France Far Right Trial

Affaire des assistants parlementaires du RN : que prévoient les règles européennes ?

Le procès de Marine Le Pen et de 26 autres cadres et élus du Rassemblement national s’ouvre ce 30 septembre. Poursuivis pour détournement de fonds publics, ils sont soupçonnés d’avoir fait travailler des assistants d’eurodéputés, rémunérés sur fonds européens, pour le parti en France. Si l’activité des collaborateurs est désormais davantage encadrée, certains échappent aux contrôles. Décryptage.
Rose-Amélie Bécel

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Ce lundi 30 septembre, un procès à haut risque s’ouvre pour le Rassemblement national devant le tribunal correctionnel de Paris. Marine Le Pen, son père Jean-Marie absent de l’audience, 11 eurodéputés, 12 assistants parlementaires et trois cadres du parti au moment des faits, sont notamment poursuivis pour détournement de fonds publics.

Entre 2004 et 2016, environ 6,8 millions d’euros provenant de l’enveloppe destinée à rémunérer les collaborateurs des élus RN au Parlement européen auraient ainsi été utilisés pour renflouer les caisses du parti, alors endetté de plusieurs millions d’euros. Des économies réalisées sur les salaires, puisque les assistants parlementaires européens auraient en réalité travaillé directement pour le compte du parti en France.

L’affaire avait éclaté en mars 2015, après des dénonciations du socialiste allemand Martin Schulz – alors président du Parlement européen – auprès du ministère de la Justice française. Saisi par le procureur de la République, l’Office central de lutte contre la corruption lance ses investigations fin 2016. Renvoyée devant la justice dans un procès qui devrait durer deux mois, Marine Le Pen encourt jusqu’à dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende, mais aussi entre 5 et 10 ans d’inéligibilité.

La rémunération des assistants cantonnée à l’activité « directement liée à l’exercice du mandat de parlementaire »

Présente au tribunal ce 30 septembre lors du premier jour d’audience, Marine Le Pen s’est dite « très sereine ». Mi-septembre, dans une interview au Parisien, elle se défendait par ailleurs en invoquant une « incompréhension entre le monde judiciaire et le monde politique ». « Les assistants d’un élu ne sont pas des salariés du Parlement européen, mais des assistants d’élus d’un parti politique. Par conséquent, ils ont évidemment vocation, pour un certain nombre d’entre eux, à faire de la politique », précisait-elle lors de son entretien.

Les règles fixées au niveau européen semblent toutefois contredire la défense de la candidate à l’élection présidentielle. Avant une évolution du cadre réglementaire en 2009, le Parlement précisait déjà que l’assistant d’eurodéputé « ne pouvait être l’agent d’un groupe politique du Parlement, ni être l’employé d’un parti politique au niveau européen ».

Depuis 2009, un véritable « statut des députés » européens est entré en vigueur et celui-ci encadre également « l’assistance de collaborateurs personnels ». Le texte précise que les eurodéputés peuvent recruter « librement » leurs assistants, ce qui rend possible de faire appel aux services de militants des partis politiques. Toutefois, le règlement indique bien que « seuls doivent être pris en charge les frais correspondants à l’assistance nécessaire et directement liée à l’exercice du mandat de parlementaire des députés ». L’enveloppe de 29 000 euros mensuels (chiffre au 1er janvier 2024), allouée à chaque eurodéputé pour rémunérer ses assistants, ne peut donc pas « servir directement ou indirectement à financer des contrats établis avec […] des partis politiques », précise le règlement.

Deux types de statuts, dont un moins contrôlé

Le règlement adopté en 2009 distingue également deux catégories de collaborateurs d’eurodéputés, avec des obligations différentes selon leur statut. Ainsi, les assistants dits « accrédités » sont soumis au régime applicable aux fonctionnaires européens : leur recrutement est contrôlé, leur contrat est conclu et géré directement par le Parlement. En poste dans l’un des trois lieux de travail du Parlement, leur domicile doit être obligatoirement proche de Bruxelles, Strasbourg ou Luxembourg.

C’est – par exemple – sur la base de cette règle que l’Office européen de lutte antifraude (Olaf), garant des intérêts financiers de l’Union européenne, avait réclamé à Marine Le Pen le remboursement de 300 000 euros au Parlement européen en 2016. Alors eurodéputée, elle était accusée d’avoir rémunéré « indûment » sa cheffe de cabinet Catherine Griset, incapable de prouver sa résidence en Belgique alors qu’elle était accréditée à temps plein à Bruxelles.

Les assistants dits « locaux », chargés de tenir la permanence de leur eurodéputé en circonscription, sont plus nombreux que leurs homologues, en moyenne six par député contre deux collaborateurs « accrédités », selon un rapport de contrôle budgétaire du Parlement produit en 2015. Leur recrutement se passe de contrôles et leur contrat de travail répond aux règles de leur pays d’appartenance. Leur statut est donc moins strictement encadré par le Parlement et plus difficile à contrôler, du fait de leurs missions variées et éloignées de Bruxelles. Un problème fréquemment soulevé par les instances de l’UE. Le rapport de contrôle budgétaire du Parlement produit en 2015 épingle, par exemple, un eurodéputé qui aurait recruté 43 assistants locaux.

L’affaire des assistants parlementaires du MoDem, un précédent procès qui avait conduit à la relaxe de Bayrou

Le procès des cadres du Rassemblement national se tient huit mois après celui d’une autre affaire, qui concernait cette fois-ci les assistants parlementaires du MoDem. En février dernier, onze cadres du parti dont son président François Bayrou, étaient jugés pour « détournement de fonds publics », soupçonnés eux aussi d’avoir rémunéré des assistants parlementaires qui travaillaient en réalité pour le parti.

À l’issue du procès, huit cadres du parti centriste ont été condamnés. C’est Michel Mercier, le trésorier du MoDem, qui a écopé de la peine la plus lourde : 18 mois d’emprisonnement avec sursis, 20 000 euros d’amende et deux ans d’inéligibilité avec sursis. Les deux formations politiques impliquées en tant que personnes morales, l’UDF et le MoDem, ont également été reconnues coupables et condamnées respectivement à 150 000 et 350 000 euros d’amende. De son côté, François Bayrou a été relaxé faute de preuves, alors que le parquet avait requis 30 mois de prison avec sursis, 70 000 euros d’amende et trois ans d’inéligibilité avec sursis à son encontre. Le parquet a fait appel du jugement, François Bayrou sera donc prochainement de retour au tribunal.

Marine Le Pen espère elle aussi la relaxe, mais, désignée par plusieurs témoins comme la principale décisionnaire dans l’affaire des assistants du RN, elle semble plus exposée que ne l’était François Bayrou. Autre différence majeure entre les deux affaires : le préjudice évalué du détournement de fonds publics. Le Parlement européen estime que le MoDem a détourné 293 000 euros, un montant qui s’élève à 6,8 millions d’euros pour le RN.

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