Affaire Fillon: trois juges d’instruction désignés pour enquêter

Affaire Fillon: trois juges d’instruction désignés pour enquêter

A huit semaines de la présidentielle, trois juges d'instruction ont été désignés pour enquêter sur les soupçons d'emplois fictifs visant la...
Public Sénat

Par Sophie DEVILLER et Nathalie ALONSO

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A huit semaines de la présidentielle, trois juges d'instruction ont été désignés pour enquêter sur les soupçons d'emplois fictifs visant la famille de François Fillon, une étape qui pourrait encore fragiliser le candidat de la droite après un mois déjà houleux.

Le parquet national financier (PNF) a annoncé dans la soirée avoir ouvert vendredi une information judiciaire pour "détournement de fonds publics, abus de biens sociaux, complicité et recel de ces délits, trafic d'influence et manquements aux obligations de déclaration à la Haute Autorité sur la transparence de la vie publique".

"Nous ne doutons pas qu'à l'issue d'une procédure sereine, avec des juges indépendants, l'innocence de François et Penelope Fillon sera enfin reconnue", ont déclaré leurs avocats dans un communiqué, qui avaient contesté la compétence du PNF dans cette affaire. Selon Mes Antonin Lévy et Pierre Cornut-Gentille, "le PNF confirme, ce faisant, qu'il n'a pas pu démontrer la réalité des infractions poursuivies", alors qu'il aurait pu choisir la voie d'une "citation directe devant le tribunal".

"Donc le PNF n'a pas d'éléments pour une citation directe qui est sa pratique habituelle", souligne aussi un très proche de François Fillon, le sénateur Bruno Retailleau.

Les trois magistrats instructeurs désignés ont désormais la possibilité de convoquer le candidat à l'Elysée à tout moment en vue d'une éventuelle mise en examen ou d'un placement sous le statut intermédiaire de témoin assisté. Mais le calendrier, extrêmement serré, rend peu probable une telle hypothèse avant le scrutin.

Affaire Fillon: des juges d'instruction vont enquêter
Dates clés de la carrière politique de François Fillon et chronologie de l'enquête qui le vise depuis les révélations du Canard enchaîné.
AFP

En meeting à Maisons-Alfort, dans la banlieue parisienne, l'ex-Premier ministre n'a pas réagi dans l'immédiat à ce rebondissement.

Fragilisé par cette affaire qui, depuis les premières révélations du Canard enchaîné il y a un mois, l'a fait reculer dans les sondages pour le premier tour du scrutin, parfois à la troisième place derrière Marine Le Pen et Emmanuel Macron, François Fillon avait exclu la semaine dernière de se retirer de la course en cas de mise en examen, revenant ainsi sur ses premières déclarations.

"Mon retrait poserait un problème démocratique majeur. La locomotive est lancée, rien ne peut l'arrêter, j'irai jusqu'au bout", avait-il confié, s'en remettant "au seul jugement du suffrage universel".

- Risque de prescription -

Marine Le Pen, elle-même visée par une enquête sur des soupçons d'emplois fictifs d'assistants au Parlement européen, refuse de son côté de se rendre à toute convocation pendant la campagne, "cette période ne permettant ni la neutralité ni la sérénité nécessaire au fonctionnement correct de la justice". Convoquée mercredi par les enquêteurs, la présidente du Front national ne s'est pas déplacée.

François Fillon consulte son smartphone lors d'un meeting à Maisons-Alfort, près de Paris, le 24 janvier 2017
François Fillon consulte son smartphone lors d'un meeting à Maisons-Alfort, près de Paris, le 24 janvier 2017
AFP

Au cœur de l'instruction ouverte vendredi, les postes occupés par Penelope Fillon comme assistante parlementaire de son mari et de son ancien suppléant à l'Assemblée nationale. Pendant environ quinze ans, de 1986 à 2013 avec plusieurs interruptions, la discrète Galloise, sans profession connue, a perçu 680.380 euros net: un salaire "parfaitement justifié" aux yeux de François Fillon.

L'enquête porte également sur les activités de Penelope Fillon à La Revue des deux mondes, pour lesquelles elle a perçu environ 100.000 euros brut entre mai 2012 et décembre 2013 et dont le propriétaire, l'homme d'affaires Marc Ladreit de Lacharrière, est un proche du candidat.

Autre sujet d'investigations, les emplois d'assistants parlementaires de deux enfants du couple auprès de leur père, alors sénateur, de 2005 à 2007.

Dans la foulée des premières révélations du "Canard", le PNF avait ouvert le 25 janvier une enquête préliminaire. Après avoir reçu un premier rapport des policiers de l'office anticorruption, le procureur financier, Eliane Houlette, avait exclu le 16 février "en l'état" tout classement sans suite.

En un mois, les enquêteurs ont enchaîné les auditions des protagonistes de l'affaire, notamment les époux Fillon et leurs deux enfants, plusieurs anciens collaborateurs du député ainsi que Marc Ladreit de Lacharrière. Une perquisition a été menée à l'Assemblée nationale et le Sénat a transmis des documents.

L'ouverture de l'information judiciaire intervient alors que la loi sur la réforme de la prescription, adoptée le 16 février, doit entrer en vigueur la semaine prochaine. Cette loi faisait courir un risque de prescription sur certains des faits. C'est pourquoi le PNF justifie l'ouverture de l'instruction par "l'exigence de la mise en oeuvre de l'action publique", c'est-à-dire notamment d'ouvrir une information judiciaire.

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