Agences de l’État, qui veut gagner des milliards ?
La ministre des Comptes publics propose de supprimer un tiers des agences de l'État pour faire deux à trois milliards d’économies. Seulement, pour en rayer de la liste, encore faudrait-il savoir combien il en existe…Une commission d'enquête sur les missions des agences de l’État s’est plongée dans cette grande nébuleuse administrative. ARS, France Travail, OFB, CNRS, ADEME, ANCT, des agences, il y en a pour tous et partout ! Mais “faire du ménage” dans ce paysage bureaucratique touffu rapportera-t-il vraiment les milliards annoncés par le gouvernement et tant espérés par la droite ? Immersion dans les coulisses de nos politiques publiques…
D’open space en open space, d’Ivry-sur-Seine à Montreuil, un café à 10h et une imprimante en panne. Le voyage au cœur des agences de l’Etat n’a rien de très exotique. Pourtant, ces structures méconnues ont défrayé la chronique. En Une des journaux, décortiquées sur les plateaux TV, elles suscitent une polémique pour le moins complexe… D’un côté, ceux qui souhaitent y passer un coup de rabot, voire un grand coup de balai, de l’autre les défenseurs de telle ou telle agence, outrés de voir leur structure disparaître ou se fondre dans une autre…
Souvenez-vous, c’était en avril dernier, la ministre des Comptes publics annonçait la suppression d’un tiers des agences de l’Etat sur CNews. Amélie de Montchalin estimait alors les économies à 2 à 3 milliards d’euros grâce à cette opération… qu’elle refusait de présenter comme un coup de “serpette” ou de “tronçonneuse”. Et ce, même devant la commission d’enquête sur les missions des agences et des opérateurs de l’État.
Mais à défaut de sortir la tronçonneuse, la ministre des Comptes publics aurait pu sortir sa calculette. C’est en quelque sorte, le message qu’a souhaité lui faire passer la rapporteure de la commission d’enquête, la sénatrice LR Christine Lavarde.
Un demi-siècle plus tard : quel bilan pour les agences ?
Le paradoxe, c’est qu’à l’origine ces agences devaient simplifier l’action de l’État, et permettre des économies… Les ministères étaient jugés trop lourds, trop lents et inefficaces.. “C’est ce qu’on appelle le new public management, c’est à dire, qu’on a voulu gérer l’État comme on gère une entreprise. Mais le fait est que plusieurs décennies plus tard on se rend compte que ça n’a pas fonctionné”, analyse l’essayiste un philosophe politique, Maroun Edée.
Pendant près de 50 ans, l’État a confié certaines de ses missions à des agences. Et ce, dans une multitude de domaines. Pensez à la santé avec les agences régionales de santé, à l’environnement avec l’Ademe, l’OFB, l’ONF, à l’emploi avec France Travail, France Compétences, et même à l’enseignement car les universités sont aujourd’hui dans ce spectre très vaste des agences et opérateurs de l’État.
Au fil des années, les structures se sont multipliées. “A chaque fois on crée une strate supplémentaire et on rend le paysage encore plus dense et plus complexe”, ajoute le normalien.
La rapporteure ne préconise pas de suppression d’agences mais bien un ré-agencement de cet “archipel aux frontières floues”. Au programme, une liste de fusions et de rapprochements entre agences. Moins de petites entités éclatées, plus d’établissements généraux, et les agences seront bien gardées. Sans surprise, le rapport met l’accent sur un meilleur contrôle de l’administration centrale sur ses agences.
Agriculture bio : une agence sur la sellette ?
Mais cette réorganisation des agences de l’Etat inquiète dans tous les domaines, ANCT, AFPA, Agence bio… Si cette première étape d’enquête parlementaire ne prévoit aucune coupe dans les dépenses publiques, les salariés des agences concernées ne sont pas dupes… Fondre une agence dans une autre, c’est risquer de voir certaines missions disparaître.
Connaissez-vous l’agence bio ? Si vous êtes passés entre les mailles de l’actualité, cette petite agence a pourtant fait parler d’elle ces derniers mois. Cette toute petite structure pourrait être intégrée à une entité bien plus grosse, FranceAgriMer. Cet établissement public administratif pilote toutes les filières agricoles, dont une part du bio.
Pour vous donner un ordre de grandeur, FranceAgriMer c’est 291 millions d’euros de budget en 2024. L’agence bio c’est 3 millions d’euros, c’est -à -dire une goutte d’eau.
Avec ses 25 salariés c’est la structure “étendard” du bio. Elle est pensée pour communiquer sur l’agriculture biologique (et donc inciter le consommateur à acheter bio), produire des études, et distribuer certains fonds (notamment le fonds avenir bio).
J'ai peur qu’on nous enlève un outil qui fonctionne bien
Christian Delon, éleveur.
Cet éleveur aveyronnais, produit des yaourts avec le lait de ses brebis. Lui, qui pendant longtemps vendait le lait de son troupeau à d’autres transformateurs, peut aujourd’hui le valoriser dans son usine, et produire ses propres yaourts. Un aboutissement devenu réalité, grâce à l’un des fonds distribués par l’agence bio : le fonds avenir bio. Alors, quand on lui parle d’intégrer l’agence bio dans Franceagrimer, il s’inquiète.
Y a pas de petites économies !
Les économies sur les budgets de fonctionnement, c’est-à-dire, entre autres, les locaux, le matériel, ne rapporteraient pas grand-chose.
“Oui ce sont de toutes petites économies. Mais il faut bien les faire pour ensuite pouvoir justifier aux citoyens qu’on a été chercher toutes les économies possibles avant de toucher aux crédits d’intervention”, répond la rapporteure.
Par crédits d’intervention, comprenez, dépenses publiques. Derrière un débat technique sur les agences de l’État se cache en réalité un sujet plus vaste sur l’interventionnisme de l’État. “S’interroger sur les agences c’est en fait repenser l’action publique. Et ça, ce sont des choix, qui n’appartiennent pas à la commission d’enquête”, conclut Christine Lavarde, qui n’oublie pas d’ajouter qu’aujourd’hui “on ne peut plus tout financer”, faisant référence aux 40 milliards d’euros nécessaires pour éponger la dette.
Faire moins mais mieux, ou faire moins tout court ?
Dans un contexte pareil, Maroun Eddé s’interroge : “Il faut faire attention à ce débat sur les agences de l’État. Derrière un débat technique on pourrait faire passer un agenda politique. C’est plus facile de supprimer une agence que la politique publique dont elle s’occupe. Mais si on la supprime et que rien ne la remplace alors ça revient au même.”
Car ce n’est pas seulement une réorganisation qui se trame derrière ces coups de projecteurs sur les agences de l’État. Si c’est une première étape, la sénatrice des Hauts de seine est formelle : les économies se chiffrent en millions. Pour atteindre les 2 à 3 milliards d’économies, sur les 77 que représentent le budget des agences, la rapporteure ne voit qu’une solution : réduire les dépenses publiques.
Reste à savoir quand le gouvernement annoncera clairement ces coupes dans les dépenses publiques. A priori le discours du Premier ministre le 15 juillet prochain devrait nous apporter quelques réponses…
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