A Pigalle, les Deux Ânes perpétuent l’art de la satire politique
"La vocation d'un chansonnier est d'être dans l'opposition. Quand le gouvernement passe à gauche, il faut qu'on passe à droite, et vice versa":...
Par Jean-François GUYOT
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"La vocation d'un chansonnier est d'être dans l'opposition. Quand le gouvernement passe à gauche, il faut qu'on passe à droite, et vice versa": le cabaret des Deux Anes, avec Jacques Mailhot aux commandes, entretient depuis plus d'un siècle l'art de la satire politique.
Ne pas confondre humoriste et chansonnier: "l'humoriste batifole sur la vie quotidienne. Le chansonnier, lui, est le spécialiste de la politique, en mettant en exergue les absurdités, et les contradictions de ceux qui sont censés nous représenter", souligne Jacques Mailhot, à la tête de ce haut-lieu de la satire depuis 1995.
"Aujourd'hui, le rire a changé de visage. L'individu y expose son quotidien. Le champ politique y est gommé, tant le discrédit du monde des élus est grand", observe la journaliste Véronique Mortaigne, auteure d'un livre sur le centenaire des Deux Ânes (Cherche-Midi).
Dernier théâtre parisien de l'art chansonnier, ce cabaret autoproclamé "libre république du rire", est resté fidèle à sa devise "Bien braire et laisser rire!". Il est l'héritier d'une tradition séculaire lancée par Pierre-Jean de Béranger (1780-1857), surnommé "la voix du peuple", et poursuivie par Aristide Bruant au "Chat Noir".
Les plus grands maîtres de la satire politique, de Ferréol à Pierre Dac en passant par Pierre-Jean Vaillard, Jean Amadou, Anne-Marie Carrière, Maurice Horgues ou Robert Rocca, se sont succédé sur cette scène légendaire inaugurée en 1910 qui s'appelait alors "La Truie qui file".
Pendant des décennies, Le Caveau de la République a partagé le même esprit persifleur, mais désormais l'ancien concurrent rebaptisé Le République s'est transformé en tremplin d'humoristes nettement moins politisés.
A la télévision aussi, cet esprit célébré par Jacques Martin avec "Le Petit Rapporteur" ou par Thierry Le Luron, qui brocardait François Mitterrand et le PS sur l'air de "L'important, c'est la rose", est devenu plus rare.
- Attention au poujadisme -
"Même si les Guignols ont tenu leur rôle pendant des années, la satire politique est peu présente aujourd'hui à la télévision", regrette Jacques Mailhot, l'un des piliers de feu "L'Oreille en coin" sur France Inter. "C'est une posture de tranquillité de la part des responsables de chaines: on préfère des comiques qui parlent de la pluie et du beau temps". Même si la chaîne Paris Première offre son antenne aux chansonniers deux fois par mois.
La satire politique est nettement plus présente à la radio avec Nicolas Canteloup et Anne Roumanoff (Europe 1), et Laurent Gerra (RTL). Côté presse écrite, l'art du persiflage est l'apanage du Canard Enchaîné et Charlie Hebdo.
Jacques Mailhot, directeur des Deux Anes, dans son cabaret le 20 octobre 206 à Paris
AFP
Depuis quelques années, les soubresauts de la vie politique sont pain bénit pour les chansonniers : "c'est presque trop...", observe Jacques Mailhot.
"Plus les hommes politiques sont ridicules, plus ils sont difficiles à caricaturer. C'était plus grisant de se moquer de Charles de Gaulle, Pompidou ou Mitterrand, mais il faut avouer que Hollande empêché de se représenter, c'est grandiose!".
A l'affiche actuellement, "Des primaires, des primates", un spectacle mordant avec Jacques Mailhot, Florence Brunold, Michel Guidoni, Jean-Pierre Marville et Gilles Détroit, perpétue l'esprit de troupe des chansonniers.
Alain Juppé y est caricaturé en "chartreux de Bordeaux", Ségolène "en caniche royal", François Fillon en Droopy, Emmanuel Macron en "chien errant à poil ras" sans oublier François Hollande dont "on ne sait pas ce qu'il pense, et lui non plus!".
"Il faut brocarder à juste titre, sans transformer les spectateurs en poujadistes et surtout pas en électeurs du Front national. Nous y veillons", assure Jacques Mailhot.
Le cabaret accueille près de 50.000 spectateurs par an dont une majorité de plus de 40 ans.
Pas rancuniers, Roland Dumas, Jean-Pierre Raffarin, Michel Charasse et Jean-François Copé sont des habitués. Valéry Giscard d'Estaing y a fêté son anniversaire en famille l'an dernier. François Hollande et Manuel Valls ne sont jamais venus.
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