« L’extrême gauche et l’extrême droite sont unis dans un front antirépublicain », a dénoncé Emmanuel Macron lors de son allocution télévisée ce 5 décembre au soir, après le vote par le Rassemblement national et le Nouveau Front populaire de la censure du gouvernement Barnier.
Dès le soir de sa déclaration, les groupes de gauche comme de droite au Sénat n’ont pas été convaincus par les propos du président de la République. Ce 6 décembre, sur le plateau de Parlement Hebdo, la déception des uns et la colère des autres est toujours palpable.
« S’il n’accepte pas qu’il puisse y avoir une autre politique que celle qu’il a menée depuis 2017, les Français risquent de le juger très sévèrement »
Pour le député communiste Stéphane Peu, la déclaration avait tout d’une « provocation inutile » : « Beaucoup de députés qui soutiennent Emmanuel Macron ont été élus parce que les candidats du Nouveau Front populaire se sont désistés pour battre le Rassemblement national, et aujourd’hui il parle d’un front antirépublicain ». « Il eût mieux valu que le président de la République n’intervienne que pour donner le nom du Premier ministre », observe son homologue, le sénateur Les Républicains Roger Karoutchi, « tout à fait hostile à ce qu’on qualifie qui que ce soit de républicain ou d’antirépublicain ».
Malgré ces mots durs, ni le député ni le sénateur ne disent souhaiter la démission du président de la République, comme l’appellent de leurs vœux plusieurs personnalités, notamment dans les rangs de La France insoumise. « Tout le monde sait très bien qu’Emmanuel Macron ne démissionnera pas, constitutionnellement cela ressemble à du rodéo, ce n’est pas très crédible », estime Roger Karoutchi, alors qu’Emmanuel Macron a rappelé lors de son allocution qu’il exercerait son mandat « jusqu’à son terme ». « Nous ne demandons pas sa démission », abonde Stéphane Peu, au nom de son parti.
« Je mets juste le président de la République en garde », ajoute le député communiste, « s’il continue de mettre du sel sur les plaies de ce pays plutôt que d’essayer de les cicatriser, s’il n’accepte pas qu’il puisse y avoir une autre politique que celle qu’il a menée depuis 2017, les Français risquent de le juger très sévèrement ! » De son côté, Roger Karoutchi recommande aussi au président de « se détacher un peu ».
« Si la personnalité désignée par le président arrive à détacher le PS de LFI, alors peut être que des discussions seront possibles »
Alors que les consultations reprennent à l’Élysée au lendemain de la démission du gouvernement, la question de la participation d’une partie de la gauche un accord politique revient sur la table. Au micro de France Info ce 6 décembre, le premier secrétaire du parti socialiste Olivier Faure se disait « prêt à rentrer en discussions » et à faire « des compromis sur tous les sujets », y compris sur la question centrale des retraites. Juste avant son rendez-vous avec le président, il a toutefois mis en garde : « Nous ne sommes pas venus dans une démarche qui serait celle d’accepter de participer à un gouvernement qui ne serait pas dirigé par un Premier ministre de gauche. »
Pour le moment, le sénateur Roger Karoutchi est sceptique sur la faisabilité d’un accord de gouvernement allant des socialistes aux Républicains : « Michel Barnier avait fait des propositions à Olivier Faure dès sa nomination, il les a refusées. Si la personnalité désignée par le président arrive à détacher le PS de LFI, alors peut être que des discussions seront possibles ». « Je suis pour faire des concessions », affirme de son côté Stéphane Peu, « ceux qui disent “tout le programme, rien que le programme”, dans la situation actuelle ça n’a pas de sens ».
Au-delà de La France insoumise, le député communiste insiste tout de même sur la responsabilité du groupe macroniste dans la chute du gouvernement de Michel Barnier et dans les difficultés à trouver un nouveau compromis. « Avec des amis comme ça, il n’y a pas besoin d’ennemis », remarque-t-il, « ils ont déserté le débat budgétaire, quand ils n’étaient pas là pour voter contre les quelques mesures positives, ils étaient absents », dénonce-t-il. Une position sur laquelle Roger Karoutchi semble le rejoindre. « Je ne suis pas sûr que Michel Barnier ait obtenu de la part de l’ensemble du socle commun le soutien qu’il aurait pu attendre », observe le sénateur.