Affaire Pegasus : « Il faut demander des comptes aux pays qui ont acquis ce logiciel », presse André Vallini
Les nouvelles révélations sur la présence du président de la République et de plusieurs ministres sur le listing marocain du système Pegasus alarme le Sénat. Une partie des sénateurs réclament d’ores et déjà un encadrement au niveau international.
Par Public Sénat
Temps de lecture :
5 min
Publié le
Mis à jour le
Révélations après révélations, l’affaire Pegasus met au jour un système d’espionnage d’ampleur inédite. Les numéros d’Emmanuel Macron, de son Premier ministre de l’époque, Édouard Philippe, et de plusieurs ministres figurent sur la liste des cibles potentielles du logiciel espion utilisé par le Maroc. Les nouvelles révélations du consortium de médias, parmi lesquels Le Monde et Radio France mardi 21 juillet, sont abyssales.
Ce week-end, les premières publications du consortium dévoilaient l’utilisation de ce logiciel espion, particulièrement puissant, capable de s’infiltrer dans les téléphones portables et d’accéder à toutes les données (messages, photos, mails…) y compris celles contenues dans les messageries cryptées telles que Signal, WhatsApp ou celle privilégiée par la macronie : Telegram.
Ce logiciel espion vendu par la société israélienne NSO Group aux seuls Etats, et initialement destiné à la lutte contre le terrorisme et le grand banditisme, a été utilisé à des fins d’espionnage contre des journalistes, des défenseurs des droits de l’homme, des opposants ou des politiques. Le Maroc n’est pas le seul pays concerné, l’enquête du consortium international, accompagné par le Security Lab d’Amnesty International, pointe également les méthodes similaires de la Hongrie, du Mexique ou encore de l’Arabie Saoudite.
« Les faits qui font l’objet de publications régulières de la presse française et de la presse internationale, et ce n’est pas fini, s’ils sont avérés, sont effectivement d’une extrême gravité », a réaffirmé le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, lors des questions d’actualité au gouvernement, ce mercredi. « Nous avons ordonné des investigations sur leur matérialité […] lorsque nous aurons toute la clarté le gouvernement s’exprimera devant la représentation nationale », a assuré le ministre (voir la vidéo ci-dessus). « Il serait irresponsable de dire des choses tant que nous ne savons pas précisément ce qu’il en est », affirmait plus tôt sur TF1, le Premier ministre.
Pour l’heure de nombreuses interrogations restent en suspens. Le téléphone portable du président de la République a-t-il simplement été ciblé ou son téléphone a-t-il été infecté par le logiciel espion ? Comme l’explique Le Monde, un téléphone peut très bien être ciblé, et contenir des traces d’une étape préliminaire à une attaque de Pegasus, sans pour autant être infiltré, ce qui induit là un vol de données. Autre élément troublant qui pourrait influer sur les suites diplomatiques données à ces révélations : le numéro du roi du Maroc, lui-même, figure sur le listing marocain du système Pegasus.
Vice-président de la délégation parlementaire au renseignement, Yannick Vaugrenard (PS), pose la question du rôle des services de renseignements français. Hasard du calendrier, la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, dont il est également membre, auditionnera le directeur général de la DGSE demain : « Ce sera l’occasion de lui demander comment se fait-il que nos propres services de renseignements n’aient pas été informés de cela ? Est-ce qu’il y a des technologies qui permettent d’empêcher cela ? » (voir la vidéo ci-dessus).
Lors des questions d’actualité au gouvernement, le sénateur communiste, Pierre Ouzoulias, pointait, lui, le rôle de la société israélienne : « Sur le théâtre des opérations de la guerre numérique, la société NSO agit comme un mercenaire du piratage. Elle achète sur un marché international des failles de sécurité qui peuvent vendre plus d’un million de dollars ». Pour lui, ce scandale doit conduire à l’instauration « d’un traité international de non-prolifération de l’espionnage de masse pour protéger nos démocraties et nos libertés individuelles ».
Une position rejointe par le socialiste David Assouline qui plaide pour l’interdiction de ce type de logiciel : « Il faut des règles internationales très fortes, très strictes ». « C’est une affaire extrêmement grave pour la démocratie et les libertés individuelles. Il faut prendre tout cela très au sérieux, l’ampleur de cette affaire dépasse toutes les limites », presse le sénateur de Paris. Pour André Vallini (PS), « il va falloir demander des comptes à tous les pays qui ont acquis ce logiciel Pegasus et aussi à Israël qui a permis la fabrication de ce système ».
Ces révélations vont certainement influer sur les relations entre les différents Etats concernés. Le président du groupe d’amitié France-Maroc, Christian Cambon, affirmait toutefois à Publicsenat.fr hier qu’il fallait rester prudent. Le président de la commission des Affaires étrangères assure avoir contacté l’ambassade du Maroc en France qui soutient que le royaume chérifien n’a jamais disposé d’un tel système d’espionnage et nie tout lien avec la société NSO. « Ils ont avancé que, déjà mis en cause en 2019 pour des faits similaires, ils avaient mis en demeure les journalistes d’apporter des preuves, ce qu’ils n’ont jamais eu », rapporte Christian Cambon. Une chose est sûre cependant : l’affaire Pegasus n’a pas fini de faire parler d’elle.
En mobilisant ses troupes ce week-end, le candidat à la présidentielle rappelle qu’il est déjà tourné vers 2027, tout en marquant sa différence, quitte à sérieusement prendre ses distances avec François Bayrou. Un tour de chauffe à destination aussi des militants.
A quelques jours du verdict dans l’affaire des assistants parlementaires du RN, le Conseil constitutionnel se prononce sur une question prioritaire de constitutionnalité en lien avec les peines d’inéligibilité. Si la décision pourrait influencer les magistrats, le lien avec l’affaire concernant Marine Le Pen n’est pas évident.
Invitée de la matinale de Public Sénat, la secrétaire nationale des écologistes, Marine Tondelier revient sur les moyens de financer une augmentation du budget de la défense. Cette dernière plaide pour un recours à l’impôt plutôt qu’à une réduction des dépenses sociales.
Alors que la droite et Renaissance n’ont pas officiellement désigné de prétendant à la mairie de Paris, le sénateur LR de Paris Francis Szpiner a déclaré sa candidature ce jeudi. Incertains sur le cas Rachida Dati, sur les relations avec le camp présidentiel et même sur le mode de scrutin, la droite parisienne temporise à un an du scrutin.