Achat de permanences parlementaires : quelles sont les règles ?

Achat de permanences parlementaires : quelles sont les règles ?

Hier France Info, révélait les opérations immobilières de certains députés. Ces derniers ont acquis leurs permanences parlementaires avec leur indemnité de frais de mandat. Une pratique dénoncée par les associations anticorruption et interdite par l’Assemblée nationale et le Sénat en 2015. L'ancien ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas, est aujourd'hui visé par une plainte pour l'achat de sa permanence parlementaire avec des fonds publics.
Public Sénat

Par Héléna Berkaoui

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Acheter sa permanence parlementaire avec son indemnité de frais de mandat est une pratique qui a eu cours à l’Assemblée nationale et au Sénat avant son interdiction en 2015. France info révélait hier, les détails de cette opération pratiquée par certains députés ou anciens députés. Si cette opération immobilière n’était pas illégale au moment des faits, des associations anticorruption dénoncent ce qu'elles qualifient d’enrichissement personnel.

Une opération immobilière pas illégale

Cette pratique n’a pas été circonscrite aux membres de l’Assemblée nationale. Certains sénateurs ont eux aussi utilisé leur indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) pour acquérir leur permanence parlementaire, jusqu’à l’interdiction de cette pratique en 2015. L’IRFM est un pécule destiné à couvrir les dépenses des sénateurs liées à l’exercice de leur fonction. Elle s’élève aujourd’hui à 6.110 euros pour les sénateurs (5.840 euros pour les députés), à noter que cette somme n’est pas soumise à l’impôt sur le revenu. L’IRFM s’ajoute au crédit alloué à la rémunération des collaborateurs qui est d’un montant de 7.639 euros et à l’indemnité parlementaire qui s’élève à 5.423 euros.

L’IRFM peut donc permettre de louer sa permanence parlementaire mais certains élus ont fait le choix de l’acheter. Une fois leur mandat terminé cette permanence fait donc partie de leur patrimoine personnel. Ça a notamment été le cas de Jean-Luc Mélenchon – ancien sénateur socialiste de 1986 à 2000 puis de 2004 à 2010 - qui avait acheté sa permanence parlementaire située à Massy avant de la revendre pour financer sa campagne présidentielle de 2012. Les frais de cette campagne électorale lui ont été remboursés puisque son score a dépassé la barre des 5 %. C’est aussi le cas de Jean-Pierre Decool alors député aujourd'hui sénateur qui avait acheté trois permanences parlementaires dont deux avec son indemnité de frais de mandat, comme le révélait l’œil du 20h de France 2. « C’est aujourd’hui un bien propre, donc je fais ce que je veux » avait répondu Jean-Pierre Decool aux journalistes de de la chaîne publique. Une des ses permanences est aujourd’hui… un salon de toilettage pour chien tenu par sa fille.

À noter que les relevés de comptes des IRFM ne sont pas publics. Comme le relève France info, l’association Regards Citoyens a demandé à tous les députés sortants de les publier par souci de transparence.

Une pratique désormais interdite

La réforme du Sénat opérée en 2015 a clairement prohibé cette pratique. L’utilisation de l’IRFM est désormais interdite pour l’acquisition de tout bien immobilier. En 2015, le bureau de l’Assemblée nationale a également remédié à la situation. À cette époque, France info révélait la situation de 12 députés qui étaient devenus propriétaires de leur permanence « dans des conditions parfois floues. » Aujourd’hui, l’ancien garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas, est visé par une plainte pour détournement de bien public par une association anticorruption. Comme certains de ses collègues l’ex-député du Finistère a acheté, avec ses frais de mandat, sa permanence parlementaire. Un bien évalué à 212.750 euros.  

La loi de moralisation de la vie publique, adoptée en septembre dernier va plus loin. Les frais de mandat parlementaires seront désormais remboursés sur présentation de justificatifs et non plus par un système de forfait. Une mesure qui a irrité les sénateurs. Au moment des débats sur ce texte, le questeur (UDI) Jean-Léonce Dupont chiffrait  les conséquences de ce nouveau système à 4,5 millions d’euros annuel (lire notre article). Pour rappel, la loi de moralisation de la vie publique revenait sur un autre système légal mais pas forcément moral : l’embauche de membres de sa famille. Ce texte a également supprimé la réserve parlementaire des parlementaires.  

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