Abrogation de la retraite à 64 ans : « Yaël Braun-Pivet se plie au président », tacle Olivier Faure

Invité ce mercredi 7 juin de la matinale de Public Sénat, Olivier Faure, le premier secrétaire du PS, annonce qu’il ne participera plus aux travaux parlementaires initiés par la présidente de l’Assemblée nationale, notamment sur la réforme des institutions, si celle-ci prononce, comme annoncée, l’irrecevabilité des amendements d’abrogation de la retraite à 64 ans.
Romain David

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La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a confirmé mercredi matin qu’elle allait empêcher le débat, en séance publique jeudi, de la mesure d’abrogation de la retraite à 64 ans. Les députés doivent débattre de la proposition de loi déposée par le groupe LIOT, visant à faire sauter le recul de l’âge légal de départ à la retraite. Mais cette annulation ayant déjà été supprimée lors de l’examen du texte en commission, elle devrait être représentée sous forme d’amendements en marge de la discussion dans l’hémicycle. « Ils seront déclarés irrecevables par moi-même dans la journée », a fait savoir Yaël Braun-Pivet sur BFMTV. Elle entend s’appuyer sur l’article 40 de la Constitution, qui permet de retoquer tout amendement qui engendrerait une « diminution des ressources publiques ».

« Elle avait d’abord dit qu’elle acceptait la décision prise par la commission des finances [qui a jugé le texte financièrement recevable, ndlr], et maintenant, rattrapée par le colback, par le président de la République qui l’a placée là, elle se plie », a constaté Olivier Faure, le premier secrétaire du Parti socialiste, au micro de « Bonjour chez vous », la matinale de Public Sénat. « Moi, je considère que les grands présidents de l’Assemblée nationale, et la grande présidente que devrait être Yaël Braun-Pivet, ne peuvent se singulariser que d’une façon, en faisant respecter l’institution parlementaire et les oppositions », pointe Olivier Faure, qui évoque « la capacité à s’opposer » de certains des prédécesseurs de Yaël Braun-Pivet au perchoir, d’Henri Emmanuelli face à Jean-Louis Debré, en passant par Philippe Seguin.

« Je ne vais pas continuer à faire le guignol avec des gens qui me prennent pour un con »

Les députés de gauche pourraient éventuellement quitter l’hémicycle en signe de protestation jeudi. En tout cas, le recours à l’article 40 ne restera pas sans conséquence pour les travaux parlementaires, avertit Olivier Faure, qui va jusqu’à évoquer un boycott de la présidente de l’Assemblée. « On ne discutera plus avec elle. Elle nous propose en ce moment de venir discuter avec elle de la réforme des institutions. Franchement, la première chose avant de réformer les institutions serait d’appliquer une jurisprudence constante sur l’article 40 », explique notre invité. Avant de lâcher : « Je ne vais pas continuer à faire le guignol avec des gens qui me prennent pour un con. Il y a un moment où chacun doit prendre ses responsabilités. »

La piste d’une nouvelle motion de censure en revanche, ne fait pas partie des options de représailles retenues par les socialistes, même si cette idée est défendue par leurs partenaires insoumis. Olivier Faure estime, en effet, qu’il n’est pas possible à l’heure actuelle de rassembler suffisamment de voix pour renverser le gouvernement, ce qui apparaîtrait nécessairement comme une nouvelle défaite pour les oppositions. « Nous devons avoir ce débat entre nous. Mais je pense qu’il n’est pas utile de donner le point au gouvernement en laissant penser qu’un vote a été perdu et que nous sommes dans une situation sans majorité contre le projet des retraites », souligne-t-il.

Les excès d’un parlementarisme rationalisé

En prenant le contrepied de la commission des finances pour faire déclarer irrecevables certains amendements, même si le règlement de l’Assemblée nationale l’y autorise, Yaël Braun-Pivet se place effectivement en porte-à-faux des usages au Palais Bourbon. Traditionnellement, l’appréciation de la recevabilité financière d’une proposition de loi, notamment lorsque celle-ci est issue des rangs de l’opposition et discutée dans le cadre d’une niche parlementaire, se veut plutôt souple afin de ne pas brider les initiatives parlementaires. Cette séquence pourrait donc ouvrir la voie à une application plus stricte des modalités d’encadrement du droit d’amendement et de proposition des élus.

« On a vu depuis quelques mois que la Constitution, telle qu’elle est conçue aujourd’hui, permet en réalité de s’affranchir de beaucoup de choses. Article 47-1 pour limiter la durée des débats, article 44-3 pour faire des votes bloqués, article 49-3 pour interdire le vote, et maintenant l’article 40 pour empêcher la discussion d’une proposition de loi… », énumère Olivier Faure. « Vous pensez vraiment que cela ne suffit pas, qu’il faut en rajouter encore, brider davantage ? », interroge le député de Seine-et-Marne.

« Je m’oppose aujourd’hui au fait de maintenir la Cinquième République en l’état », explique-t-il. « Elle a été mise en place dans des conditions particulières, à une époque où le parlementarisme rationalisé trouvait une justification au regard de la crise vécue par les Français », rappelle le patron du PS. « Si demain Marine Le Pen est au pouvoir, même sans majorité, même si les Français s’opposent à ses projets, elle pourra appliquer tout ce qu’elle veut. C’est un danger incroyable. Il faut que le pouvoir arrête le pouvoir, il faut un équilibre, une séparation. »

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