Agacée par la méthode de Sébastien Lecornu, la droite sénatoriale promet un budget « sans compromis, mais de clarification »
La droite sénatoriale s'inquiète des reculs successifs du gouvernement sur les positions financières et économiques qu'elle défend, dans le cadre des débats budgétaires à l’Assemblée nationale. Ces inflexions, mais aussi la méthode du Premier ministre, mettent en lumière une fissure grandissante entre la majorité sénatoriale et l'exécutif.
Vus du Palais du Luxembourg, les débats budgétaires qui agitent l’Assemblée nationale, où se poursuit l’examen de la partie « recettes » du projet de loi de finances pour 2026, ont de quoi donner le tournis. La valse des taxes inquiète la majorité sénatoriale de droite et du centre, soucieuse de limiter les augmentations d’impôts dans un contexte de forte disette budgétaire, souvent propice aux hausses en tout genre. Ce week-end, dans un entretien au Parisien, le président Gérard Larcher a haussé le ton, reprochant au Premier ministre Sébastien Lecornu de regarder un peu trop « du côté des socialistes ». En privé, le second personnage de l’Etat s’était déjà ému du calendrier budgétaire proposé par le gouvernement, laissant selon lui trop peu de temps pour les travaux préparatoires en commission. Une mauvaise manière faite à la Chambre haute.
Samedi, dans les colonnes du quotidien francilien, le Rambolitain a prévenu : « Le Sénat rétablira la réforme des retraites » si l’Assemblée vient à valider la suspension promise par l’exécutif. Et tant pis si cette suspension, réclamée à cor et à cri par les socialistes, est au cœur de l’équilibre précaire trouvé par Sébastien Lecornu pour éviter une censure.
« Nous sommes assez sidérés de voir l’anarchie qui règne. Débat après débat, le Premier ministre recule sur toutes les positions qui ont été les nôtres », déplore auprès de Public Sénat Marc-Philippe Daubresse, sénateur LR du Nord. « Je vois bien que le gouvernement fait ce qu’il peut pour ne pas avoir d’ennuis avec le groupe socialiste, mais il ne peut pas non plus braquer complètement les Républicains ou le bloc central », observe le sénateur LR Roger Karoutchi, ancien ministre des Relations avec le Parlement. « Donc oui, Lecornu est devenu un équilibriste sur un fil tendu, mais on sent bien que ça peut tomber d’un côté ou de l’autre. »
« Les socialistes font sauter le gouvernement à la corde à sauter »
Les quelques victoires obtenues à ce stade par les députés de Laurent Wauquiez, avec lesquels les relations restent compliquées au Sénat, apparaissent bien maigres : rejet du gel du barème de l’impôt sur le revenu, rétablissement de l’abattement de 10 % sur les pensions de retraite, défiscalisation des heures supplémentaires… « Bien sûr, nous écoutons et nous travaillons avec les collègues de la Droite républicaine à l’Assemblée nationale. Mais il est essentiel, dans cette période où les Français nous questionnent quotidiennement, nous regardent, d’avoir à la fois de la constance et de la cohérence dans le propos », explique Mathieu Darnaud, le président du groupe LR au Sénat.
« Quand Retailleau a dit qu’il ne participerait plus, je l’avais averti : ‘Les socialistes ne parlent que des retraites, mais si ça marche, ils vont faire sauter le gouvernement à la corde à sauter…’ Et c’est ce qui arrive », constate un proche du Vendéen. Est-ce à dire que les LR auraient dû maintenir leur participation au gouvernement pour limiter la casse ? « On ne participe pas au gouvernement pour y participer. On y participe parce qu’on est en accord avec les choix faits. Le choix sur la réforme des retraites est orthogonal, à l’opposé de ce que nous pensons. Nous avons défendu cette réforme des retraites. Nous n’irons pas au gouvernement servir une politique qui ne nous convient pas », répond le sénateur LR Max Brisson. « Cela dit, nous ne sommes pas dans l’opposition systématique », ajoute-t-il. Mais cette ligne risque d’être de plus en plus difficile à tenir, surtout à l’approche de la présidentielle.
« Le Sénat est maltraité, clairement ! »
Ce mardi, Bruno Retailleau, le président des Républicains, a assisté à la réunion de groupe hebdomadaire des sénateurs LR, largement consacrée au budget. Il y a été applaudi à plusieurs reprises. S’il ne retrouvera pas son siège de sénateur avant le 12 novembre, suivant le délai de réserve imposé depuis la fin de ses fonctions ministérielles, c’est avec sa casquette de chef de parti qu’il s’est adressé à ses anciens collègues. Initialement, il était attendu à l’Assemblée nationale, auprès des troupes de Laurent Wauquiez. Mais la visite de Sébastien Lecornu aux députés de la Droite républicaine l’a poussé à reporter sa venue. « Je voyais mal Sébastien Lecornu et le patron de LR arriver main dans la main devant les députés », raille un parlementaire. Selon des propos rapportés, le locataire de Matignon a enjoint ses anciens partenaires du « socle commun » à ne pas être « source de désordre ». Les marques de considération du Premier ministre en disent long sur l’importance retrouvée des députés.
« Le Sénat est maltraité, clairement ! », se désole le sénateur Marc-Philippe Daubresse. « Imaginez-vous que le nouveau ministre des Relations avec le Parlement n’a toujours pas pris contact avec notre président de groupe, à quelques semaines d’un exercice de haute volée budgétaire. Le gouvernement agit comme si l’étape sénatoriale n’existait pas ». Les présidents de groupe de la majorité sénatoriale ont bien été reçus lundi à Matignon, mais ils n’ont guère été convaincus par leurs échanges avec le chef de gouvernement.
« Le Premier ministre a sa méthode. Elle indique clairement qu’il ne veut pas discuter de la même manière avec tous les groupes politiques. En conséquence, les votes du Sénat sur les textes budgétaires ne seront certainement pas des votes de compromis, mais des votes de clarification. C’est en ce sens que Bruno Retailleau s’est adressé aux sénateurs ce mardi », rapporte un élu LR. « Nous aurons une copie budgétaire qui mettra en exergue des mesures fortes, justement sur le plan économique, sur le plan fiscal », abonde Mathieu Darnaud.
Ces dernières semaines, la majorité sénatoriale a vu son pouvoir d’influence largement décroître auprès de l’exécutif. Si Michel Barnier et François Bayrou s’étaient appuyés sur le Sénat, pôle de stabilité, pour rédiger la copie budgétaire, Sébastien Lecornu, en s’engageant à renoncer au 49-3, a automatiquement replacé le curseur décisionnel en direction du Palais Bourbon. « Je ne suis pas un fanatique du 49-3, mais là, ne pas avoir du tout la possibilité de l’appliquer, c’est se soumettre à tous les vents de l’Assemblée nationale, ça c’est clair », regrette Roger Karoutchi. « Le Sénat a besoin d’être traité », reconnaît une ministre. Avant de nuancer : « Quand on dit que les sénateurs sont chafouins, ça n’est pas dû à ce que le gouvernement ne fait pas, mais aussi à la vie interne des groupes politiques. Aujourd’hui les groupes sont en transition. C’est difficile chez les socialistes et chez les LR. »
« Bruno Retailleau va faire du Chirac »
Une partie de la droite apparaît travaillée par une forme de vague à l’âme à présent qu’elle n’est plus aux affaires. Il y a un an, en faisant le choix d’entrer au gouvernement aux côtés des macronistes, Les Républicains ont connu un regain de dynamisme après une période de déclin marquée par toute une série de revers électoraux. Ce nouvel élan s’est largement construit autour de Bruno Retailleau. Aujourd’hui privé de son portefeuille ministériel, le Vendéen doit continuer d’exister face aux appétits présidentiels qui s’aiguisent dans sa famille politique, notamment ceux de Laurent Wauquiez et Xavier Bertrand.
« Si Bruno Retailleau a eu un moment de rencontre avec les Français – qui de mon point de vue n’est pas terminé -, c’est qu’il a défini ce que doit être la droite, ce qui la différencie de la gauche et du Rassemblement national », salue Max Brisson. Le patron des LR, relativement discret dans les médias depuis son départ du ministère de l’Intérieur, doit entamer cette semaine un tour de France. « Il va faire du Chirac », résume Roger Karoutchi. « C’est-à-dire qu’il va éviter d’avoir trop de prises de position nationale, ce qui peut fatiguer nos concitoyens. Il va aller au contact direct des gens, de vraies rencontres avec les acteurs économiques, avec la population, et pas seulement les forces politiques », détaille l’élu des Hauts-de-Seine. « Et on verra bien, dans quelques mois, où l’on en est. À l’allure où ça va, il faudra bien un candidat qui soit prêt pour être au deuxième tour de la présidentielle, et ce n’est pas gagné. »
Auditionnée au Sénat, la ministre de la Culture a défendu un budget en recul de plus de 200 millions d’euros devant les sénateurs. La protection du patrimoine, le soutien à la création artistique, le périmètre du pass culture ou encore le financement de l’audiovisuel public ont animé les échanges.
Les LR et Renaissance se divisent pour les municipales à Paris. Le parti de Gabriel Attal officialise son soutien à Pierre-Yves Bournazel, cadre du parti d’Edouard Philippe, au détriment de la candidature de Rachida Dati. Le sujet divise à Renaissance et le responsable du parti dans la capitale, Sylvain Maillard, qui soutient la ministre, se met en retrait de ses fonctions. Explications sur une décision qui rebat les cartes du scrutin.
À quelques jours d’un vote décisif à l’Assemblée nationale, la taxe Zucman s’impose comme le nouveau champ de bataille budgétaire entre la gauche et un exécutif déjà fragilisé. Même allégée par les socialistes, cette mesure symbolique de justice fiscale reste rejetée par le gouvernement, qui s’y oppose « pour rien au monde ».
Le ministre des Relations avec le Parlement, Laurent Panifous, annonce l’inscription de la proposition de loi sur la fin de vie en « février », pour sa seconde lecture, à l’Assemblée. Un retour devant les députés « sous réserve de son examen préalable au Sénat », qui devrait se faire en janvier.
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