Agnès Thill, la dissonance anti-PMA chez les macronistes
Farouchement opposée à l'extension de la PMA pour toutes les femmes, la députée Agnès Thill revendique d'être une "voix dissonante" de la...
Par Ludovic LUPPINO
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Farouchement opposée à l'extension de la PMA pour toutes les femmes, la députée Agnès Thill revendique d'être une "voix dissonante" de la majorité, mais ses provocations à répétition risquent de lui coûter l'exclusion de La République en Marche.
Déjà mise en garde, l'élue de l'Oise, 55 ans, est de nouveau convoquée mardi devant la commission des conflits du parti présidentiel, après les protestations de membres du gouvernement, de la majorité parlementaire et d'associations LGBT depuis des mois.
Une interview publiée le 5 juin dans le magazine L'Incorrect, fondé par des personnalités entre droite et extrême droite, a remis le feu aux poudres.
L'ex-directrice d'école y affirme que la future révision des lois de bioéthique, qui prévoit l'ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de lesbiennes et aux femmes seules, "restera dans l'histoire comme celle qui aura évincé les pères de la naissance et de l'éducation des enfants". Ce texte issu d'une promesse présidentielle doit être présenté en conseil des ministres en juillet puis soumis au Parlement fin septembre.
Les propos d'Agnès Thill sont "insupportables" pour le député de Charente-Maritime Raphaël Gérard (LREM) qui, avec Laurence Vanceunebrock-Mialon (LREM, Allier), menace de quitter le parti si elle n'était pas exclue.
Auparavant, un tweet de Mme Thill le 24 avril, visant le secrétaire d'Etat à l'éducation Gabriel Attal, avait déjà été considéré comme un "nouveau dérapage" par des marcheurs. Reprenant un article du magazine Tétu qui faisait part du "coming out médiatique" de ce dernier sur son homosexualité et de "son désir d'enfant", elle avait écrit: "Au moins la couleur est annoncée. #bioéthique en juin".
"Chacun de tes tweets t'éloigne de ce que nous sommes", lui avait répondu le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner.
Les associations Urgence Homophobie et Stop Homophobie avaient demandé "expressément" son expulsion de LREM via une lettre ouverte cosignée par des parlementaires et des personnalités dont l'humoriste Muriel Robin.
Le patron de LREM, Stanislas Guerini, le 10 avril 2019 lors d'un débat sur CNews
AFP/Archives
Le patron de LREM, Stanislas Guerini, avait alors annoncé son intention de saisir à nouveau la commission des conflits de son mouvement, estimant que "par ses propos, (Agnès Thill) ne permet pas de débat apaisé" sur la PMA.
Mais le parti présidentiel avait préféré la reconvoquer après les élections européennes, suscitant impatience et tension chez les marcheurs. L'élu de l'Isère Olivier Veran la surnomme "Agnès Tilt".
"On dépasse les limites de ce qui est acceptable dans un grand parti humaniste, progressiste", renchérit le député du Val-d'Oise Aurélien Taché, en rappelant les précédentes sorties de cette fervente croyante, auteure d'un ouvrage intitulé "Mots de Dieu pour les maux de la vie" (Vie chrétienne, 2015).
- Comparaison avec Zidane -
Souffrance des femmes seules ayant recours à la PMA comparée à celle de "drogués", existence d'un "puissant lobby LGBT" au Palais Bourbon et "absence de genre dans le mot parent" qui "favorise(rait) l'éclosion d'écoles coraniques"... cette femme menue à lunettes, qui a élevé seule sa fille, avait déjà nourri la controverse.
S'estimant discréditée par la majorité, elle s'est comparée plusieurs fois à Zinédine Zidane devant les caméras. "Lorsqu'il a donné son coup de tête (en finale du Mondial 2006), il a eu tort, mais cela faisait une heure et demie qu'on insultait sa famille... Mais cela n'excuse pas son geste".
A l'Assemblée, rares sont ceux à ne pas accabler cette ancienne militante du PS dans les années 80. "Ce n'est pas quelqu'un d'homophobe. Elle est plutôt maladroite et un peu bornée", estime un élu qui la côtoie.
"En quoi suis-je dangereuse sinon à éveiller les esprits et à susciter la réflexion?", disait Agnès Thill dans les couloirs du Palais Bourbon le jour du discours de politique générale d'Edouard Philippe, qu'elle a salué. "Je vais constater si mes collègues sont en cohérence avec leur Premier ministre concernant le respect de la pensée de l'autre".
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