« Je crois que le mot scandale n’est pas de trop », résume le président (LR) de la commission des Lois du Sénat Philippe Bas, à l’issue d’une réunion extraordinaire de ses membres. Cet après-midi, le Sénat doit entériner lors d’un vote en séance sa demande de se constituer en commission d’enquête parlementaire, dans le cadre de l’affaire Benalla.
« Il y a des dysfonctionnements graves dans le fonctionnement de l’État », déplore le sénateur de la Manche, à qui reviendra la présidence de cette commission temporaire. « Pour nous qui voulons connaître la vérité, c’est absolument essentiel », explique-t-il, insistant sur le rôle du Sénat, un « contre-pouvoir non aligné, libre et indépendant », selon lui.
« Notre sujet à nous est un sujet encore plus grave pour la République »
Les prérogatives de la commission ne s’étendront pas aux violences du 1er mai, ni aux violations du code de procédure pénale. « Notre sujet à nous est un sujet encore plus grave pour la République d’une certaine façon : c’est la confusion des pouvoirs, c’est l’hégémonisme présidentiel », explique Philippe Bas. « C’est le fait qu’il suffise aujourd’hui de brandir une carte de l’Élysée pour obtenir de la part des forces de sécurité obéissance, et d’interférer avec le fonctionnement des services. »
L’ancien secrétaire général de la présidence de la République ajoute que le Sénat se soucie de la façon dont est assurée la sécurité du chef de l’État. « Ce qui est nous paraît très important, c’est que sa sécurité soit assurée de manière professionnelle, par des gens entraînés, qualifiés, dans le cadre d’une organisation bien rodée, sans qu’il y ait une sorte de protection privée qui interfère ».
« Hégémonisme présidentiel »
Premier dommage collatéral de l’affaire Benalla : l’interruption, jusqu’à nouvel ordre, de l’examen de la révision constitutionnelle à l’Assemblée nationale, qui pourrait repousser son arrivée au Sénat. Ce matin, lors de la reprise des débats sur la loi Elan, le président du Sénat Gérard Larcher a estimé que les révélations de la semaine dernière allaient changer la donne pour le projet de loi constitutionnelle. Ancien conseiller d’État, Philippe Bas considère que l’affaire Benalla est révélatrice de « l’hégémonisme présidentiel », que la révision constitutionnelle va encore « accentuer ». « Il est temps que les Français se rendent compte que ce qui est en préparation ne va pas dans le bon sens », avertit-il.
La possibilité pour le président de la République d’intervenir pendant les débats suivant un discours au Congrès est en un exemple. Selon Philippe Bas, la révision « tend à faire disparaître l’autonomie de la fonction gouvernementale », au profit du Président, lequel n’est pas responsable devant le Parlement. Elle « aggrave encore la confusion des pouvoirs », dénonce-t-il.
La révision constitutionnelle va "accentuer l'hégémonisme présidentiel", avertit Philippe Bas