Affaire Benalla: tension après un coup de fil de Macron au Sénat
Un coup de fil très inhabituel d’Emmanuel Macron à Gérard Larcher (LR) sur le traitement de l’affaire Benalla a provoqué la colère des sénateurs...
Par Dominique CHABROL
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Un coup de fil très inhabituel d’Emmanuel Macron à Gérard Larcher (LR) sur le traitement de l’affaire Benalla a provoqué la colère des sénateurs qui enquêtent sur la position qu’occupait l’ex-conseiller à l’Elysée, et pose la question de la séparation des pouvoirs.
"Qui est ce bagagiste, comme l'a dit M. Castaner, cette petite frappe, M. Benalla, pour qu'il puisse bénéficier du soutien de tout l'appareil d’État ?", a tonné jeudi le chef de file des sénateurs LR, Bruno Retailleau.
Objet du courroux sénatorial: selon le site de L'Obs, M. Macron a appelé mardi le président du Sénat pour lui demander de garantir les équilibres institutionnels, estimant en substance que la commission sénatoriale sur l'affaire Benalla s'en éloignait.
Le président de la commission des Lois sénatoriale, Philippe Bas (2ème en partant de la droite) lors des premières auditions, le 31 juillet 2018
AFP/Archives
Les échanges avaient été rudes le jour-même entre les sénateurs et l'ex-conseiller de l'Elysée, qui est allé jusqu'à juger la commission "illicite", qualifiant ses membres de "petites personnes" et son président Philippe Bas, issu de l'opposition LR, de "petit marquis".
Alexandre Benalla a fini par accepter, "contraint", son audition, fixée au 19 septembre comme celle de Vincent Crase, ex-salarié de La République en marche filmé à ses côtés le 1er mai.
L'entourage de Gérard Larcher a confirmé qu'il avait reçu un appel du président de la République, sans en révéler la teneur.
L'entretien a bien porté entre autres sur la commission d'enquête sénatoriale, mais également sur des sujets législatifs, a simplement précisé la présidence du Sénat. Silence en revanche à l'Elysée, où l'on s'est refusé à commenter l'information.
Questions : le Sénat est-il dans son rôle en enquêtant sur l'affaire Benalla ? Le coup de fil présidentiel constitue-t-il de son côté une ingérence de l'exécutif sur le pouvoir législatif ?
Les contacts - téléphone, rencontres inopinées... - entre l'exécutif et les présidents des Assemblées n'ont rien d'exceptionnels et sont rarement médiatisés.
Du point de vue juridique en revanche, les experts rappellent que la Constitution dit que le chef de l'Etat veille au fonctionnement régulier des pouvoirs publics.
- "Calmer le jeu" -
"Est-ce que le Sénat, en ayant constitué une commission d'enquête sur l'affaire Benalla, provoque un dysfonctionnement des pouvoirs publics ? La réponse est non !", tranche Dominique Rousseau, professeur de droit à Paris-1.
"Si ce coup de fil a effectivement été donné et si des remontrances ont été faites au président du Sénat, elles sont du point de vue constitutionnel totalement inadéquates. Il y a là une atteinte à la séparation des pouvoirs", souligne-t-il.
Dans un entretien au Figaro publié jeudi, le président du MoDem François Bayrou, allié de M. Macron, explique qu'il "n'approuve pas" les "attaques" contre le Sénat. "Je défends un Parlement de plein exercice, respecté, mieux équilibré, qui exerce sa mission de contrôle de l'exécutif", a-t-il dit.
En enquêtant sur la position d'Alexandre Benalla à l'Elysée, la commission sénatoriale enquête sur le fonctionnement de la présidence. "Ce qui se passe actuellement me paraît être dans l'ordre d'un fonctionnement régulier des pouvoirs publics", conclut Dominique Rousseau.
L'opposition sénatoriale, droite et gauche, s'insurge elle contre les interventions de l'exécutif au "travail sérieux" du Sénat. "On voit tout l'appareil d’État, du président de la République à la Garde des Sceaux, à M. Griveaux (porte-parole du gouvernement), se coaliser pour soutenir M. Benalla", dénonce Bruno Retailleau.
La ministre de la Justice Nicole Belloubet a dénoncé mercredi l'"instrumentalisation" politique de l'affaire Benalla.
Benjamin Griveaux a lui fustigé "l'ambition politique personnelle" de Philippe Bas.
"Si quelqu'un doit calmer le jeu, ce n'est pas nous, c'est M. Benalla qui fait très fort dans l'insulte des représentants du peuple et qui, compte tenu de ses exploits, n'est pas très bien placé ni pour proférer des injures ni pour donner des leçons de morale", a jugé Jean-Pierre Sueur (PS), l'un des deux rapporteurs de la commission d'enquête.
Mercredi, les échanges devant la commission avaient également été parfois tendus, notamment lors de l'audition du chef de cabinet du chef de l'Etat, François-Xavier Lauch.
M. Benalla et M. Crase, filmés en train de molester des manifestants le 1er mai à Paris, sont mis en examen, notamment pour "violences en réunion".
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