Convoitée à la fois par le Rassemblement national, qui veut en faire sa plus grosse prise, et par les Verts, qui veulent être la "surprise" de 2022, Perpignan a accueilli le même soir vendredi deux meetings adverses, entre lesquels s'est glissé un buffet catalan de LREM.
Le député et candidat RN Louis Aliot, qui a arrondi les angles de sa campagne et mènera une liste d'ouverture, a promis qu'il serait un maire "bienveillant". Il a reçu le soutien de l'ancien ministre sarkozyste Thierry Mariani, gage d'une stratégie d'ouverture que le parti lepéniste entend suivre jusqu'à la présidentielle de 2022.
A quelques kilomètres de là, la candidate à la tête d'une liste EELV et PS Agnès Langevine recevait le soutien de la tête de pont des Verts, Yannick Jadot, et de l'eurodéputé Raphaël Glucksmann, marques d'une ambition pas seulement locale.
En cas de victoire du RN aux municipales fin mars, Perpignan serait, avec ses 122.000 habitants, la plus grande ville conquise par l'extrême droite depuis Toulon gagnée en 1995 (jusqu'en 2001).
En 2014, Louis Aliot, ancien compagnon de Marine Le Pen, était arrivé en tête au premier tour avec 34,18% des voix devant le maire sortant LR Jean-Marc Pujol (30,67%), qui l'avait finalement emporté grâce au retrait du candidat socialiste.
- "N'ayez pas peur" -
Cette fois, l'amateur de rugby croit en ses chances de transformer ses deux essais de 2008 et 2014 face à une droite et une gauche divisées.
"N'ayez pas peur", a lancé à ses soutiens Louis Aliot, en tête des sondages, mais disposant d'un réservoir de voix plus faible que ses adversaires. Le candidat a abandonné le logo RN et favorisé le "rassemblement local" en accueillant sur sa liste des candidats extérieurs au parti, comme la conseillère LR de Nîmes Patricia Fourquet.
Militant RN de la première heure, Mohamed Bellebou, 65 ans, fils de harkis, loue "le côté sympa" de Louis Aliot, son "charisme". Antoine, 59 ans, vieil ami de la compagne artiste de Louis Aliot et ancien giscardien mais pas encarté au RN, dit qu'il en a "marre du maire, de l'insécurité, de la saleté".
Louis Aliot n'a pas cité vendredi Agnès Langevine, qui est pour lui "la candidate par défaut" investie après la poussée des Verts aux européennes, mais a promis une ville "écologique", désireux de ne "pas laisser l'écologie aux gauchistes". Le candidat RN parie sur la division de la gauche, avec la liste LFI-PCF.
Le maire LR sortant est lui concurrencé par deux de ses anciens adjoints, dont Romain Grau, député du département et candidat LREM. Ce camarade de promotion à l'ENA d'Emmanuel Macron, qui avance déjà le scénario d'un "front républicain" au second tour, s'est présenté en meeting vendredi comme le candidat "antidote" aux difficultés des Perpignanais.
- "Invitée surprise" -
Du côté des Verts, Yannick Jadot, bien qu'il s'en défende, est venu marquer à Perpignan les esprits en vue de 2022.
L'écologie est "une réconciliation avec l’avenir (…) Quand on se bat pour les déplacements, le logement, l'éducation, la santé, on est citoyen, on maîtrise sa vie, et on botte le cul de l'extrême droite", a-t-il lancé devant ses partisans.
Un militant EELV, Jean-François Chabry, fonctionnaire de 56 ans, s'est félicité de la venue d'"une locomotive au niveau national". Pour lui, "la seule opposition c'est les Verts".
Agnès Langevine parie pour sa part que l'écologie sera "invitée surprise de ce scrutin". C'est un "changement irréversible. Le réalisme a changé de camp", avance-t-elle.
Mais EELV prend aussi le risque de surjouer un affrontement à l'issue incertaine. Contrairement à des sondages plaçant EELV en tête à Strasbourg, Besançon ou encore à Lyon, au premier tour la candidate Agnès Langevine, alliée au PS, n'arrive selon l'Ifop en janvier qu'en troisième position à 14,5%, loin des 26% de M. Aliot et même des 18% de M. Pujol qui recevra mercredi la visite du patron de LR Christian Jacob.
Mme Langevine est même contestée à gauche par la liste PCF-LFI (13,5%) et au centre par le candidat LREM (14%). En revanche, si elle se maintient sur le podium, elle peut espérer profiter de désistements.