Achats mensuels de vêtements allant de 1 500 à 2 000 euros, dépensés en lingerie pour plus de 500 euros en 2018 et réservations coûteuses dans des restaurants : le journal Mediapart a révélé le 28 mars les notes de frais élevées de la députée LREM Coralie Dubost. La députée affirme avoir remboursé « les dépenses problématiques ». L’occasion de se pencher sur les indemnités des parlementaires et leurs règles.
Lors de la campagne présidentielle de 2017, François Fillon, le candidat favori qui avait fait de la moralité politique son cheval de bataille, se retrouve plongé au cœur d’une affaire judiciaire dévastatrice pour lui. Soupçonné d’avoir attribué des emplois fictifs à son épouse et à deux de ses enfants, François Fillon est mis en examen le 14 mars 2017 pour détournement de fonds publics. Le « Pénélopegate » a mis un coup de projecteur sur la question des indemnités parlementaires et a ainsi replacé au cœur du débat l’enjeu de la transparence et de la moralisation de la vie politique. C’est dans ce contexte que les deux lois pour la « confiance dans la vie politique », promesse de campagne d’Emmanuel Macron, ont été votées dès septembre 2017 par le Parlement. Elles visent à garantir une plus grande transparence, en renforçant notamment le contrôle des frais de mandat.
L’indemnité parlementaire
La nécessité de rémunérer les parlementaires sous forme d’indemnité répond à deux enjeux : il s’agit, d’une part, de diversifier la sociologie de la représentation nationale en permettant à tous les citoyens, quels que soient leurs revenus, d’accéder au mandat parlementaire ; et d’autre part, de garantir l’autonomie et l’indépendance des députés.
Aujourd’hui, l’indemnité parlementaire s’élève à 7 239,91 euros brut. Elle comprend l’indemnité parlementaire de base (72 %) ; l’indemnité de résidence (3 %) et l’indemnité de fonction (25 %).
Des indemnités destinées aux dépenses matérielles et aux ressources humaines
Les parlementaires disposent d’une enveloppe pour la rémunération de leurs collaborateurs : elle est de 8 402,85 euros brut au Sénat et de 10 851 euros à l’Assemblée nationale.
Les députés bénéficient d’une dotation matérielle à hauteur de 18 950 euros par an, pour leurs dépenses, sur justificatif, de taxis, d’abonnements téléphoniques et d’affranchissement de courrier. Un second budget est prévu pour les dépenses informatiques par législature : pour un député nouvellement élu, la dotation s’élève à 15 500 euros, contre 13 000 pour un député réélu.
L’avance des frais de mandat (AFM)
Depuis les lois « confiance » de 2017, l’avance des frais de mandat (AFM) remplace l’indemnité représentative de frais de mandat (IRFM). Elle couvre les frais des sénateurs et des députés liés à l’exercice de leur mandat. Auparavant, l’IRFM reposait sur un principe forfaitaire. Cette indemnité mensuelle, qui s’élevait à 6 109,89 euros net pour les sénateurs, s’élève aujourd’hui à 5 900 euros net et à 5 372,80 euros pour les députés.
Par ailleurs, les parlementaires sont autorisés à dépenser un certain montant sans justificatif : 885 euros au Sénat et 600 euros à l’Assemblée nationale.
Quelles sont les modalités de contrôle prévues pour les dépenses imputées à l’AFM ?
Depuis le 1er janvier 2018, le remboursement des frais non pris en charge par les assemblées se fait sur justificatifs a posteriori ou par le versement d’une avance. Par ailleurs, les modalités de contrôle du déontologue, la liste des frais éligibles et leurs plafonds relèvent des règlements des assemblées. Ainsi le Sénat et l’Assemblée nationale ont-ils opté pour un contrôle annuel par échantillon (tirage au sort) organisé de telle sorte que chaque parlementaire est contrôlé au moins une fois au cours de son mandat.
Pour assurer cette mission de contrôle, les sénateurs ont opté pour un comité de déontologie composé de sénateurs et assisté d’un « tiers de confiance » désigné par le Conseil supérieur de l’Ordre des comptables et la Compagnie nationale des commissaires aux comptes. Les députés ont quant à eux mandaté le déontologue de l’Assemblée nationale.
En cas d’irrégularité, le parlementaire rembourse les dépenses « indûment prises en charge ». C’est le cas de Coralie Dubost. Selon France info, en 2018, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a épinglé neuf parlementaires et ex-parlementaires pour « dépenses frauduleuses » imputées à l’indemnité représentative de leurs frais de mandat (ex-AFM) entre 2015 et 2017. Les sommes remboursées au Parlement « ont oscillé entre 6 707 euros et 47 299 euros ».
« Les frais de mandat doivent avoir un caractère raisonnable »
Selon Mediapart, la députée de l’Hérault aurait dépensé 8 400 euros en trois mois sur des sites de vente en ligne ou pour des marques de prêt-à-porter haut de gamme. Révisé en 2018, l’arrêté du Bureau de l’Assemblée nationale du 29 novembre 2017 reconnaît en effet que, parmi les frais de représentation, les frais liés à la personne comme « les frais vestimentaires et de coiffure nécessités par le mandat » sont imputables sur l’avance mensuelle de frais de mandat. Il est précisé, toutefois, que ces dépenses sont « éligibles au titre des frais de mandat dans la mesure où [elles] sont en lien direct avec le mandat parlementaire du député ou son activité politique ». Les frais vestimentaires sont certes imputables à l’AFM, mais avec une certaine nuance, car le Bureau rappelle bien que « les frais de mandat pris en charge par l’Assemblée nationale doivent avoir un caractère raisonnable ».