En retirant les Etats-Unis de l’accord de Paris, Donald Trump vient de sonner le glas de l’engagement américain dans la lutte contre le réchauffement climatique. Depuis jeudi soir, les réactions étrangères se succèdent et se ressemblent : elles sont unanimement négatives (voir notre article). « C’est une opération d’une violence exceptionnelle. C’est presque une déclaration de guerre », commente Amy Dahan, directrice de recherche au CNRS et spécialiste des questions de climat et de gouvernance climatique internationale. Marie-Cécile Naves, spécialiste des Etats-Unis et chercheuse à l’Iris, confirme qu’il s’agit d’une « mauvaise nouvelle » sur le plan environnemental, les Etats-Unis étant le deuxième pollueur mondial, après la Chine.
Si les conséquences d’une telle décision seront évidemment néfastes pour l’environnement, il en va autrement sur le plan des relations internationales, et cela pourrait profiter tant à la France qu’à l’Europe. « Ce pourrait être une opportunité pour l’Union européenne de se ressouder et d’être un leader international sur la question climatique », précise Marie-Cécile Naves. Même son de cloche côté gouvernement : « La France a bien l’intention de maintenir et même de renforcer son leadership », affirmait vendredi dernier Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire. Le Président français a d’ailleurs déjà commencé à œuvrer en ce sens.
« Macron a affirmé la voix de la France »
Quelques minutes après l’annonce de Donald Trump, Emmanuel Macron a dénoncé « une faute » de son homologue américain, avant de s’adresser en anglais aux Américains, ponctuant son allocution d’un détournement de l’expression fétiche de Donald Trump : « Make our planet great again ». Marie-Cécile Naves salue « une très belle opération de communication » : « C’est plutôt positif car tout de suite il a affirmé la voix de la France et s’est adressé au monde entier ». Une analyse partagée par Amy Dahan : « Macron est, depuis son élection et l’arrivée de Hulot au gouvernement, de plus de plus engagé dans la question de la transition écologie et énergétique. »
Amy Dahan : "Macron est de plus en plus engagé dans cette question de la transition écologique"
La spécialiste des questions de climat avoue même être assez optimiste sur le rôle que pourrait jouer le ministre de la Transition écologique : « Nicolas Hulot très investi et très sincère. Je ne crois pas qu’il ait accepté d’entrer dans le gouvernement si on ne lui a pas donné les moyens d’agir. »
Amy Dahan : "Nicolas Hulot est très engagé"
La France semble toutefois prête à partager son ambition de se replacer sur la scène internationale avec l’Allemagne. Pour preuve, Emmanuel Macron et Angela Merkel ont, par une déclaration commune, « confirmé leur engagement commun et résolu pour mettre en œuvre l’accord de Paris. » Marie-Cécile Naves pense que « que le couple franco-allemand peut se renforcer avec cette question climatique ». « En dehors du couple Franco allemand l’Europe n’a pas les moyens de reconstruire une union politique », ajoute Amy Dahan.
Marie-Cécile Naves : "On peut penser que le couple-franco allemand va se renforcer"
« Un axe inattendu entre l’Europe, la Chine et l’Inde »
La France et l’Union européenne ne sont toutefois pas seules à ambitionner de mener la danse de la lutte contre le réchauffement climatique. « La gouvernance climatique c’est un peu un champ de force », souligne Amy Dahan. Nicolas Hulot a d’ailleurs affirmé qu’ « un axe inattendu entre l’Europe, la Chine et l’Inde » pourrait se dessiner. « Il est évident que la Chine va se saisir de cet état de fait pour essayer de prendre un rôle très important sur la scène internationale », analyse Marie-Cécile Naves. Avant même que le président américain fasse part de sa décision, le Premier ministre chinois avait assuré que « la Chine va continuer à mettre en œuvre les promesses faites lors de l’accord de Paris ». Une volonté réaffirmée vendredi par le porte-parole du ministère des affaires étrangères chinois.
« Il est évident que la Chine va se saisir de cet état de fait pour essayer de prendre un rôle très important sur la scène internationale », analyse Marie-Cécile Naves.
Il n'y a pas seulement Pékin qui pourrait bénéficier du retrait américain de l’accord de Paris. Amy Dahan estime que l’Inde pourrait elle aussi avoir un rôle à jouer sur la scène internationale, avec l’ « aide de l’Europe et éventuellement de la Chine » pour lui fournir, entre autres, des technologies renouvelables. « Il faut aider l’Inde à avoir un engagement résolu dans cette question du climat », affirme- t-elle. Demain, il est prévu qu’Emmanuel Macron rencontre son homologue indien, Narendra Modi. La lutte contre le réchauffement climatique sera évidemment au cœur des discussions.
Les ambitions diplomatiques ne doivent toutefois pas éluder le danger climatique. « Dans notre malheur c’est une opportunité amis c’est quand même un malheur car tout ce que va émettre les Etats Unis ça reste dans l’atmosphère » rappelle Amy Dahan.