Déjà sous la menace d'autres dossiers judiciaires, Nicolas Sarkozy sera-t-il jugé dans l'affaire Bygmalion ? L'ancien président de la République conteste mercredi son renvoi au tribunal pour les dépenses excessives de sa campagne présidentielle malheureuse de 2012.
Ce rendez-vous devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris est crucial pour l'avenir de l'ancien chef d'Etat, retraité de la vie politique, qui a vu les menaces judiciaires s'accumuler en mars: après sa mise en examen pour les soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle en 2007, il a été renvoyé pour un autre procès dans l'affaire des "écoutes" sous son quinquennat.
Dans l'affaire de ses comptes de campagne plus connue comme l'affaire Bygmalion, les magistrats doivent se pencher sur l'appel qu'il avait interjeté contre l'ordonnance du juge Serge Tournaire du 3 février 2017 le renvoyant devant le tribunal pour "financement illégal de campagne électorale".
M. Sarkozy se voit reprocher d'avoir dépassé le plafond autorisé des dépenses électorales de plus de 20 millions d'euros, en dépit des alertes des experts-comptables de la campagne en mars et avril 2012.
La facture totale s'était envolée à plus de 42,8 millions d'euros, soit près du double du seuil légal fixé à 22,5 millions: la conséquence d'une "stratégie" d'"occupation maximale de l'espace médiatique et télévisuel, avec la multiplication de meetings souvent spectaculaires", avait estimé le magistrat.
Dans ses réquisitions écrites dont a eu connaissance l'AFP, l'avocat général de la cour d'appel reprend la même analyse, estimant que Nicolas Sarkozy "avait donné, en connaissance de cause, des instructions en faveur d'une augmentation des dépenses", ce que l'intéressé a toujours nié.
L'avocat général demande à la cour d'appel de confirmer les charges à son encontre et de treize autres protagonistes poursuivis pour "complicité", dont douze ont fait appel.
Nicolas Sarkozy avait obtenu le report de l'audience, prévue en décembre, dans l'attente d'une décision de la Cour de Cassation sur le maintien ou non de l'association anticorruption Anticor comme partie civile. Elle a finalement été évincée du dossier fin janvier.
- Vaste système de fraude -
Pour justifier son appel, recours rarissime à ce stade de la procédure, l'avocat de Nicolas Sarkozy, Thierry Herzog avait dénoncé "l'inanité" de l'ordonnance, en soulignant qu'elle avait été signée de la main d'un seul juge d'instruction contre l'avis de l'autre magistrat co-saisi, Renaud Van Ruymbeke.
Depuis, la défense de Nicolas Sarkozy a de nouveau contre-attaqué en annonçant en décembre une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), qui devrait être plaidée mercredi, au début de l'audience.
Comme il l'a déjà invoqué dans le passé, Me Herzog soutient que Nicolas Sarkozy a été sanctionné définitivement en 2013 par le Conseil constitutionnel pour le dépassement du plafond. Cette sanction était toutefois intervenue avant la révélation du scandale des fausses factures de l'agence de communication Bygmalion et portait sur un dérapage, bien moindre, de 363.615 euros.
La cour d'appel devra décider si elle transmet ou non cette QPC à la Cour de cassation, en vue d'une éventuelle saisine du Conseil constitutionnel, une hypothèse qui pourrait retarder une décision sur la tenue d'un procès.
Le scandale avait éclaté en 2014 avec la découverte d'un vaste système de fausses factures destiné à masquer l'emballement des dépenses de meetings, alors organisés par une filiale de Bygmalion. Cette fraude, révélée par des cadres de Bygmalion et le directeur adjoint de la campagne Jérôme Lavrilleux, avait permis de déplacer vers l'UMP quelque 16,2 millions d'euros de dépenses qui auraient dû figurer au compte de campagne du candidat.
D'anciens cadres de l'ex-UMP ainsi que des responsables de la campagne, dont Guillaume Lambert ou Jérôme Lavrilleux, des dirigeants de Bygmalion et des experts-comptables sont également poursuivis pour faux, escroquerie ou complicité, abus de confiance ou recel. Des faits pour lesquels Nicolas Sarkozy n'a pas été mis en cause.
Si le juge estimait qu'il avait "incontestablement bénéficié des fraudes" pour disposer de moyens de campagne conséquents, l'enquête n'a pas permis d'établir qu'il les avait ordonnées ou qu'il en avait été informé.