Quelques jours avant l’ouverture du Salon international de l’agriculture qui se tient en ce moment à Paris, la Commission européenne a publié sa vision pour l’agriculture et l’alimentation. Une feuille de route pour préparer l’avenir du secteur et pour répondre à la colère des agriculteurs qui s’exprime depuis un an dans de nombreux pays européens.
Bruxelles semble vouloir rompre avec sa précédente stratégie agricole issue du Pacte Vert de 2019, et baptisée « De la ferme à la fourchette », dont seulement 11 textes législatifs sur 27 ont été appliqués. La Commission européenne ne veut plus conditionner le versement des aides de la Politique agricole commune à des bonnes pratiques agricoles pour la planète, mais seulement inciter les agriculteurs à aller dans ce sens.
Pour l’eurodéputé belge (Renew) et éleveur bovin Benoît Cassart, interrogé dans l’émission Ici l’Europe sur France 24, LCP et Public Sénat, « la précédente stratégie « De la ferme à la fourchette » était centrée sur l’environnement mais ne prenait pas en considération ni la réalité de terrain, ni les objectifs d’autosuffisance alimentaire. Aujourd’hui avec cette nouvelle vision, on a l’espoir d’une politique agricole équilibrée qui remet l’agriculteur au centre du jeu. »
Du côté des Verts du Parlement européen, l’eurodéputée luxembourgeoise Tilly Metz note des points positifs dans cette stratégie agricole, comme « l’objectif très clair de ne pas vendre en dessous du coût de production des agriculteurs » mais relève des paradoxes : « le commissaire européen à l’Agriculture Christophe Hansen dit vouloir préserver la qualité de nos sols et de notre air, mais il n’exprime pas d’ambition pour développer l’agriculture biologique et il semble vouloir aller dans le sens d’une augmentation des exportations de bovins alors que l’élevage bovin est un fort émetteur de gaz à effet de serre. »
Ne plus interdire de pesticides sans alternatives viables
Autre paradoxe que dénonce l’élue écologiste, concernant les pesticides : « Le commissaire promet d’augmenter la part des pesticides biologiques face aux produits chimiques, mais en même temps, elle dit que certains pesticides ne seront pas interdits sans alternative viable pour les agriculteurs. » Une stratégie qui s’inscrit dans la droite ligne de la décision de la Commission européenne, il y a un an en pleine crise agricole, d’abandonner l’objectif de réduire de 50% le recours aux pesticides chimiques d’ici à 2030.
Benoît Cassart rappelle néanmoins que « le recours à ces produits a diminué de 25% en 10 ans » et que « des pesticides dangereux ont été éliminés du marché européen ».
Plutôt que de multiplier les interdictions pour les agriculteurs européens, la Commission a désormais l’objectif que ces substances interdites ne soient pas réintroduites par le biais de produits importés de pays hors de l’UE.
Rassurer les agriculteurs sur la concurrence déloyale malgré l’accord avec le Mercosur
Bruxelles entend mieux lutter contre la concurrence déloyale et pour la réciprocité des normes. Une priorité fixée alors que Bruxelles est très critiquée après qu’Ursula von der Leyen a signé fin 2024 le traité de libre-échange avec les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay et Bolivie), auquel la France s’oppose car elle estime que ce traité va fragiliser nos agriculteurs.
« Nous avons des normes de production qui protègent notre santé et on va faire rentrer une alimentation produite dans d’autres conditions. De plus, on sait très bien que de petites quantités de produits importés peuvent déséquilibrer complètement le marché », s’inquiète Benoît Cassart. « Cet accord est néfaste pour les agriculteurs mais aussi pour l’environnement car on va ainsi contribuer à la déforestation (en Amérique du sud) », ajoute Tilly Metz.
Malgré la signature de la Commission européenne, ce traité de libre-échange avec le Mercosur devra au moins être adopté par le Parlement européen pour être ratifié.