A Vaulx-en-Velin, bastion de l’abstention: « Ni Le Pen, ni Macron »
Abdahim Elbaz est décidé. Ce professeur de Vaulx-en-Velin, ville du centre-est de la France où l'abstention a battu tous les records au premier...

A Vaulx-en-Velin, bastion de l’abstention: « Ni Le Pen, ni Macron »

Abdahim Elbaz est décidé. Ce professeur de Vaulx-en-Velin, ville du centre-est de la France où l'abstention a battu tous les records au premier...
Public Sénat

Par María Elena BUCHELI

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Abdahim Elbaz est décidé. Ce professeur de Vaulx-en-Velin, ville du centre-est de la France où l'abstention a battu tous les records au premier tour à la présidentielle, n'ira pas voter dimanche, sourd aux appels à faire barrage à l'extrême droite.

"Si Marine Le Pen est là où elle est, c'est parce qu'il y a un ras-le-bol généralisé. Les gens sont désabusés de la politique", soupire, résigné, ce père de deux enfants âgé de 45 ans. Il a grandi dans cette morne banlieue de Lyon (centre-est), plombée par un taux de chômage de 20% et associée dans la mémoire collective à de violentes émeutes urbaines en 1990.

Vaulx-en-Velin, 43.000 habitants, réputée comme l'une des villes les plus abstentionnistes de France, s'est à nouveau distinguée le 23 avril dernier au premier tour de l'élection présidentielle: 41,7% d'abstention, soit 20 points de plus que la moyenne nationale.

Et alors que les appels à voter contre l'extrême droite se multiplient à l'approche du second tour, la ville reste indifférente, comme déconnectée. Comme le résume Stéphane Bertin, conseiller municipal en charge du développement économique, beaucoup pensent que "ça ne sert à rien de voter".

Entre le programme social libéral et pro-européen du jeune centriste Emmanuel Macron et le credo souverainiste, anti-immigration et nationaliste de Mme Le Pen, beaucoup n'ont pas envie de choisir.

Environ 30% des Français pourraient s'abstenir au deuxième tour, selon les sondages. "Il s'agit d'une abstention politiquement motivée, c'est un message quasiment éthique, l'électeur ne veut associer son nom avec aucun des candidats", explique à l'AFP Jérôme Sainte-Marie, de l'institut BVA.

"Pour moi, Macron, c'est un Hollande bis. Aujourd'hui, la France a besoin d'un vrai changement, et c'est pas avec un candidat comme ça qu'on va l'avoir", grogne Fanny Jacquier, une cheffe d'entreprise de 37 ans qui a voté, elle, au premier tour, pour Jean-Luc Mélenchon (19,6% des suffrages au premier tour).

Et si Marine Le Pen est élue grâce aux abstentionnistes ? "Si elle arrive, elle arrive. On fera avec", répond Mme Jacquier. La peur de l'extrême droite ne fait plus recette. En 2002, l'arrivée au deuxième tour de Jean-Marie Le Pen, le père de Marine, avait créé un électrochoc en France et le candidat de droite Jacques Chirac avait été élu avec 80% des suffrages.

"Si la France veut ça (l'extrême droite au pouvoir), c'est catastrophique, mais je ne veux plus voter par dépit. J'en ai marre", explique Marie-Ange Michel, une retraitée de 65 ans, imperméable elle aussi aux appels à contrer l'extrême droite.

- Situation dégradée -

L'abstention exprime une vraie lassitude, dans cette ville qui a été depuis des décennies un laboratoire de la "politique de la ville" tentée par les différents gouvernements pour stopper le déclassement et la marginalisation. Vaulx-en-Velin compte 60% de logements sociaux.

Présidentielle : abstentions et résultats du 1er tour en % des inscrits
Présidentielle : abstentions et résultats du 1er tour en % des inscrits
AFP

Mais les millions injectés dans la rénovation urbaine n'ont pas réussi à enrayer la désaffection citoyenne. La situation économique et sociale "s'est beaucoup dégradée, il y a un taux d'incivilités incroyable", estime Stéphane Bertin.

Et les affaires, les scandales de corruption, de népotisme, qui marquent la vie politique française sont passés par là.

"Moi, je les considère tous comme des fripouilles, tous pourris. C'est comme choisir entre la peste et le choléra", s'indigne Djallel, un jeune homme de 22 ans qui votera blanc dimanche.

Pour ces électeurs dégoûtés, les mises en garde exprimées par des patrons, des avocats, des militants associatifs, des chercheurs, des artistes ou des représentants religieux n'ont pas prise.

"Marine Le Pen me fait un peu peur mais ça ne me motive pas pour aller voter. Même si elle est élue au second tour, je m'en fous", déclare Khadija Dahou. Couverte d'une abaya violette de la tête au pieds, cette jeune femme de 18 ans d'origine algérienne fait partie de ceux dont la vie pourrait changer avec Marine Le Pen au pouvoir. Celle-ci a notamment promis d'interdire le voile dans l'espace public.

Dans la même thématique

A Vaulx-en-Velin, bastion de l’abstention: « Ni Le Pen, ni Macron »
3min

Politique

Un an après la dissolution : « Les Français ont le sentiment que la France fait la planche » selon le politologue Brice Teinturier

Un an après la dissolution voulue par Emmanuel Macron, le paysage politique français semble avoir évolué vers un blocage institutionnel. A l’Assemblée, l’absence de majorité empêche les textes d’être votés. Pire, des motions permettent d’enjamber l’examen à l’Assemblée pour que le débat soit tranché en commission mixte paritaire. Comment la dissolution a-t-elle modifié le fonctionnement des institutions ? C’est la question à laquelle répondent les invités de Rebecca Fitoussi et Jean-Pierre Gratien dans cette émission spéciale sur la dissolution, un an après.

Le

A Vaulx-en-Velin, bastion de l’abstention: « Ni Le Pen, ni Macron »
4min

Politique

Un an après la dissolution, Gérard Larcher estime que « c'est la présidentielle qui redonnera le nouveau souffle dont nous avons besoin »

Invité de Public Sénat ce vendredi 6 juin, le président du Sénat est longuement revenu sur la situation du pays. À ses yeux, seule la prochaine présidentielle permettra de mettre fin au blocage politique lié à la dissolution. Evoquant également l’urgence budgétaire, il estime que « l’année blanche est une piste sérieuse ».

Le

SIPA_01204192_000001
6min

Politique

Olivier Faure à la tête du PS : « Ce que va montrer le congrès de Nancy, c’est la faiblesse du parti »

Après sa réélection de justesse à la tête du PS, le plus dur commence pour Olivier Faure. Le premier secrétaire va avoir la lourde tâche d’unir un parti divisé, de conserver ses principaux bastions socialistes aux prochaines municipales ou encore de fixer une stratégie pour une candidature crédible à la prochaine présidentielle. Analyse du politiste Pierre-Nicolas Baudot et de l’historien, Alain Bergougnioux.

Le