Affaire de Rugy : quelles sont les règles pour les frais de mandat ?
Pendant longtemps, députés et sénateurs n’avaient aucun compte à rendre sur l’utilisation des frais de mandats. Une situation qui a permis, dans certains cas, une utilisation détournée de cet argent public. Aujourd’hui, les conditions sont encadrées. Les parlementaires doivent conserver les notes de frais en cas de contrôle aléatoire.

Affaire de Rugy : quelles sont les règles pour les frais de mandat ?

Pendant longtemps, députés et sénateurs n’avaient aucun compte à rendre sur l’utilisation des frais de mandats. Une situation qui a permis, dans certains cas, une utilisation détournée de cet argent public. Aujourd’hui, les conditions sont encadrées. Les parlementaires doivent conserver les notes de frais en cas de contrôle aléatoire.
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Ce sont des nouvelles révélations de Mediapart qui ont entraîné la démission de François de Rugy. Selon le site d’investigation, le désormais ex-ministre a utilisé en 2013 son indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) pour payer une partie de sa cotisation à Europe Ecologie-Les Verts, son ancien parti. Une utilisation indue, alors que cette enveloppe permet aux députés de régler leurs frais liés à l’exercice de leur mandat. Par ailleurs, l’ex-député avait aussi déduit ces versements du calcul de son impôt sur le revenu 2015, alors que l’IRFM est défiscalisée…

L’IRFM a souvent été à l’origine de polémiques pour les parlementaires. Quinze d’entre eux sont d’ailleurs soupçonnés de détournement de fonds publics lié à l’utilisation de leur IRFM, sur la période 2011-2017, a révélé Le Monde le 11 juillet. Si l’utilisation de cet argent public est aujourd’hui mieux encadrée, il n’en était rien dans un passé récent. Le point sur les règles, avant, et après réformes…

Avant : le grand flou sur l’utilisation de l’IRFM

Avant la réforme engagée par l’Assemblée nationale et le Sénat, l’utilisation de l’indemnité représentative de frais de mandat manquait pour le moins d’encadrement. Pendant longtemps, les parlementaires n’avaient tout simplement aucun compte à rendre sur l’utilisation de cette enveloppe, censée être exclusivement utilisée pour les frais liés au mandat. Elle était de plus non soumise à l’impôt sur le revenu.

Concrètement, si nombre de parlementaires l’utilisaient normalement, certains pouvaient s’en servir pour acheter leur permanence parlementaire, puis la revendre, acheter une machine à laver ou payer leurs vacances… Une forme de liberté qui se justifiait au nom du principe de la libre organisation de l’exercice du mandat.

En 2017, l’IRFM était d’un montant de 6.109 euros net par mois par sénateur (à ne pas confondre avec les 7.100 euros bruts de l’indemnité mensuelle) et 5.372 euros net par députés. Avant la réforme du Sénat, en 2015, l’IRFM était versée directement sur le compte personnel des sénateurs.

Dans son rapport annuel de 2013, le déontologue de l’Assemblée apportait déjà plusieurs préconisations, dont celle-ci, qui résonne avec l’affaire de Rugy : « Le paiement d’une cotisation à un parti politique n’est pas un frais lié au mandat. Tel est en revanche le cas pour la contribution versée au groupe politique ».

Aujourd’hui : des notes de frais et des contrôles

C’était une volonté d’Emmanuel Macron, dans le cadre de la loi sur la transparence de la vie politique : rendre les frais de mandat plus transparents. Depuis 2018, les sénateurs ou députés doivent ainsi maintenant conserver les justificatifs, en cas de contrôle aléatoire. A noter que ces règles ont été mises en place quand François de Rugy présidait l’Assemblée.

Les remboursements sur notes de frais, système utilisé dans les entreprises, mais jugé trop rigide par les parlementaires, ont été écartés. Il est pourtant en pratique en Grande-Bretagne.

Le Sénat a réduit le niveau de l’IRFM, qui est passé de 6.109 euros à 5.900 euros net mensuels. L’enveloppe reste un peu plus élevée que celle des députés, qui ont une somme de 5.373 euros. Les sénateurs sont cependant parlementaires de tout un département, alors que les circonscriptions des députés sont plus petites.

Comme à l’Assemblée, les sénateurs conservent une part qui pourra être utilisée sans justificatif, notamment pour des petits règlements. De 600 euros pour les députés, les membres de la Haute assemblée l’ont fixée à 885 euros.

Autre changement : l’enveloppe est annualisée. Les compteurs sont donc remis à zéro chaque année, même si tout l’argent n’a pas été utilisé. Il ne sera plus possible de reporter ce qui reste l’année suivante.

Un nouveau compte bancaire spécialement dédié aux frais de mandat doit aussi être créé. Depuis la réforme de 2015 de la Haute assemblée, les sénateurs avaient déjà obligation de créer un compte différent pour l’IRFM.

Les dépenses autorisées ou non sont aujourd’hui précisées dans les deux chambres. Le Sénat avait déjà mis en place, lors de sa réforme de 2015, un guide de bonne utilisation. L’achat de sa permanence parlementaire, déjà interdit depuis 2016, est ainsi proscrit, tout comme toute dépense personnelle. Le financement de parti politique n’est pas non plus permis. Sont en revanche autorisées les frais liés à la permanence et à l'hébergement, les frais de déplacement, les frais de documentation et de communication, les frais de représentation et de réception ou encore les frais de formation du sénateur et de ses collaborateurs.

Au Sénat, le contrôle est réalisé par le comité de déontologie du Sénat, composé de huit sénateurs de toutes couleurs politiques. Il est épaulé par le conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables. Reste que les résultats de ces contrôles sont transmis aux sénateurs, et non à une instance externe à la Haute assemblée. Les dépenses jugées non conformes ou faites sans justificatif doivent être remboursées. A l’Assemblée, c’est la déontologue, personnalité extérieure, mais nommée par les députés, qui est chargée de vérifier la conformité des dépenses.

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