Le rapport d’information du sénateur LR, Laurent Duplomb, président du groupe d’étude agriculture et alimentation, démarre par une bonne nouvelle : « La France est incontestablement une puissance agricole de premier plan, représentant à elle seule près de 17 % de la production européenne ». Mais il s’agirait d’un classement en trompe-l’œil selon les élus de la Haute assemblée. Déjà, parce que si agriculture représente le troisième excédent commercial français après l’aéronautique et les cosmétiques, « sans le vin et les spiritueux, la France aurait un déficit commercial agricole de plus de 6 milliards d’euros » note le rapport.
« La France constatera son premier déficit agricole en 2023 »
Et surtout, comme le rappelle le groupe d’étude, la production agricole française repose « avant tout sur les terres et les hommes ». Deux indicateurs qui sont en chute libre. « L’agriculture et l’alimentation représentaient près de 12 % de l’emploi total en 1980 contre 5,5 % aujourd’hui, la chute étant expliquée essentiellement par le recul de l’emploi agricole, qui pourrait se poursuivre en raison des nombreux départs à la retraite à venir » (environ un tiers des exploitants ont 55 ans ou plus). « D’autre part, la surface agricole dédiée à l’agriculture a chuté en France de 17 % depuis 1961, soit près de 60 000 km², c’est-à-dire l’équivalent de la région Grand-Est » soulignent les élus de la chambre haute. En conséquence, « la France constatera son premier déficit agricole en 2023 » prédisent-ils.
Des importations qui ont doublé en 20 ans
Un recul qui s’explique, selon les sénateurs, par des écarts salariaux entre la France et ses voisins européens. « Le coût horaire français a augmenté de 58 % entre 2000 et 2017, presque deux fois plus rapidement qu’en Allemagne ». Mais aussi par une tendance à la « sur-réglementation qui se manifeste en France par des surtranspositions que ne réalisent pas d’autres pays européens ».
Les sénateurs du groupe d’études agriculture et alimentation s’alarment aussi du recours massif à l’importation des produits agricoles et alimentaires. « Depuis 2000, les importations ont été presque doublées en France (+ 87 %) tandis que les exportations, dans le même temps, augmentaient de 55 %. En définitive, les importations couvrent une part de plus en plus importante de l’alimentation des Français » observent-ils. En guise d’exemple, toujours selon le rapport sénatorial, près d’un fruit et légume sur deux consommés en France est aujourd’hui importé, comme 34 % des volailles et 25% de la viande de porc.
Concurrence déloyale
Autre problème mis en évidence par les sénateurs : le contrôle de conformité parcellaire des produits importés. « Entre 10 % et 25 % des produits importés en France qui ne respecteraient pas les normes minimales imposées aux producteurs français ». Sont principalement visés par « un risque pesticides » ; le thé de Chine (13 %), les piments de République dominicaine (16 %) ou des pistaches des États-Unis (20 %).
En 2014, un rapport de la Cour des Comptes révélait la non-conformité de produits importés pour les viandes fraîches de boucherie (17 %), pour les viandes fraîches de volaille (13 %), pour les produits à base de viande (25 %) et pour le lait cru ou traité thermiquement et les produits à base de lait (21 %). Une fraude qui concerne également le bio. En 2017, 17 % des contrôles physiques sur les produits issus de l’agriculture biologique se sont révélés non-conformes.
Les sénateurs déplorent que l’État dépense moins de 10 millions d’euros par an pour contrôler à l’importation les denrées alimentaires importées. Soit « moins d’une semaine de recettes que l’État encaisse au titre de Loto » comparent-ils.