Elections européennes : qui peut se présenter ?
Tandis que la campagne pour le scrutin du 9 juin est lancée, les partis politiques achèvent de constituer leurs listes. Qui peut candidater ?
Par Public Sénat
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Plus de six mois de travail, 34 auditions et beaucoup de questions. La commission d’enquête du Sénat a rendu son rapport tant attendu, ce mercredi 20 février, sur l’affaire Benalla. 118 pages (160 avec les annexes) et 13 recommandations, qui visent notamment l’organisation de la sécurité de l’Elysée (voir le rapport dans son intégralité). Le rapport est accablant pour la présidence. Sa gestion de l’affaire « s’est révélée calamiteuse » tranche les sénateurs (voir aussi le sujet vidéo d'Aurélien Romano).
La Haute assemblée avait saisi le 23 juillet dernier la commission des lois, dotée des prérogatives d’une commission d’enquête. Les personnes auditionnées n’ont pas le choix : elles doivent venir répondre aux questions, sous serment. En cas de faux témoignage, le dossier peut être transmis au parquet, sur décision du bureau du Sénat. Ce dernier est saisi par les sénateurs pour les cas d’Alexandre Benalla et Vincent Crase, mais aussi, dans une moindre mesure, pour Alexis Kohler, secrétaire général de l’Elysée, et Patrick Strzoda, directeur de cabinet de Macron, qui « ont retenu une part significative de la vérité lors de leur audition », pointent les sénateurs dans une lettre à Gérard Larcher, président du Sénat (voir notre article sur les faux témoignages). Les sénateurs ont en effet constaté une série « d’incohérences » et de « contradictions ».
Les 26 membres du bureau du Sénat, composé de l’ensemble des groupes, devraient prendre sa décision, par un vote à huis clos, le 21 mars prochain. Un faux témoignage devant une commission d’enquête est un délit passible de cinq ans de prison et de 75.000 euros d'amende.
La commission d’enquête lancée en même temps à l’Assemblée avait explosé en plein vol. Celle du Sénat a permis à la Haute assemblée de jouer sans retenue son rôle de contre-pouvoir. Au point de créer de fortes tensions entre l’exécutif et le Sénat : un appel d’Emmanuel Macron à Gérard Larcher, une tribune de la ministre de la Justice Nicole Belloubet, et une attaque du ministre Christophe Castaner, qui a accusé les sénateurs d’être « des menaces pour la République » s'ils cherchaient à « destituer » Emmanuel Macron.
« Le Sénat est une assemblée parlementaire libre, indépendante, non alignée » a cadré d’emblée le président de la commission d’enquête, le sénateur LR Philippe Bas, en présentant devant la presse le rapport. Cet ancien secrétaire général de l’Elysée sous Jacques Chirac, qui a connu la lumière avec les travaux de la commission, a rappelé que le Sénat s’est bien gardé d’empiéter sur le travail de la justice. « Nous avons enquêté sur le fonctionnement de l’Etat et pas sur les agissements de Monsieur Benalla » a souligné Philippe Bas. Comme à son habitude, il égrène les points d’un ton précis, presque professoral. Le verbe est haut. Il tranche.
Globalement, la charge des sénateurs est lourde pour l’Elysée. Ils pointent des « dysfonctionnements majeurs » au plus haut sommet de l’Etat. « Nous avons réuni suffisamment d’éléments pour estimer que la sécurité du président de la République a été affectée » estime Philippe Bas, qui souligne qu’« il n’y aurait pas eu d’affaire Benalla si une sanction appropriée avait été prise dès le 2 mai 2018 » (voir la vidéo ci-dessous). Il demande de « prévenir et sanctionner les conflits d’intérêts parmi les collaborateurs des cabinets pour qu’ils ne soient dans la main de personne »…
A ses côtés, les rapporteurs, Jean-Pierre Sueur (PS) et Muriel Jourda (LR) retracent l’affaire et rentrent dans les détails et contradictions que relate ce riche rapport (voir notre article sur les principales déclarations de la conférence de presse).
Sa lecture est sans appel sur bien des points. Suite aux événements du 1er mai, le rapport souligne les conséquences « graves » « de l’ignorance dans laquelle ont été maintenus » les services de la police :
« Alors que le ministre d’État, ministre de l’Intérieur, le préfet de police de Paris, le directeur de cabinet du Président de la République (…) ont été mis au courant dès le 2 mai de l’"affaire Benalla" (…), l’information n’a étrangement pas trouvé le chemin de certains services du ministère de l’intérieur qui, de leur côté, auraient pu initier les premières enquêtes administratives ».
Le rapport pointe plusieurs « défaillances » des autorités : « Absence de signalement au parquet », les sénateurs constatant « lors des auditions un spectaculaire renvoi circulaire des autorités les unes aux autres » ; « Doutes sur l’effectivité réelle des sanctions infligées » et « confiance maintenue jusqu’en juillet » envers Alexandre Benalla.
Le rapport note aussi le « flou entretenu sur le périmètre des missions qui étaient réellement confiées à Alexandre Benalla ». Loin de se cantonner « à des missions logistiques », le rapport met en avant « une mission spécifique de coordination des services de sécurité de l’Élysée aux contours obscurs » au risque, paradoxalement, de mettre à mal la sécurité du chef de l’Etat.
Sur la demande de permis de port d’arme de l’ancien chargé de mission, le rapport affirme qu’elle « résultait en réalité d’une initiative d’Alexandre Benalla entérinée a posteriori par sa hiérarchie ». Pour trouver une base juridique et rentrer dans les clous, Alexandre Benalla a notamment imaginé, et proposé à sa hiérarchie, la possibilité « de prendre un arrêté confidentiel du Président de la République qui "constituerait une autorisation de port d’arme à titre exceptionnel" » (voir notre article).
La commission a pu clairement établir et confirmer qu’Alexandre Benalla disposait « de prérogatives et de moyens importants » à l’Elysée : véhicule, appartement de fonctions de 84 m2, habilitation secret-défense, téléphone hautement sécurisé Teorem, dont il était le seul à disposer à la chefferie de cabinet et rendu plusieurs mois après son licenciement. Après les événements du 1er mai, il continue à disposer de ces moyens.
Au sujet des passeports diplomatiques, le rapport souligne que « la délivrance de quatre passeports professionnels ne semble, ni courante, ni justifiée à ce niveau de responsabilités ». Il note « de nettes contradictions concernant la chronologie précise de la restitution des passeports professionnels d’Alexandre Benalla », qui « avait continué à utiliser ses passeports diplomatiques après son licenciement ». Ce dernier a multiplié les voyages avec ses passeports.
Les questions les plus lourdes sont soulevées par l’« affaire des contrats russes » avec l’oligarque Iskander Makhmudov, révélée par Mediapart. Le rapport dénonce « de graves soupçons de faux témoignages » (voir plus haut) et surtout « de conflits d’intérêts majeurs et graves » :
« L’implication directe d’Alexandre Benalla et de Vincent Crase dans la négociation et la conclusion d’activités de nature privée, qui plus est pour le compte d’intérêts étrangers puissants, constituerait non seulement une faute déontologique majeure pour les intéressés, mais également un risque pour la présidence de la République et, à travers elle, pour l’État ».
Dans leur rapport, les sénateurs ajoutent : « Il ne fait en effet nul doute que les relations entretenues avec un oligarque russe par un collaborateur de l’Élysée directement impliqué dans la sécurité de la présidence de la République et d’un réserviste du commandement militaire du palais de l’Élysée exerçant une responsabilité d’encadrement seraient de nature, en raison de la dépendance financière qu’elles impliquent, à affecter la sécurité du chef de l’État et, au-delà, les intérêts de notre pays ».
Les 13 recommandations ne sont pas spectaculaires, mais précises. Elles portent sur quatre points principaux. Le premier appelle à « garantir un haut niveau de sécurité au président de la République » de deux manières :
Le rapport recommande ensuite de « renforcer la transparence dans le fonctionnement de l’exécutif ». Les sénateurs font ici huit propositions :
Troisième point sur lequel le rapport de la commission d’enquête insiste : renforcer les pouvoirs de contrôle du Parlement. C’est l’une des fonctions de l’Assemblée et du Sénat, avec le vote et l’élaboration de la loi. Les sénateurs en profitent pour rappeler un principe auquel ils sont attachés, alors qu’ils voient dans la réforme des institutions en cours un affaiblissement du Parlement.
Dernier point : « Clarifier l’obligation de signalement d’un crime ou d’un délit » en application de l’article 40 du code de procédure pénale.
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