« Il est totalement anormal que l’on apprenne par des fuites dans la presse non seulement la volonté du Gouvernement de prélever 1 à 1,5 milliard d’euros dans les fonds d’Action Logement, mais aussi qu’une importante réforme est en cours pouvant conduire à la disparition du 1 % logement, donc d’un des principaux outils pour le logement des salariés dans notre pays » a fait valoir dans un communiqué de la commission des affaires économiques du Sénat, sa présidente LR, Sophie Primas. « Alors même que la crise du logement s’aggrave en raison du déficit de construction neuve, la mise en danger d’Action Logement et de sa gestion par les partenaires sociaux est très préoccupante » complète Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice membre du groupe CRCE et présidente du conseil fédéral de la Fédération nationale des sociétés coopératives d'HLM »
C’est, en effet, dans le quotidien Les Échos que la nouvelle est tombée, lundi. Alors que les déficits publics explosent en raison du plan de relance, Bercy aurait dans son viseur la trésorerie de l’organisme paritaire : 8 milliards d’euros en 2018. L’année dernière déjà, l’État y avait prélevé 500 millions d’euros pour boucler le budget 2020. Pour 2021, la fourchette serait comprise entre 1 et 1,5 milliard d’euros. « Ce sera plutôt 1 milliard » a assuré une source gouvernementale aux Échos.
« Ce n'est pas totalement aberrant qu'Action Logement accompagne le gouvernement »
L’information a été finalement confirmée jeudi par la ministre en charge du Logement, Emmanuelle Wargon sur BFM Business. « Action Logement, c'est un des grands partenaires de l'État (…) à un moment où le logement est si important et où on a besoin d'avoir tout le monde sur le pont, ce n'est pas totalement aberrant qu'Action Logement accompagne le gouvernement (…) La trésorerie, les ressources, les réserves d'Action Logement se sont beaucoup accrues » a justifié la ministre.
« D’un côté le gouvernement prélève un milliard et de l’autre annonce 500 millions pour la rénovation thermique des logements. Mais au final il manque toujours 500 millions. Quand vous avez un outil qui est amené à accompagner, avec les collectivités locales, la construction d’autant de logements, il faut bien lui en donner les moyens » note Valérie Létard, vice-présidente centriste du Sénat, contactée par publicsenat.fr.
« Cette nouvelle ponction décrédibiliserait en partie le plan de relance du gouvernement » confirme Dominique Estrosi Sassone, co-auteur avec Annie Guillemot d’un rapport de la commission des affaires économiques sur le plan de relance intitulé « Tirer les leçons de la crise, construire pour demain ».
« Une tentation de Bercy de remettre en cause le paritarisme et d’étatiser Action logement »
Créé en 1953 et auparavant appelé « 1% Logement », Action Logement est financé par une taxe versée par les entreprises. Il détient près d'un cinquième des HLM français mais aussi du logement en général. Avec un patrimoine de quelque 80 milliards d'euros, dont 55 milliards pour les seuls actifs immobiliers, Action Logement n’est pas uniquement le principal bailleur social, il participe à la politique nationale de renouvellement urbain, ou encore à la revitalisation des centres-villes.
« Depuis les années 90, il y a une tentation de Bercy de remettre en cause le paritarisme et d’étatiser Action Logement » estime Marie-Noëlle Lienemann, contactée par publicsenat.fr
Car au-delà du plan d’économie, le gouvernement envisagerait également de réformer son mode de gouvernance et ses missions. « On ne sait pas encore ce qui est prévu. Il y a un débat autour de la baisse des prélèvements » (Peec : participation des employeurs à l'effort de construction). Une participation qui représente 0,45% de la masse salariale. « Le gouvernement souhaiterait la réduire à 0,20% ce qui aurait un impact sur le champ d’application d’Action Logement. Alors qu’il y a bien une chose de sûr en ce moment, c’est qu’on a besoin d’argent pour la rénovation urbaine » s’inquiète Marie-Noëlle Lienemann.
Le gouvernement prend « en otage » Action Logement
Valérie Létard, qui a dirigé le rapport annuel d’application des lois pour l’année 2018-2019, dénonce également dans le communiqué de la commission, « le non-respect par le gouvernement de la loi ELAN, votée par le Parlement fin 2018, et qui prévoyait une réforme de la gouvernance d’Action Logement pour rendre le groupe plus opérationnel et assurer une meilleure représentation des élus et du monde HLM ». Raison pour laquelle, elle déplore « la prise en otage » du groupe par le gouvernement « qui empêche depuis plusieurs mois la désignation d’un nouveau directeur général interdisant de fait la mise en œuvre de toute initiative nouvelle ».
Effectivement, dans leur rapport publié en juin dernier, les sénateurs rappellent que la loi ELAN, prévoit la modification de la gouvernance d'Action Logement, en mettant fin à certaines interdictions de cumul de fonctions entre les conseils d'administration d'Action Logement Groupe et ses filiales. « Or, le décret, non prévu directement par la loi, mais devant acter ce changement de statut n'a (…) toujours pas été publié. Ces retards sont la cause d'une gouvernance dysfonctionnelle au sein d'Action Logement, sans que le groupe puisse y porter remède. » relevait déjà au printemps le rapport sénatorial.