La porte-parole du gouvernement Maud Bregeon a assuré ce mercredi à la sortie du Conseil des ministres qu’Emmanuel Macron a acté qu’il n’y avait pour le moment pas « de socle plus large que celui qui est en place aujourd’hui » pour gouverner. Mais, après les consultations des responsables de partis mardi, « le président continue à écouter et à tendre la main ».
A Saint-Etienne-du-Rouvray, la “résistance” appelée aux urnes
Par Béatrice LE BOHEC
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Assis dans l'église où le père Hamel a été assassiné au nom du jihad l'été dernier, Bernard Auvray le dit tout net: dimanche, il votera pour la gauche radicale comme l'aurait fait ce prêtre engagé contre "le racisme et la pauvreté".
"Ce qui choquait le plus le père Hamel, c'était le racisme, la pauvreté, le manque d'amour entre les humains. Il avait une lecture de l'Evangile qu'on pouvait appliquer à tous les sujets... Je vais voter Jean-Luc Mélenchon pour son discours le plus proche du monde ouvrier", confie ce retraité de 72 ans qui militait au côté du prêtre dans un groupe d'action catholique ouvrière.
Le 26 juillet 2016 à Saint-Etienne-du-Rouvray, Jacques Hamel, 85 ans, a été égorgé en pleine messe par deux jihadistes de 19 ans, dont un vivait dans cette commune de près de 30.000 habitants. L'attentat dans l'église, une première en Europe, a bouleversé un pays déjà traumatisé par des attaques sanglantes (238 morts).
Les habitants de cette ville populaire et cosmopolite, communiste depuis 1959, affirment que l'attaque les a traumatisés sans pour autant modifier leur vote. Leur priorité: élire une personne capable de redresser un pays en proie à un chômage endémique de 10%.
"Ici il y a toutes les religions, toutes les cultures. On est une communauté assez solidaire, on a tous subi une tragédie. Ca n'a pas changé ma position sur mon vote", juge Linda Royer, 39 ans, attablée au bar du centre-ville.
Récemment licenciée par une entreprise de logistique, elle attend des candidats qu'"ils ne s'en mettent pas +plein les fouilles+ vu la conjoncture actuelle".
- 'Enjeu de paix' -
"Si le coeur reste gros, la raison est forte et les habitants font la démonstration de leur résistance", veut croire le maire, Hubert Wulfranc.
Pour l'édile communiste de 60 ans, c'est surtout "l'enjeu de paix" défendu par Jean-Luc Mélenchon qui pèsera dans les urnes. Le tribun de la gauche radicale, en pleine ascension dans les sondages, milite notamment pour quitter l'Otan et pour une meilleure répartition des richesses.
"Ici je vois chaque mois la précarité progresser davantage, ça se voit sur les visages, les vêtements... C'est un désespoir qui s'accumule. Marine Le Pen veut tirer vers le bas une partie de nos concitoyens. Mais, à la colère manipulée, commence à se substituer la colère raisonnée : une colère construite en regardant vers le haut, vers ceux qui ont profité de la crise", dit-il.
A la mosquée Yahya où une cinquantaine de fidèles viennent d'assister à la prière, Hamadi Ladkar dit lui aussi chercher un candidat qui améliore la vie: "Il y en a beaucoup qui vont vers le Front national rien que pour les (propositions contre les) immigrés mais moi je cherche quelqu'un qui guide la France pour remonter la pente. Qu'on trouve du travail, comme avant".
Lors de la présidentielle de 2012, la ville avait voté au premier tour à 37% pour le socialiste François Hollande, plaçant ensuite Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen. Mais certains prédisent une percée de la candidate du FN.
Pour Bernard Auvray, "le rejet de l'autre existe à Saint-Etienne. Il y a une tension liée au choc des cultures et aux voiles des femmes".
Olivier Alarson, ex-gérant de discothèque devenu chauffeur de taxi, ne cache pas qu'il votera extrême droite, pour la première fois.
"Quand le prêtre s'est fait égorger, ici il y avait des bougies, des petits coeurs, des fleurs, alors qu'en face de nous il y a des gens qui égorgent ! Ca va pas, on est des Bisounours. Quand les gens vont se rendre compte de ce qu'il y a en face, ce sera trop tard", dit cet homme de 45 ans autrefois baptisé par le père Hamel.