« Quitter cet hôtel de ville, et cette fois-ci de plein gré est un crève-cœur », annonce Alain Juppé le 14 février 2019, jour de la Saint-Valentin. Il quitte ses fonctions de maire de Bordeaux pour rejoindre le Conseil Constitutionnel, une ville avec laquelle il a formé un « vieux couple » 24 ans durant.
Alain Juppé « n’a fait qu’enfoncer des portes ouvertes »
Adjoint à la mairie de Paris pendant douze ans, là où sa carrière politique a commencé « Alain Juppé a toujours évolué dans l’ombre de Jacques Chirac », affirme Noël Mamère, maire écologiste de Bègues de 1989 à 2018. Alors en 1995, lorsqu’il gagne les élections municipales de Bordeaux, ce n’est pas une surprise, « il n’a fait qu’enfoncer des portes ouvertes » continue-t-il. C’est même pour Pierre Hurmic, conseiller municipal écologiste depuis 1995, « le choix de la facilité ».
« La case Bordeaux, n’est qu’une case qu’il faut occuper en guise tremplin pour les présidentielles futures » analyse Jean Petaux, politologue. Pourtant, il est élu de justesse, « à deux doigts du ballotage ».
Le « Juppé tour »
« Maire de Bordeaux, mais probablement moins des bordelais »
Pressé voire « arrogant », l’énarque n’a pas l’habitude d’être en contact direct avec la population, partagé entre son devoir de maire et son devoir de Premier ministre auprès de Jacques Chirac. Ses missions d’élu municipal « étaient concentrées sur trois jours, du vendredi au dimanche. Entre nous, on appelait ça le Juppé tour », se souvient Stéphane Place, journaliste, correspondant à Bordeaux. Ce n'est que lorsque le président de la République décide de dissoudre l’Assemblée Nationale, qu'Alain Juppé quitte ses fonctions de Premier ministre, pour se consacrer pleinement à son mandat bordelais. Fini le « Juppé tour », place au marathon des travaux.
Il enchaîne alors les politiques d’embellissement de la ville et trouve des fonds pour financer des lignes de tramway. Il refait également les quais de Bordeaux, lui redonnant « une sorte de lustre patrimonial qui était perdu », explique Pierre Hurmic, conseiller municipal écologiste depuis 1995.
Alain Juppé, colérique, infidèle mais sincère
Pour Gilles Savary, conseiller municipal de 1995 à 2004, « c’est quelqu’un de clanique, qui considérait l’opposition comme des ennemis et non comme des adversaires ». D’ailleurs, Alain Juppé le reconnait lui-même : « j’ai le sang chaud, quand on m’agresse je réponds parfois de façon trop vigoureuse. Je disais à ceux qui siégeaient à côté de moi en conseil municipal : "calmez-moi" », avoue-t-il.
Cette année, pas d'Alain Juppé aux élections municipales. Suite à sa démission en février dernier, non sans émotion, il s'est tourné vers le Conseil Constitutionnel. La politique « est une drogue dure, il faut partir tant qu’on est encore en vie » conclut Noël Mamère.