Il y a quelques jours, l’annonce par Amélie de Montchalin d’un objectif de réduction de 2 à 3 milliards d’économies avait laissé la commission d’enquête du Sénat sur les agences de l’Etat, dubitative « J’aurais été incapable de donner un tel chiffre. Au sein de la commission, nous avons des idées sur des choses qui font doublons. Mais nous ne sommes pas certains d’arriver à un milliard d’économies », avait déclaré la rapporteure LR Christine Lavarde, à Public Sénat (voir notre article). Auditionné ce mercredi, Laurent Marcangeli s’est refusé, contrairement à sa collègue des Comptes publics, à donner un objectif cible de réduction des dépenses au terme du processus en cours de « simplification » au sein des agences de l’Etat.
« Je ne veux pas me lancer dans la définition d’un objectif comptable chiffré ou y aller au doigt mouillé, ça ne serait pas responsable », a déclaré le ministre de l’Action publique, de la Fonction publique et de la Simplification devant la commission d’enquête sénatoriale. De même, le ministre s’est refusé tout au long de l’audition à nommer quelque agence de l’Etat que ce soit, pour éviter « la formation d’anticorps » au sein de ces opérateurs, qui pourraient ensuite entraver les projets du gouvernement. Pour rappel, le Sénat avait voté la suppression de l’Agence Bio, de l’Agence pour la transition écologique (Ademe), de l’Office français de biodiversité (OFB) et de la Commission nationale du débat public (CNDP) lors de l’examen du budget cet hiver, avant que le gouvernement ne les réintroduise après l’utilisation du 49-3.
Sur ce plan, Laurent Marcangeli a tout de même annoncé la fusion des cinq Instituts régionaux d’administration (IRA) en une entité. « Vous vous attaquez à un sujet facile », a réagi Christine Lavarde. « Pour gravir une montagne, il faut bien commencer par le sol », s’est défendu l’ancien député de Corse-du-Sud.
Des plans ministériels rendus mi-juin
Ce que le ministre a bien voulu détailler, en revanche, c’est la méthode avec laquelle procédaient ses services pour classer les quelque 103 agences, 434 opérateurs et 317 organismes – selon les décomptes du Sénat – en trois catégories : les opérateurs performants, redondants et ceux qui ont été externalisés pour « contourner certaines rigidités. » « Les opérateurs performants sont ceux qui remplissent leurs missions et apportent une valeur ajoutée à la fonction publique. Les opérateurs redondants peuvent avoir des compétences qui se recoupent et donner lieu à des fusions ou à des rapprochements quand cela peut avoir du sens. Enfin il y a des opérateurs qui ont été externalisés pour l’agilité de l’action publique, ce qui pose la question d’une éventuelle réinternalisation et d’une prise de contrôle politique », a-t-il développé.
Mené notamment par la Direction interministérielle de la Transformation publique (DITP) et décliné sous la forme de plans ministériels soumis à arbitrage du Premier ministre, ce travail devrait être finalisé « à la mi-juin », a annoncé Laurent Marcangeli. Il sera combiné au rapport de la commission d’enquête sénatoriale qui devrait être rendu au même moment afin de structurer le plan du gouvernement en la matière. « Le gouvernement est toujours enclin à pouvoir donner la main aux parlementaires et il ne me paraît pas infondé que ce soit une PPL [proposition de loi, ndlr] et pas un projet de loi du gouvernement qui donne le ‘la’ et permette d’avancer sur ce sujet en coconstruction », a même offert Laurent Marcangeli, louant le travail de la commission d’enquête.
Le mystère des agents publics « perdus »
Si sur la forme et la suite du processus parlementaire, Laurent Marcangeli s’est montré tout à fait à l’écoute de la représentation nationale, le ministre de la Fonction publique a parfois eu plus de mal à dessiner des axes d’action sur le fond du sujet. L’exercice de répondre à une commission d’enquête alors que le travail de ses services est en cours sur un sujet aussi épineux était peut-être périlleux.
Toujours est-il que sur la question des disparités de rémunération entre certaines agences de l’Etat et les administrations centrales, Laurent Marcangeli a seulement mis en avant une amélioration des mécanismes de contrôle de l’Etat. Si le ministre a admis que « des dérives existent », il n’a pas clairement statué sur la nécessité pour certaines agences d’utiliser leurs grilles de rémunération plus souples pour attirer certains profils. « Vous avez l’air de pencher vers le fait qu’il y ait un écart entre les opérateurs et l’Etat et son administration sur ce point. Cela peut expliquer l’attachement de certains aux structures de ce type », a conclu Christine Lavarde.
Le ministre a aussi défendu la création d’une clause d’extinction automatique lors de la création de « comités consultatifs », mais « pas pour les opérateurs qui gèrent une politique publique » et qui ont une « action qui s’inscrit dans le temps long. » Une approche au « cas par cas » qui semble pour le moment difficile à appliquer, puisque Christine Lavarde a fait remarquer que la création de l’Établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) destiné à conduire la rénovation de Notre-Dame n’avait pas fait l’objet de création d’une telle clause.
Enfin, interrogé par la rapporteure sur sa capacité, en tant que ministre de la Fonction publique, à dire où se trouvaient l’ensemble des agents publics, Laurent Marcangeli a fait état d’un « nombre suffisamment important pour interpeller le ministre » d’agents publics sans affectation. « Ce n’est pas 200 personnes, pour vous donner un ordre de grandeur », a précisé le ministre, en ciblant des profils de hauts fonctionnaires « qui seraient beaucoup plus utiles avec une affectation. »
La ministre chargée des Comptes publics, Amélie de Montchalin, devrait être auditionnée par la commission d’enquête jeudi 15 mai.