Accusations de crimes sexuels : les anciennes top modèles de l’agence Elite témoignent devant le Sénat
Une quinzaine d’anciennes mannequins ont témoigné au Sénat des viols et agressions sexuelles qu’elles auraient subi il y a plusieurs dizaines d’années par Gérald Marie, l’ancien patron en Europe de l’agence l’Elite.
Donner la parole aux victimes de prédateurs sexuels dans le milieu de la mode, c’est l’objectif que s’était fixé la sénatrice centriste, Nathalie Goulet. En visioconférence, une quinzaine d’anciennes top-modèles, dont Carré Otis, Ebba Karlsson ou encore Lesa Amoore, ont tour à tour témoigné du calvaire qu’elles ont subi en arrivant à Paris dans les années 80 et 90, lorsqu’elles sont repérées par Gérald Marie, à l’époque patron de la filiale européenne de l’agence Elite. Une enquête préliminaire a été ouverte en septembre 2020 visant Gérald Marie pour « viols » et agressions sexuelles », notamment sur mineurs. D’autres anciennes mannequins ont rapporté les agressions et viols qu’elles ont subis de la part de Jean-Luc Brunel, ancien patron de l’agence de mannequins Karin Models à Paris. Mis en examen et incarcéré l’année dernière, il est soupçonné d’être l’un des complices de Jeffrey Epstein.
« Je vous demande pardon au nom de l’agence Elite »
« Je vous demande pardon au nom de l’agence Elite », a indiqué en préambule Omar Harfouche, coordinateur de cet évènement et ancien actionnaire de l’agence de mannequins qui, dès 2000, avait dénoncé les faits d’harcèlement sexuelles sur mineurs dans son entreprise, ce qui lui a valu un procès en diffamation de la part de Gérald Marie. Il était également l’un des témoins qui opposa l’agence Elite à la BBC. En 1998, une journaliste infiltrée de la chaîne britannique est agressée sexuellement par Gérald Marie. Il lui propose également lors d’une soirée de l’argent pour coucher avec elle. L’affaire se soldera par une brève mise à pied de Gérald Marie qui sera réintégré.
« Il m’a fallu de nombreuses années pour réaliser ce qui m’était arrivé »
« Il m’a fallu de nombreuses années pour réaliser ce qui m’était arrivé. Il m’a fallu encore bien d’autres années pour être capable de parler publiquement de mon agression », a expliqué Carré Otis qui est la seule à avoir pu lancer une procédure civile contre Gérald Marie, grâce à une loi de l’Etat de New York qui a temporairement permis à des victimes présumées d’abus sexuels pendant leur enfance de lancer une telle procédure, quel que soit leur âge désormais.
« On attend que leur voix soit prise en compte »
Car en matière pénale, les faits sont prescrits. « Si vous avez des souhaits pour améliorer la législation, il n’y a pas de meilleur endroit pour le faire », les a encouragés Nathalie Goulet prenant bien soin de ne pas leur donner de « faux espoirs ».
En effet, la loi Schiappa de 2018 a rallongé les délais de prescription pour les violences sexuelles sur mineurs de 20 à 30 ans. La loi sur les crimes sexuels sur mineurs adoptée cette année et portée par la sénatrice centriste, Annick Billon, a mis en place une prescription glissante. Mais conformément au principe de la non-rétroactivité de la loi pénale, les victimes ne pourront pas en bénéficier.
« La spécificité de ces deux dossiers (Brunel et Marie) est que les victimes sont de nationalité étrangère. A l’époque, c’était encore plus compliqué pour elles de franchir la porte d’un commissariat. Ce qu'on attend, c’est que leur voix soit prise en compte. Aujourd’hui vous avez cette multitude de victimes qui ne peut pas obtenir justice du fait de la prescription. Ça mérite d’être souligné et de voir quelles sont les orientations qu’on peut prendre pour les assister dans cette quête de justice », a souligné Me Anne-Claire Le Jeune, avocate des victimes.
Alors que le Sénat examine dans deux semaines le projet de loi pour la confiance en l’institution judiciaire, Nathalie Goulet réfléchit au dépôt d’un amendement type « child abuse acte », similaire à la loi de l’Etat de New York. « C’est une plainte civile pour obtenir réparation, on n’a pas l’équivalent dans notre système judiciaire. Il permet à l’ensemble des victimes mineures au moment des faits de venir déposer une action contre leur agresseur », détaille Me Anne-Claire Le Jeune.
Sa cliente, Carré Otis, a pu bénéficier de cette loi new-yorkaise car elle avait été repérée par l’agence Elite à New York avant de venir en France.
« L’imprescriptibilité ou un délai de prescription qui serait de 40 ans, ce qu’on avait d’ailleurs proposé lors de l’examen de la proposition de loi d’Annick Billon, on sait que ça ne passera pas auprès du gouvernement », explique la sénatrice de l’Orne.
A un niveau moindre, Nathalie Goulet a également promis de plancher avec la délégation du droit des femmes du Sénat sur un guide de bonnes pratiques dans l’industrie de la mode à destination notamment du ministère de chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes.
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