores, a mis en place en août l'"opération Shikandra" (nom d'un poisson débonnaire qui mord quand on s'approche de son nid), comprenant notamment des effectifs militaires et douaniers supplémentaires, afin d'atteindre 25.000 reconduites à la frontière fin 2019.
Ce dispositif prévoit une consolidation de la lutte en mer, avec une augmentation du nombre des navires intercepteurs et une meilleure surveillance aérienne.
Selon l'Elysée, au 1er octobre, 22.000 reconduites à la frontière ont déjà été comptabilisés (contre 15.000 en 2018).
Le gouvernement a aussi intensifié les contrôles contre le travail dissimulé et les destructions d'habitats informels.
Mais pour le député LR Mansour Kamardine, ces mesures sont "notoirement insuffisantes", "les Mahorais attendent un renforcement rapide et conséquent des moyens humains et matériels de lutte contre l'insécurité et de maîtrise des frontières". Car "résoudre le problème de l'immigration est un préalable pour avancer sur les questions économiques et de développement" de Mayotte.
Dans une proposition de loi, il suggère notamment de porter à 36 mois au lieu de 18 la durée de séjour régulier en France permettant à un étranger résidant à Mayotte de solliciter un regroupement familial.
Même dans le camp LREM, la députée de Mayotte Ramlati Ali a jugé lors du débat sur l'immigration à l'Assemblée "nécessaire de durcir certains critères d'accès au séjour", appelant à "rendre Mayotte aux Mahorais".
La loi asile-immigration de septembre 2018 a déjà adapté le droit de la nationalité à Mayotte en exigeant trois mois minimum de présence sur le territoire national d'un des parents pour qu'un enfant puisse prétendre à la nationalité.
Et le centre de rétention administrative dispose d'un statut dérogatoire, avec un délai légal de rétention avant la saisine d'un juge des libertés et de la détention de cinq jours, contre 48 heures en métropole.