Le feuilleton de l’affaire Benalla se poursuit. A chaque jour, sa nouvelle révélation, ou presque. La journée de mercredi a été riche en la matière. L’enquête sur les conditions de l’enregistrement, diffusé par Mediapart le jeudi 31 janvier, d’une conversation entre Alexandre Benalla et Vincent Crase, a été déclenchée par des informations transmises par Matignon au parquet de Paris, a révélé le site d’information.
Après la publication de l’article de Mediapart, des journalistes ont tenté de vérifier auprès des services du Premier ministre l’hypothèse selon laquelle cette conversation a été enregistrée au domicile de Marie-Elodie Poitout, cheffe du Groupe de sécurité du Premier ministre (GSPM). C’est à la suite de ces questions de journalistes que le directeur de cabinet d’Edouard Philippe, Benoît Ribadeau-Dumas, a adressé le vendredi 1er février un courrier au procureur de la République de Paris, Rémy Heitz, a dévoilé Le Monde.
« C’est devenu une affaire d’Etat »
« C’est la saison 4 de l’affaire Benalla », ironise Marc-Philippe Daubresse. Pour le sénateur LR du Nord, membre de la commission des lois, aucun doute : « C’est devenu une affaire d’Etat. » Patrick Kanner partage son avis : « Au regard de toutes ces révélations, je pense que ça peut devenir une affaire d’Etat », a estimé ce jeudi le président du groupe socialiste au Sénat lors de notre émission Territoire Sénat.
« Le feuilleton continue. Il y a une connivence plus large des plus hautes instances de la République, dont les services de Matignon. C’est très préoccupant », juge pour sa part François Grosdidier. Le sénateur LR de la Moselle membre de la commission des lois se dit notamment « inquiet » sur les « connexions commerciales liées aux contrats de sécurité ». « Ce mélange des genres n’est pas admissible à ce niveau », estime-t-il. En cause, le contrat de sécurité passée entre la société de Vincent Crase, Mars, et un oligarque russe proche de Vladimir Poutine, Iskander Makhmudov.
Selon Mediapart, Alexandre Benalla s’est personnellement impliqué dans ce contrat, y compris dans les montages financiers, alors qu’il travaillait à l’Elysée. Il disait pourtant le contraire devant la commission d’enquête du Sénat, le 21 janvier, sous serment. En outre, Libération révélait mercredi que le compagnon de la cheffe du GSPM, Chokri Wakrim, était impliqué lui aussi dans le sulfureux contrat russe au côté d’Alexandre Benalla, dont il est proche. « Ça maintient une certaine inquiétude qui existait déjà sur les possibilités de collaborations que pouvaient avoir quelqu’un qui est au plus près de l’Elysée avec des pays étrangers », a estimé la sénatrice Muriel Jourda, co-rapportrice de la commission d'enquête sur l'affaire Benalla, dans notre émission Sénat 360.
Muriel Jourda sur l'affaire Benalla
« Il faut clore cette affaire »
Ces nouvelles informations percutent une nouvelle fois les travaux sénatoriaux sur l’affaire. Les sénateurs n’évacuent aucune hypothèse, alors que la commission d’enquête sénatoriale sur l’affaire Benalla a perdu ses pouvoirs d’enquête, le 23 janvier dernier.
« La commission d’enquête peut demander à prolonger sa mission de quelques semaines au vu des nouveaux faits qui apparaissent », explique Marc-Philippe Daubresse. Dans ce cas, la commission d’enquête perdrait beaucoup de ses prérogatives, dont l’obligation pour les personnes auditionnées de s’y présenter et de prêter serment.
La tendance est plutôt à clore les travaux et à publier le rapport de la commission d’enquête, ces prochaines semaines. « Le travail est fait. Nous avons assez de matières pour relever l’existence de dérives et faire des préconisations pour mettre fin à ces dérives », affirme François Grosdidier. « Nous avons fait notre travail. A partir de là, c’est à la justice d’avancer vite car cette affaire ne sent pas bon », abonde Patrick Kanner.
Patrick Kanner réagit sur l'affaire Benalla
« Dans l’intérêt de tout le monde, il faut clore cette affaire, rédiger notre rapport et laisser la justice passer, juge également le socialiste Jérôme Durain, membre de la commission des lois. Un ou deux détails croustillants supplémentaires ne changeront rien à cette affaire. »
« On va devoir saisir la justice »
Autre point non tranché à ce stade : faut-il que les sénateurs saisissent la justice, pour parjure, alors que les révélations de Mediapart ont contredit plusieurs déclarations d’Alexandre Benalla et de Vincent Crase, faites devant la commission d’enquête du Sénat le 21 janvier ?
« Le rapport va soulever des dysfonctionnements évidents dans l’organisation des services de l’Etat et des faits susceptibles d’être qualifiés pénalement. On va évidemment devoir saisir la justice », estime Marc-Philippe Daubresse, avant d’évoquer les parjures possibles. « La question est ouverte, avance plus prudemment François Grosdidier. C’est à la commission des lois d’en débattre et nous aurons ce débat », assure-t-il.