Affaires des assistants: le MoDem tremble, Bayrou vacille, la majorité s’interroge
La convocation devant la justice de François Bayrou dans l'affaire des emplois présumés fictifs du MoDem fragilise le dirigeant centriste, et...
Par Paul AUBRIAT
Temps de lecture :
4 min
Publié le
Mis à jour le
La convocation devant la justice de François Bayrou dans l'affaire des emplois présumés fictifs du MoDem fragilise le dirigeant centriste, et complique la position de son parti au sein de la majorité.
Le maire de Pau risque de se voir mis en examen vendredi -comme l'a été l'ex-eurodéputée MoDem Sylvie Goulard lundi- lors de son audition par un juge d'instruction dans l'affaire des assistants des eurodéputés MoDem.
Face à cette éventualité, celui qui avait fait de la droiture un axiome politique en est réduit à tenter de relativiser, répétant qu'"aujourd'hui, tout le monde ou à peu près est mis en examen dans la vie politique française: Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon, Nicolas Sarkozy...".
Après l'ouverture d'une enquête préliminaire en juin 2017 qui avait contraint M. Bayrou à démissionner du gouvernement, en même temps que Marielle de Sarnez et Sylvie Goulard, l'affaire avait semblé en sommeil.
"Pendant cette période, on nous a sans cesse répété que le non-lieu était imminent...", rappelle l'entourage de François Bayrou. Et personne dans la majorité présidentielle n'avait jusqu'alors élevé cette affaire au rang de problème politique.
L'affaire est revenue spectaculairement dans la lumière lorsque la France a proposé fin août Sylvie Goulard au poste de commissaire européen. D'autant que Mme Goulard a entre temps annoncé avoir remboursé au Parlement européen les salaires d'un de ses assistants lorsqu'elle était eurodéputée - d'aucuns y ont vu l'aveu d'un emploi fictif.
L'ex-eurodéputée MoDem Sylvie Goulard, le 10 octobre 2019 à Bruxelles
AFP/Archives
"Vu comment toute la macronie a défendu Goulard cet été, ils vont avoir un peu de mal à nous rentrer dedans maintenant", prévient un haut cadre du MoDem.
Depuis plus d'une semaine, c'est une quinzaine de cadres, élus ou anciens élus MoDem qui ont été mis en examen par les juges, dont l'ex-garde des Sceaux Michel Mercier, avant celles - vraisemblables - de Marielle de Sarnez et François Bayrou, soit une part conséquente de l'équipe dirigeante du parti.
- "Nécessairement affaibli" -
Par ricochet, l'équilibre de la majorité présidentielle pourrait être remis en question, alors qu'à mi-mandat, les relations entre LREM et les troupes bayrouistes demeurent contrastées, voire conflictuelles s'agissant de la campagne des municipales.
"Avec cette mise en examen de Bayrou, le MoDem va être nécessairement affaibli", prédit un cacique de La République en marche, "parce que c'était la parole tonitruante de Bayrou qui leur permettait de cranter (imprimer leur marque, ndlr), et personne d'autre ne peut tenir ce rôle".
"Or, Bayrou ne va plus pouvoir aller au journal de 20H00 comme il le souhaite, de même que la portée de sa parole va décliner", poursuit-il.
Dans la jeune garde des parlementaires MoDem, arrivée au parti après les affaires supposées, on observe d'ailleurs que "les lieutenants de La République en marche essaient depuis quelques jours de faire bouger les lignes: ils nous appellent, avec des attentions comme ils n'en ont jamais eues, ils nous proposent des déjeuners..."
De quoi faire trébucher le patron du MoDem, tout-puissant chez lui? "On a vu chez nous des petits mouvement s'agiter il y a environ un mois, mais ça n'a pas duré", confie un député du parti centriste, alors que certains appellent le patron des députés MoDem Patrick Mignola ou le ministre des Relations avec le Parlement Marc Fesneau à prendre les devants. Pour l'instant en vain.
Car François Bayrou garde dans sa main un atout majeur: sa relation privilégiée avec le président Emmanuel Macron. Ce dernier pourrait d'ailleurs renouveler sa confiance au Béarnais en se rendant à Pau à l'occasion de l'inauguration d'une ligne de bus à l'hydrogène.
"Cette proximité va être amenée à se distendre", pronostique toutefois un dirigeant de LREM. Un très proche du chef de l'État nuance: "Bayrou a plus de notoriété que n'importe qui de chez nous, on doit donc encore bien le traiter. Après, on verra comment le MoDem s'intègrera à la dynamique de 2022..."
Les responsables du parti de droite se sont réunis ce jeudi matin. Ils ont décidé que les adhérents LR éliront leur nouveau président d’ici trois mois, alors que Bruno Retailleau défendait un calendrier plus serré, sur fond de guerre de chefs avec Laurent Wauquiez.
Invitée de la matinale de Public Sénat, la porte-parole du gouvernement Sophie Primas se déclare en faveur de la candidature du ministre de l’Intérieur à la présidence du parti Les Républicains. Bruno Retailleau « veut porter une espérance pour la droite », et aujourd’hui au gouvernement, il en a « la légitimité », estime-t-elle.
Le ministre de l’Intérieur est officiellement candidat à la présidence des LR. Il peut compter sur « une très large adhésion majoritaire du groupe LR », selon le sénateur Marc-Philippe Daubresse. Mais les soutiens de Laurent Wauquiez, comme le sénateur Laurent Duplomb, l’accusent de relancer une « dramatique guerre des chefs ». L’enjeu pour Bruno Retailleau est maintenant d’obtenir un congrès au plus vite, car « les sondages, ça va, ça vient »…
Le sénateur socialiste des Landes met en cause le manque d’expertise de l’ancien président de la République sur le terrain du droit. « Emmanuel Macron est spécialiste des erreurs institutionnelles », ajoute-t-il.