Faire accepter un confinement, rassurer quant à l’efficacité des vaccins, maintenir l’espoir de jours meilleurs, si les dirigeants politiques s’appuient sur les discours scientifiques, ils cherchent aussi à faire accepter leurs décisions politiques à grand renfort d’opérations de communication.
En comparant l’Allemagne et la Grande-Bretagne, on observe qu’Angela Merkel et Boris Johnson adoptent deux stratégies différentes. Explication sur le plateau de Hashtag… Début décembre an Allemagne, les cas de contamination ont fortement augmenté. Dans un discours devant le Bundestag, le parlement allemand, Angela Merkel a alors supplié les Allemands d’être très prudents pendant les fêtes. Elle annoncera ensuite la fermeture des commerces non-essentiels, des écoles et des crèches.
« Nous sommes dans une ère générale qui porte plus sur le pathos, sur ce registre de langage… surtout avec une épidémie ».
Christophe de Voogd, spécialiste de la rhétorique politique, analyse ainsi cette séquence : « D’abord nous sommes dans une ère générale qui porte plus sur le pathos, sur ce registre de langage, et surtout avec une épidémie, où on donne plus volontiers dans l’émotionnel. Ainsi, Angela Merkel qui est plutôt connotée logos, c’est-à-dire du côté de la raison, est aussi allée sur ce terrain. Elle y est moins attendue donc plus efficace ».
Si depuis la France, ce registre de langage peut paraître étonnant, il n’est pas nouveau Outre-Rhin, Merkel étant souvent surnommée Mutti Merkel (ndlr Maman Merkel). « Elle est comme la maman de la Nation, insiste Christophe de Voogd, elle parle non pas de façon infantilisante, mais du fond du cœur, elle le dit elle-même ». Il souligne que cette façon de s’adresser, de façon égalitaire à ses compatriotes est typique des démocraties d’Europe du Nord. « La tentation de l’infantilisation que l’on retrouve dans d’autres pays est ici totalement proscrite. Ils doivent communiquer de façon plus égalitaire que dans certains pays. »
Christian Lequesne, professeur de sciences politiques à Sciences Po Paris, livre une analyse similaire : « Ce n’est pas du tout un mode de communication vertical où elle dirait moi je sais ce qu’il faut faire et vous êtes priés de vous conformer à cela. Non, elle dit : Je suis au même niveau que vous, ça me fait aussi mal au cœur que vous. C’est une conversation où elle ne cherche pas à imposer. »
« Covid ou pas covid la communication reste dans le cadre de la culture politique du pays »
De son côté, la Grande-Bretagne a dépassé début 2021 le macabre seuil des 100 000 morts. En minimisant la gravité du virus lors de son apparition au printemps 2020, Boris Johnson avait été alors vivement critiqué.
« Une fronde anti-Johnson est à remettre dans le contexte d’une histoire, au début le Premier ministre a été extrêmement léger à l’égard du virus, explique le politologue Christian Lequesne. Puis il l’a attrapé et la situation sanitaire a été tellement catastrophique dans le pays qu’effectivement il a perdu toute crédibilité ».
Lors d’une allocution officielle le 26 janvier 2021, Boris Johnson a ainsi présenté ses excuses à ses concitoyens et pris sur lui la responsabilité de ce bilan.
Depuis, son gouvernement a mis en place une campagne de vaccination de masse et communique quotidiennement sur Twitter le nombre de personne vaccinées. Il publie également des vidéos dans lesquelles, Boris Johnson se met en scène rendant visite aux personnels médicaux, aux usines de production du vaccin ou discutant avec une personne âgée se faisant vacciner en direct.
Christophe de Voogd rappelle enfin que « Covid ou pas covid la communication reste dans le cadre de la culture politique du pays ». Et Christian Lequesne ajoute : « Le contexte électoral est aussi très important pour comprendre les stratégies. En effet, à la différence de la France où le gouvernement adopte une posture beaucoup plus impérieuse, Boris Johnson et Angela Merkel n’ont pas d’ambitions électorales à court ou moyen terme… »
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