Agacée ou embarrassée, la majorité encalminée dans l’affaire Rugy

Agacée ou embarrassée, la majorité encalminée dans l’affaire Rugy

Entre soutien du bout des lèvres, agacement et embarras, l'exécutif et la majorité peinent à défendre les dîners dispendieux du...
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Par Charlotte HILL, Jérémy MAROT

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Entre soutien du bout des lèvres, agacement et embarras, l'exécutif et la majorité peinent à défendre les dîners dispendieux du ministre François de Rugy lorsqu'il était président de l'Assemblée, alors même que la page des "gilets jaunes" semble se refermer.

Un troisième été chaud se profile-t-il pour la majorité ? Après la polémique liée à la baisse des APL en juillet 2017, l'affaire Benalla en juillet 2018, voilà que les dépenses de bouche de François de Rugy révélées par Mediapart font grimper un mercure tout juste retombé après six mois de crise sociale.

Officiellement, l'exécutif fait bloc derrière le ministre de la Transition écologique, qui a reçu mercredi la confiance renouvelée d'Emmanuel Macron et Edouard Philippe. Sa convocation à Matignon jeudi après-midi a alimenté les spéculations autour d'une démission, mais le ministre en est ressorti en formulant la promesse de "rembourser chaque euro contesté", si les "vérifications" laissaient planer "la moindre ambiguïté".

Son amie, la députée Barbara Pompili (LREM) a estimé que M. de Rugy "était sincère dans ce qu'il a fait" mais n'a "pas suffisamment fait la part des choses" lorsqu'il organisait des dîners fastueux en tant que président de l'Assemblée nationale.

"Je pense qu'il pensait vraiment que c'était dans le cadre de ses fonctions", a défendu l'ancienne ministre, quand le président de la Commission des affaires économiques à l'Assemblée Roland Lescure a martelé: "Que le chef de l'Assemblée reçoive des intellectuels à sa table, cela ne me choque pas".

Mais en coulisses, ministres et parlementaires conviennent de l'effet pour le moins négatif des photos montrant homards et grands crus dressés sous les ors de l'hôtel de Lassay, lors d'une dizaine de "dîners informels", selon M. de Rugy. Organisés entre octobre 2017 et juin 2018, ils mobilisaient à chaque fois le personnel de la résidence du président de l'Assemblée.

"Franchement, ce n'est pas bien méchant", soupire un ministre. "Mais dans l'opinion, ça ne tient pas 5 secondes. Les gens se disent: il se gave aux frais de la République", ajoute-t-il.

"Ça met une pelletée de terre sur la confiance" portée aux élus, déplore ce même membre du gouvernement. "C'est agaçant car on avait retissé quelque chose" après le grand débat, poursuit-il.

Un pilier de la majorité souffle de son côté: "C'est la connerie du pouvoir à la française, c'est comme cela que ça marche, c'est stupide". "L'hubris est un alcool fort", grince encore ce proche du chef de l'Etat.

- "Dans le pot de confiture" -

A l'Assemblée, un député LREM constate: les marcheurs "ne veulent ni enfoncer ni soutenir. Ils laissent faire". Tout en confiant son désarroi: "Comment un garçon intelligent et expérimenté a pu faire ces erreurs", se retrouver pris "la main dans le pot de confiture", s'interroge-t-il.

Les parlementaires "ont très mal vécu les épisodes de moralisation, ils vivent assez mal le flicage, surtout qu'ils ont la sensation d'être transparents", décrypte un ministre en référence aux lois de 2017 qui visaient à assainir la vie politique.

De plus, François de Rugy, qui avait initialement participé comme candidat écologiste à la primaire de la gauche en vue de l'élection présidentielle, ne fait pas partie des marcheurs pur sucre et à ce titre dispose de peu d'appuis solides, que ce soit dans la garde rapprochée du chef de l'Etat comme à l'Assemblée.

Un cadre du groupe au Palais-Bourbon, qui juge M. de Rugy "pas au niveau" et l'exhorte à "en tirer les conséquences", abonde: "Il n’y a pas de solidarité incroyable vis-à-vis de Rugy… Il n’y a pas de lien fraternel, et ce depuis le début".

En ce sens, le patron de La République en marche Stanislas Guerini s'est montré fort prudent jeudi en appelant, au nom de "la transparence" et de "la bonne manière de faire", la déontologue de l'Assemblée nationale à "regarder les choses".

Une manière de rappeler que la vague qui a porté les marcheurs au pouvoir reposait aussi sur la promesse de renouveler les usages de la politique, sans compromission.

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