Abeilles: deux nouveaux pesticides sur la sellette devant la justice
"Principe de précaution" contre "expertise": l'association Générations Futures a bataillé jeudi à Nice pour obtenir du tribunal...

Abeilles: deux nouveaux pesticides sur la sellette devant la justice

"Principe de précaution" contre "expertise": l'association Générations Futures a bataillé jeudi à Nice pour obtenir du tribunal...
Public Sénat

Par Claudine RENAUD

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"Principe de précaution" contre "expertise": l'association Générations Futures a bataillé jeudi à Nice pour obtenir du tribunal administratif le gel de l'autorisation de vente de deux nouveaux pesticides du fabricant américain Dow en raison des risques pour la santé des abeilles.

"Il y a un doute, un doute sérieux, et urgence", a plaidé à l'audience Me François Lafforgue, l'avocat de Générations Futures qui a attaqué en référé l'autorisation de mise sur le marché délivrée le 27 septembre par l'Anses, l'Agence nationale de sécurité sanitaire. Le tribunal a prévu de se prononcer vendredi.

Les deux pesticides visés, le Transform et le Closer, servent à traiter contre les pucerons les cultures de grands champs et les fruits et légumes grâce à une substance active, le sulfoxaflor, que le fabricant recommande d'épandre à raison d'une seule dose par an, et pas moins de cinq jours avant la floraison.

L'avocat de Générations Futures, après avoir rappelé le déclin alarmant des abeilles depuis 20 ans lié notamment aux pesticides de la famille des néonicotinoïdes en passe d'être interdits, a plaidé pour le principe de précaution: "Il s'applique lorsque le risque est établi".

Il a aussi dénoncé "un contournement de la loi": "Le sulfoxaflor devrait être considéré comme un néonicotinoïde malgré les affirmations contraires des fabricants", le Transform et le Closer "ne sont que des néonicotinoïdes d'une nouvelle génération".

Un "amalgame" dénoncé par les avocats du fabricant, Mes Julien Moiroux et Eric Nigri, qui ont critiqué "une présentation manichéenne" et rappelé que le sulfoxaflor était autorisé dans 41 pays, dont le Canada, les Etats-Unis et l'Afrique du Sud.

- "Reproduire les mêmes erreurs" -

Pour l'association, Me Lafforgue a aussi mis en doute le mode d'emploi prévu par Dow pour limiter le risque pour les abeilles, aux mesures "pas suffisantes et inapplicables" selon lui. "Qui détermine quand est la floraison? Quelle est la floraison des cultures? Est-ce uniforme, toutes les plantes le même jour ou est-ce qu'il y a parmi ces plantes des mauvaises herbes ou des plantes qui fleurissent à d'autre moment et que les abeilles vont butiner? Est-ce qu'on peut faire un contrôle efficace?", a-t-il interrogé.

"Nous sommes tous préoccupés du sort des abeilles et la façon dont nous délivrons les autorisations de mises sur le marché visent à réduire le risque", a répondu la directrice générale adjointe de l'Anses, Françoise Weber, venue défendre en personne les autorisations signées de sa main en septembre.

Le sulfoxaflor "est un produit qui persiste 2 à 4 jours dans le sol (...), qui se dégrade très rapidement sur les plantes. Et même le résidu sec n'est pas toxique pour les abeilles" tandis que "les principaux néonicotinoïdes, c'est 200 à 500 jours", a-t-elle justifié.

L'Anses a depuis reçu de nouvelles données complémentaires que les ministères de l'Agriculture et de la Transition écologique lui ont demandé en octobre d'étudier mais qui n'augurent pas d'un retrait de l'autorisation de commercialisation, au contraire. "Nous avons fait une première lecture et il n'y a aucun élément d'alerte qui nous amènerait à retirer l'autorisation de mise sur le marché, sans pour autant conclure", a indiqué Mme Weber.

L'audience se déroulait au tribunal administratif de Nice en raison de la localisation géographique du siège social de Dow Agrosciences: la branche phytosanitaire du groupe Dow Chemicals en cours de fusion avec le géant américain Dupont est à Sophia Antipolis.

Sous réserve de publication du décret d'application, les néonicotinoïdes seront en sursis en France à partir du 1er septembre 2018, conformément à la loi biodiversité de 2016 qui prévoit leur interdiction avec des dérogations possibles au cas par cas jusqu'en juillet 2020.

Me Lafforgue a rappelé qu'ils étaient présentés dans les années 1990 comme une solution miracle et inoffensifs: "On est en train de reproduire les mêmes erreurs".

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