Allocations-chômage : Pénicaud conteste le chiffre de 1,2 million de chômeurs impactés par son décret
Auditionnée au Sénat sur la réforme de l’Assurance chômage, la ministre du Travail a contesté l’estimation calculée par l’Unédic sur le nombre de demandeurs d’emplois affectés par la future modification du calcul des allocations.

Allocations-chômage : Pénicaud conteste le chiffre de 1,2 million de chômeurs impactés par son décret

Auditionnée au Sénat sur la réforme de l’Assurance chômage, la ministre du Travail a contesté l’estimation calculée par l’Unédic sur le nombre de demandeurs d’emplois affectés par la future modification du calcul des allocations.
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Après avoir été entendue à l’Assemblée nationale le 2 juillet, la ministre du Travail, Muriel Pénicaud a assuré, une semaine après, le service après-vente de sa réforme de l’assurance chômage devant les sénateurs de la commission des Affaires sociales. Durant près de deux heures, la Haute assemblée a interrogé la ministre sur ses choix, et notamment sur une nouvelle donnée apparue entre-temps.

Selon un document de travail de l’Unédic (en charge de l’assurance chômage), qui a fuité dans la presse, la modification du calcul de l’allocation, prévue par les trois décrets attendus d’ici la fin de l’été, va profondément affecter les futurs chômeurs. 1,2 million de personnes pourraient, à l’avenir, toucher moins avec le nouveau mécanisme. Un chiffre qu’a contesté Muriel Pénicaud durant son audition. Pour rappel, le ministère du Travail évalue entre 600.000 et 700.000 le nombre de chômeurs qui vont voir leurs droits se réduire, sous l’effet de la réforme, principalement ceux qui alternent entre courtes périodes de travail et période d’inactivité.

« Ce ne sont pas les personnes qui sont en cause, ce sont les règles »

Se basant sur les statistiques de Pôle Emploi, le gouvernement estime qu’un demandeur d’emploi indemnisé sur cinq perçoit plus de la part de l’assurance chômage qu’il ne touchait en salaire précédemment. La raison : la méthode de calcul est basée sur le salaire perçu pendant les jours travaillés. Le système encouragerait donc le fractionnement des contrats et les actifs à rester dans une forme de précarité. C’est la raison pour laquelle le gouvernement a annoncé le 18 juin que l’allocation serait calculée sur le salaire mensuel moyen, qui, lui, inclut des périodes sans activité. « Le premier principe, c’est qu’il ne sera plus possible de plus gagner au chômage qu’en travaillant », a insisté la ministre, se gardant toutefois d’accabler les principaux concernés. « Ce ne sont pas les personnes qui sont en cause, ce sont les règles. »

Dans son évaluation, l’Unédic s’est toutefois montrée prudente, en précisant qu’il était « délicat à ce stade d'estimer la population concernée ». Devant les sénateurs, Muriel Pénicaud a affirmé que l’organisme ne prenait pas en compte dans ses calculs les effets psychologiques de la réforme. « Ce qu’on attend, nous, ce sont des changements de comportements, et ça, l’Unédic ne l’a pas simulé. On ne compare les mêmes choses. Évidemment que l’on fait cette réforme pour qu’il y ait des changements de comportements », a-t-elle avancé.

« Est-ce que vous pouvez nous dire en quoi il s’agit d’une réforme contre la précarité ? »

Ce grand écart entre les estimations de l’Unédic et du gouvernement a été souligné à trois reprises au cours des échanges : par le président de la commission, le sénateur LR Alain Milon, mais aussi les sénatrices Laurence Cohen (communiste) et Corinne Féret (PS). « Est-ce que vous pouvez nous dire en quoi il s’agit d’une réforme contre la précarité quand 1,2 million de chômeurs verront leur situation se précariser davantage, selon les chiffres de l’Unédic », a par exemple questionné Laurence Cohen.

Muriel Pénicaud a en outre affirmé que le capital de droits de chaque personne entrant au chômage ne changerait pas, mais qu’il sera « simplement réparti différemment dans le temps ». Une exception toutefois : celle des « plus hauts revenus », dont le seuil retenu à fait sourciller la sénatrice (LR) Frédérique Puissat. La réforme prévoit de diminuer de 30 % les allocations des personnes qui touchaient plus de 4500 euros dans le cadre de leur travail (3600 euros net), à partir du 7e mois d’indemnisation. La mesure entrera en vigueur dès le 1er novembre.

Deux modifications importantes impacteront les futurs demandeurs d’emploi. Les conditions d’éligibilité à l’assurance chômage sont durcies : il faudra avoir travaillé 6 mois sur les 24 derniers mois (au lieu de 4 sur les 28 derniers mois) pour pouvoir bénéficier d’une allocation de retour à l’emploi. Le dispositif de rechargement des droits (introduit en 2014), qui permettait de bénéficier à nouveau d’allocations après l’épuisement de son capital, sera lui beaucoup favorable à l’avenir. Alors qu’il ne suffisait que de travailler un seul mois pour recharger, il en faudra désormais six. Sur ces deux aspects, la ministre a précisé que seuls les nouveaux entrants seraient concernés. « Les demandeurs d’emploi actuels dans les conditions actuelles, aucun n’est concerné. » Ces décisions, censées accélérer le retour vers l’emploi, iront de pair avec un renforcement de l’accompagnement des chômeurs. Pôle Emploi voit ses dernières suppressions d’effectifs annulées : un recrutement de 1 000 nouveaux agents est même promis.

Les trois projets de décrets adressés aux partenaires sociaux

Interrogée à plusieurs reprises sur le système de bonus-malus qui s’imposera à partir du 1er janvier 2020 aux entreprises de sept secteurs pour limiter le recours aux contrats courts, Muriel Pénicaud a également répété, comme le mois dernier, qu’une évaluation serait conduite dans deux ans. « Rien n’empêche de le généraliser ou de l’adapter. Il existe depuis vingt aux États-Unis, avec beaucoup de succès ». Un simulateur sera proposé l’année prochaine aux entreprises pour évaluer le niveau de leurs cotisations d’assurance chômage.

Les questions de la sénatrice Catherine Fournier (Union centriste), sur le coût estimé de l’ouverture de l’assurance chômage à certains démissionnaires et indépendants, sont cependant restées sans réponses. La ministre a seulement indiqué que la disparition en 2018 des cotisations chômage salariales (qui allaient au budget de l’Unédic) ferait bien l’objet d’une « compensation intégrale ». « Mes services travaillent actuellement avec l’Unédic pour que l’on ajuste au mieux la part de CSG affectée pour compenser chaque année. »

Avec cette montée en puissance de l’impôt (la CSG), au détriment des cotisations, la ministre a naturellement été interrogée sur l’avenir de la dimension paritaire de l’Unédic, gérée par les syndicats et le patronat. La question se pose d’autant plus, que dans ce dossier de la réforme de l’assurance chômage, l’État s’est substitué aux partenaires sociaux, qui ont échoué à s’entendre en quatre mois (dans un cadre très contraint de recherches d’économies). Pas question de remettre en cause la nature du régime « hybride », où l’État intervient déjà, a précisé Muriel Pénicaud. « Nous sommes conscients qu’il faudra remettre ce sujet à l’ordre du jour, mais c’est prématuré. »

En attendant, les projets de décrets mettant en œuvre la réforme ont été adressés « ce matin » chez les différents partenaires sociaux, tous mécontents des orientations retenues par l’exécutif. Muriel Pénicaud a déclaré qu’ils auraient « une douzaine de jours pour donner leurs remarques ». Une consultation est prévue le 16 juillet.

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