L'Assemblée a assoupli dimanche, à une très large majorité, le "délit de solidarité" pour certaines personnes venant en aide aux migrants, un des points sensibles du projet de loi Collomb, y compris pour certains élus de la majorité.
Au septième jour des débats sur le texte asile et immigration, les députés ont adopté par 133 voix contre 21 (et deux abstentions) un amendement du gouvernement, similaire à des amendement MoDem et LREM, qui prévoit des "exemptions" élargies à ce délit. Seuls les élus LR et FN ont voté contre (avec une abstention côté LR).
Ce sera notamment "lorsque l’acte reproché a consisté à fournir des conseils et de l'accompagnement, notamment juridiques, linguistiques ou sociaux, ou des prestations de restauration, d'hébergement ou de soins médicaux destinées à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger".
L'exemption visera aussi "toute autre aide visant à préserver la dignité ou l'intégrité physique de celui-ci, ou bien tout transport directement lié à l’une de ces exceptions, sauf si l'acte a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte ou a été accompli dans un but lucratif".
Défendant une "ligne juste mais responsable", le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb a expliqué qu'il s'agissait de définir "plus strictement" ce délit, tout en sanctionnant toujours "toutes celles et tous ceux qui voudraient détourner la volonté de l'Etat de contrôler ses frontières".
Lors de son interview télévisée dimanche dernier, Emmanuel Macron s'était dit favorable à ce que "le délit de solidarité" soit "adapté mais pas supprimé".
"Nous ne sommes ni des salauds ni des idiots, nous cherchons (..) des solutions en prenant en compte la réalité de situations complexes", a plaidé la rapporteure Elise Fajgeles (LREM), jugeant avoir "placé le curseur au bon endroit" entre "la lutte contre les passeurs et la nécessaire solidarité". Le chef de file des MoDem Marc Fesneau a aussi défendu un "point d'équilibre".
"Pour ne plus sanctionner ceux qui apportent leur aide dans un geste humaniste. Une circulaire incitera à ne plus engager de poursuites", a tweeté Naïma Moutchou (LREM).
Certains "marcheurs" critiques, pour lesquels ce sujet était important, ont salué une "avancée", comme Sandrine Mörch, Stella Dupont, ou Matthieu Orphelin, pour lequel l'amendement va "régler beaucoup de situations" mais "pas toutes".
Des députés de gauche, mais aussi LREM, MoDem, et UDI-Agir, ont tenté en vain d'aller plus loin et de supprimer totalement ou réécrire davantage ce délit, apparu dans le droit en 1938. "La solidarité (...) ne doit plus être punie, mais au contraire encouragée", a ainsi défendu le communiste Jean-Paul Lecoq.
Plusieurs ont rappelé le cas de Cédric Herrou, agriculteur devenu un symbole après sa condamnation en août à quatre mois avec sursis pour avoir aidé des migrants à passer la frontière franco-italienne.
La droite a, elle, jugé l'amendement du gouvernement "extrêmement dangereux", estimant qu'il revient à "transformer de simples citoyens en idiots utiles des passeurs", selon Pierre-Henri Dumont, élu LR du Calaisis.
C'est "un recul du gouvernement devant la pression de l'aile gauche de la majorité qui vient du parti socialiste", a dénoncé Eric Ciotti (LR).
Interrogé sur ce vote au Grand Rendez-vous Europe1/CNews/Les Echos, l'ex-ministre de l'Intérieur de Nicolas Sarkozy Brice Hortefeux a lancé: "la règle doit être simple: quand on vient de manière illégale, c'est-à-dire sans nous avoir demandé notre accord, on n'a pas vocation à rester, et donc si on aide on est responsable".
Louis Aliot (FN) a dénoncé "un délit d'incitation" à l'immigration clandestine, voyant dans la réécriture du délit un "signal" aux réseaux de passeurs.