Allongement des délais de l’IVG : « Le blocage vient de Matignon et de l’Elysée », pour Laurence Rossignol

Allongement des délais de l’IVG : « Le blocage vient de Matignon et de l’Elysée », pour Laurence Rossignol

Le patron des députés de la majorité, Christophe Castaner annonce qu’il inscrira bientôt à l’ordre du jour de l’Assemblée la proposition de loi allongeant les délais de l’IVG de 12 à 14 semaines, espérant voir le texte définitivement adopté d’ici la fin du quinquennat. Mais ce texte, rejeté en première lecture par la majorité sénatoriale de droite l’année dernière, n’a pas non plus les faveurs de l’exécutif.
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Le président du groupe LREM à l’Assemblée nationale continue de mettre la pression sur le gouvernement allongeant le délai de l’IVG de 12 à 14 semaines. Dans les colonnes du Parisien, Christophe Castaner indique qu’il profitera de la niche parlementaire de son groupe en novembre, pour déposer la proposition de loi en ce sens. « Nous irons au bout du texte […] Et même si le Sénat le rejette en deuxième lecture, nous aurions le temps, en janvier-février de l’adopter définitivement à l’Assemblée », prévoit-il.

Sur les bancs du Sénat, on prend cette affirmation avec des pincettes. Et pour cause, en première lecture, le gouvernement s’était montré bien frileux. Sans parler du chef du chef de l’Etat qui est opposé à l’allongement des délais de l’interruption volontaire de grossesse.

Pour Olivier Véran, « le mieux est l’ennemi du bien »

Retour à l’épisode précédent. Le 9 octobre 2020, l’Assemblée nationale adopte, en première lecture, la proposition de loi d’Albane Gaillot. A cette époque La députée du Val de Marne a quitté le groupe LREM pour rejoindre un nouveau groupe de dissidents de la majorité : Ecologie Démocratie Solidarité (EDS). Quelques jours plus tard, ce groupe est dissous suite au départ de l’un de ses membres.

Et au Sénat, le groupe LREM ne se presse pas pour reprendre la proposition de loi dans sa niche parlementaire, malgré l’appel de la sénatrice LREM Patricia Schillinger. « On sait bien qu’aujourd’hui les délais sont trop courts, pour les femmes qui souhaitent avorter. Après l’épidémie de covid, c’est encore plus difficile d’obtenir des rendez-vous chez les gynécologues. Il faut vraiment que le Sénat s’empare du sujet », explique-t-elle à Public Sénat en octobre 2020.

Mais le sujet divise au sein de la majorité. Devant les députés, le ministre de la Santé, Olivier Véran s’était inquiété de « l’effondrement du nombre de gynécologues » que l’allongement des délais entraînerait. « Parfois, le mieux est l’ennemi du bien », prévient-il.

Au Sénat, c’est l’ancienne ministre chargée de la Famille et des droits des femmes, Laurence Rossignol (PS) qui l’inscrit finalement dans la niche parlementaire de son groupe. La sénatrice, farouche défenseure de l’allongement des délais de l’IVG, avait déjà tenté de faire passer un amendement en ce sens, lors de l’examen du projet de loi Santé, l’année précédente.

La proposition de loi de Laurence Rossignol est également rejetée au Sénat en janvier 2021. La droite sénatoriale s’appuie sur les recommandations de l’Académie nationale de médecine, qui considère qu’un tel allongement risque d’entraîner des « manœuvres chirurgicales dangereuses pour les femmes » et une « augmentation significative des complications à court ou à long terme ». A gauche, les sénateurs dénoncent « l’hypocrisie générale » sur ce sujet. « Chaque année, on accepte que 1 500 à 2000 femmes se rendent à l’étranger pour pratiquer une IVG après la douzième semaine de grossesse […] trois quarts des IVG concernent des femmes sous contraception. Les moyens contraceptifs ne sont donc pas infaillibles », avance notamment Laurence Rossignol.

« Sans calendrier parlementaire complet, ça reste un effet d’annonce »

Contactée par publicsenat.fr, ce jeudi, la sénatrice dit se « réjouir » de l’annonce de Christophe Castaner mais « attend que le gouvernement s’exprime ». « Car le blocage vient de Matignon et de l’Elysée. Le président du groupe majoritaire est en désaccord avec son gouvernement. Et pour que le texte soit adopté et promulgué avant la fin du quinquennat, il faudrait que le gouvernement l’inscrive à l’ordre du jour au Sénat, en procédure accélérée ou qu’à défaut, le groupe LREM le reprenne dans sa niche parlementaire. Sans calendrier parlementaire complet, ça reste un effet d’annonce », juge-t-elle.

« Le Président n’en veut pas et je suis toujours le Président ».

« Nous n’avons pas abordé cette proposition de loi au petit-déjeuner de la majorité. Et notre niche parlementaire de novembre est consacrée au texte sur le foncier agricole », coupe court François Patriat, le président du groupe (RDPI-LREM) au Sénat. Le sénateur de Côte d’Or, confirme d’ailleurs que le « Président n’en veut pas ». « Et je suis toujours le Président ».

Interviewé par le magazine Elle au cœur de l’été, Emmanuel Macron a effectivement fait part de son opposition à l’allongement des délais de 12 à 14 semaines. « Pour ma part, je considère que c’est comme pour le texte sur la fin de vie, ça peut attendre le prochain quinquennat », ajoute François Patriat.

La sénatrice communiste, Laurence Cohen estime au contraire que le gouvernement a déjà trop attendu. « C’est une manœuvre très politicienne, à quelques mois de la présidentielle, alors que si le gouvernement avait été volontariste sur ce sujet, la réforme aurait déjà été adoptée ».

Devant les sénateurs, le secrétaire d’Etat chargé de l’Enfance et des Familles, Adrien Taquet avait prudemment souligné que le Comité consultatif national d’éthique « avait rendu un avis favorable à l’extension du délai légal de l’IVG ». « C’est un vrai débat de société […] il est essentiel que la proposition de loi poursuive son chemin », avait-il fait valoir.

« Christophe Castaner fait cette annonce pour embêter la droite d’En Marche »

Alain Milon (LR) ancien président de la commission des affaires sociales du Sénat, réaffirme son opposition à la proposition de loi. « Il faut garder la législation actuelle. De 12 à 14 semaines, on passe de l’embryon au fœtus avec le développement du système nerveux central ». Mais pas de quoi inquiéter ce médecin de formation, car lui aussi pense que le texte ne passera pas. « Je pense que Christophe Castaner fait cette annonce pour embêter la droite d’En Marche qui pousse pour la retraite à 67 ans (proposition d’Édouard Philippe). C’est un effet d’annonce. Ou alors il faudra que le gouvernement dépose en même temps un texte sur la retraite à 67 ans. Donc, c’est impossible », tranche-t-il.

 

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