A une semaine du premier tour, Macron se rappelle au bon souvenir de la gauche

A une semaine du premier tour, Macron se rappelle au bon souvenir de la gauche

Pour son grand meeting, au Paris La Défense Arena, Emmanuel Macron a égrainé des thèmes pouvant parler à la gauche, alors que son quinquennat et son projet sont marqués par des réformes de droite. Pour celui qui risque de manquer de réserves de voix s’il est au second tour, l’enjeu est de parler aux électeurs de gauche.
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Show must go on. « Et un, et deux, et cinq ans de plus ! » lancent les militants. Pour son premier et dernier meeting avant le premier tour, au Paris La Défense Arena, Emmanuel Macron a voulu marquer le coup. Un coup de barre à gauche, après la présentation d’un projet où les mesures estampillées de droite se sont multipliées. Alors que l’écart se resserre entre le Président-candidat et Marine Le Pen, au point de rendre possible la victoire de la candidate d’extrême droite, Emmanuel Macron a essayé de retrouver sa jambe gauche. Il aura besoin des voix de ses électeurs, en cas de duel avec Marine Le Pen. Plutôt ironique, quand on voit les ralliements des dernières semaines, surtout venus des rangs des LR.

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Photo : François Vignal

Groupe electro, banda, ola et ambiance de stade

Avant l’arrivée du candidat, place au show. Pas une seule prise de parole de politique. Entre un groupe electro, la banda ambiance rugby – l’équipe du Racing 92 joue ici –, on n’a pas vraiment l’impression d’être à un meeting. Le chauffeur de salle fait allumer tous les portables, comme à un concert, puis fait claquer des mains et scander le nom de « Macron », « comme pour une composition d’équipe dans un stade ». Il lance une ola, qui prend plus ou moins. Mais tout le gouvernement réuni au premier rang se prête au jeu (voir vidéo ci-dessous).

Pop-corn à la main, Jamessy, 31 ans (voir photo ci-dessous), raconte être passé de soutien de « La France Insoumise à Macron, car j’adhère à ce qu’il fait. Il a fait baisser le taux de chômage ». Plus loin, Ludovic, habitué à voir ici le Rugby, explique qu’« Emmanuel Macron nous a permis de nous rassembler avec ma femme, car j’étais de centre droit et elle de centre gauche ». Le « en même temps » incarné.

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Jamessy raconte être passé de soutien de « La France Insoumise à Emmanuel Macron » (photo : François Vignal)

Pas de discours des soutiens, mais près des tables presse, c’est un résumé de la macronie qu’on observe. Le rallié LR Eric Woerth se tient à côté de François Patriat. Le premier imagine Nicolas Sarkozy soutenir le candidat pour « le deuxième tour ». Le patron des sénateurs LREM lance lui qu’« Emmanuel Macron est en campagne depuis 5 ans ». Jean-Pierre Chevènement, qui voulait bien avant Emmanuel Macron unir les républicains des deux rives, mais sur une autre ligne, passe au même moment. Plus loin, on voit Jean-Pierre Raffarin. Emmanuel Macron a réussi à attirer à lui une bonne partie de la classe politique de ces dernières années.

Une arrivée de rock star avec des feux d’artifice

Les lumières s’éteignent. Un décompte apparaît sur les écrans géants. Emmanuel Macron peut faire son entrée… avec des feux d’artifice. Une arrivée de rock star (voir vidéo ci-dessous). Devant moins de 35.000 personnes – il reste quelques centaines de chaise vides au fond – c’est parti pour plus de deux heures de discours. Le candidat commence par ses principales réformes. « Oui, tout ça, c’était notre projet. Et c’est maintenant notre bilan. Nous l’avons fait » dit-il, avant de rapidement enchaîner sur des marqueurs de gauche. Le pouvoir d’achat, avec la hausse des prix de l’énergie suite à la guerre en Ukraine, est dans toutes les têtes.

Emmanuel Macron promet que « dès cet été », il permettra « aux travailleurs de toucher une prime de pouvoir d’achat allant jusqu’à 6000 euros, sans charge ni impôt ». Les travailleurs indépendants « gagneront davantage » aussi, « 550 euros ». C’est la valeur « travail » qu’il met en avant. « Un travail par lequel, on gagne plus », lance-t-il, en clin d’œil à Nicolas Sarkozy.

Emmanuel Macron va jusqu’à reprendre un slogan… d’Olivier Besancenot

Il défend sa promesse du « compte épargne temps universel », « soit pour souffler, avoir du temps, ou accélérer ses projets ». S’il rappelle sa volonté de porter à 65 ans l’âge de départ à la retraite, il veut que la pension de retraite minimale soit portée à « 1100 euros », en prenant en compte « les carrières longues, l’invalidité ». Il défend aussi un « droit opposable à la garde d’enfants », la « revalorisation de 50 % de l’aide versée aux mamans seules ».

Mais le clou du spectacle vient quand Emmanuel Macron reprend, pour parler du scandale Orpea dans les Ehpad, un slogan… du NPA et d’Olivier Besancenot. Culoté. « Nos vies, leurs vies, valent plus que tous les profits » lance Emmanuel Macron, quitte à en faire trop. Petite référence aussi au slogan de François Mitterrand en 1981 quand il dit : « Face à ceux qui tentent de semer le poison de la division, […] il n’y a pas plus puissant que la force tranquille de la fraternité ». Ou à celui de 1988 avec « la France unie ». A deux doigts d’invoquer les forces de l’esprit.

Il passe la pommade aux professeurs

Il insiste sur « les grandes batailles » qu’il veut porter : « L’égalité homme-femme », « protéger nos enfants » en luttant contre les violences sexuelles et l’inceste et en instituant « un contrôle parental par défaut sur chaque appareil », et une réforme de l’éducation, avec des professeurs qu’il veut mieux rémunérer en échange d’heures supplémentaires. « On nous dira que c’est impossible […] mais puisque c’est impossible, nous le ferons », lance le candidat. Emmanuel Macron passe la pommade aux professeurs – pour le moins échaudés – « ces artisans de la République, qui permettent à chaque destin d’enfant de parfois conjurer le sort. Nous leur avons tant demandé ».

Il fait applaudir les soignants et met en avant « le bon sens et la volonté », pour réformer le secteur de la santé. Evoquant la lutte contre les déserts médicaux, celui qui se présentait presque en candidat antisystème en 2017 tente même de rejouer cette partition :

Le système viendra nous dire que c’est impossible. Et nous le ferons.

Emmanuel Macron n’oublie pas son autre jambe, la droite

S’il insiste sur ce qui peut paraître le plus à gauche, il n’en oublie pas son autre jambe. La droite. « Pour financer, il n’y a pas d’argent magique. Et pas davantage aujourd’hui qu’il y en avait il y a 5 ans », prévient l’homme du « quoi qu’il en coûte ». « Donc je préfère être clair. Pour financer tout cela, il n’y aura pas de hausse d’impôt. Nous les baisserons. […] Il n’y aura pas de hausse de notre dette », lance-t-il, sans donner de précision. Pas plus qu’il ne développe des points pourtant majeurs, car concernant des millions de Français : « Nous continuerons les réformes indispensables de l’assurance chômage, du marché du travail, à donner plus de libertés à nos entreprises ». Ce sont jusqu’ici les non-dits de la campagne Macron. Des points sensibles qui pourraient lui faire perdre des voix.

« J’assume de vous dire qu’il faudra travailler plus », lance-t-il sur les retraites, pointant au passage l’évolution « pas tellement claire » de Marine Le Pen qui est passée d’une retraite de 60 à 62 ans. Il revient sur « les 15 à 20 heures d’activité » en échange du RSA, mesures du projet que la gauche a attaquées, en insistant sur l’aspect « formation » et « réinsertion » de la réforme.

« Nous sommes fiers d’être Européens » lance Emmanuel Macron, tout en raillant « le grand rabougrissement »

Alors que certains pensaient que le match serait plié, il met en garde : « Je n’écoute ni ceux qui ont déjà gagné, ni les cassandres, non. Mais il nous faut ensemble relever le défi du combat ». Un combat contre l’extrême droite. « Nous nous sommes habitués à voir sur certains plateaux des auteurs racistes, antisémites », ou à voir « l’extrême droite se réclamer de Charles de Gaulle ».

Saluant « les Musulmans pour lesquels le ramadan commence dans quelques jours », il appelle à lutter contre les discriminations ». Puis dit, en parlant de la France : « On ne trie pas, on ne choisit pas, on la prend tout entière, on la prend comme elle est ».

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Arrivée de rock star pour Emmanuel Macron.

« Nous sommes fiers d’être Européens » lance Emmanuel Macron, qui insiste sur ce point saillant du macronisme, pour mieux se démarquer des extrêmes, tout en raillant « le grand rabougrissement », en référence à Eric Zemmour, adepte du « grand remplacement ». Emmanuel Macron, lui, préfère parler du « grand dérèglement ». Celui du « vivant » avec le covid, du « biologique » avec le réchauffement climatique, « du capitalisme, avec la montée des inégalités » et le « dérèglement géopolitique » avec « le spectre d’un conflit armé global ».

« La mobilisation, c’est maintenant ! » lance Macron qui peine à créer une dynamique dans cette mini-campagne

Celui qui veut « continuer de dépasser », en « appelle à toux ceux de la social-démocratie, aux gaullistes, aux écologistes qui ne nous ont pas encore rejoints, à le faire », demande-t-il, semblant viser déjà le second tour. Mais il faut déjà rassembler les siens. Et Emmanuel Macron sait bien que c’est la démobilisation de son camp, l’abstention, qui pourrait lui coûter cher. « Mes amis, la mobilisation, c’est maintenant ! C’est le combat du progrès contre le repli », tonne Emmanuel Macron, qui s’égosille la voix une seule fois, en toute fin de discours. Histoire de se rappeler au souvenir de la campagne de 2017. Emmanuel Macron pouvait alors jouer la nouveauté. Cinq ans ont passé et Emmanuel Macron surjoue parfois, notamment l’émotion, quand il change sa voix. Puis vient le moment « Brigitte ». Emmanuel Macron rend hommage à celle « qui lui apporte le plus dans cette singulière aventure de vie ». Clin d’œil, puis bise de la main.

Dans ce meeting un peu trop long, un peu décousu, avec des pauses vidéo, la ferveur ne semble plus tout à fait la même. Quand le discours se termine, la salle s’enflamme, mais sans exploser. En voulant minimiser les risques avec cette mini-campagne, avant d’être rattrapé par la guerre, difficile pour Emmanuel Macron de créer une dynamique. C’est le risque pour le candidat, à une semaine du premier tour. Un risque calculé, pour celui qui reste largement en tête des sondages du premier tour.

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