[EDIT] Le texte qui allonge le délai légal d'accès à l'IVG de 12 à 14 semaines de grossesse a été adopté à l'Assemblée nationale jeudi soir, par 86 voix pour, 59 contre et 7 abstentions, la plupart des groupes politiques étant partagés.
Quarante-cinq ans après la loi Veil, le débat sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG) divise de nouveaux les rangs de l’Assemblée. Quelques jours avant l’examen de la polémique loi bioéthique, l’Assemblée nationale se penche, ce jeudi, sur une proposition de loi de la députée LREM Albane Gaillot, qui a quitté le groupe de la majorité pour rejoindre celui de ses dissidents au sein du groupe Ecologie Démocratie Solidarité (EDS). Le texte propose ainsi de rallonger le délai légal pour accéder à l’IVG, de 12 à 14 semaines, se calquant ainsi sur des pays comme l’Allemagne. La proposition de loi prévoit également la suppression de la clause de conscience spécifique à l’IVG pour les médecins qui ne désirent pas pratiquer d’avortement.
« Les propositions de ce texte convergent avec les conclusions d’un rapport de la délégation au droit des femmes, remis en septembre dernier sur les conditions d’accès à l’IVG », détaille la sénatrice socialiste et ancienne ministre Laurence Rossignol, qui avait déjà déposé un amendement visant à sécuriser l’accès à l’avortement pour toutes les femmes, et préconisant l’allongement du délai légal. « L’allongement de ce délai est une nécessité, qui a d’ailleurs été renforcé par le confinement, avec les tensions auxquelles les hôpitaux sont soumis, et les inégalités d’accès à l’IVG sur le territoire. La longueur du processus conduit un certain nombre de femmes à se retrouver hors délai pour avorter, et les oblige à se rendre à l’étranger, où elles doivent payer, ce qui ajoute une discrimination sociale au problème. »
« Ce serait au groupe LREM de s’emparer du texte »
Après son examen par l’Assemblée nationale, le texte devra donc poursuivre son chemin législatif et être débattu au Sénat. « J’espère que cette proposition de loi sera adoptée par l’Assemblée, car il faut que ce texte soit débattu au Sénat. Je travaille d’ailleurs avec mon groupe pour que nous le prenions dans notre niche », soutient Laurence Rossignol. Si la sénatrice est favorable à l’adoption de ce texte, elle se dit consciente qu’il ne fera pas consensus au Sénat, même parmi les membres du groupe de la majorité présidentielle. « Les sénateurs LREM seront tiraillés entre leur fidélité au groupe de la majorité à l’Assemblée, ou au gouvernement. Il sera d’ailleurs intéressant de voir s’ils ont l’intention de prendre la proposition de loi dans leur niche, car ce serait à eux de le faire… ».
« Je trouve personnellement que ce texte est le bienvenu », réagit la sénatrice LREM du Haut-Rhin Patricia Schillinger. « On sait bien qu’aujourd’hui les délais sont trop courts, pour les femmes qui souhaitent avorter. Après l’épidémie de Covid, c’est encore plus difficile d’obtenir des rendez-vous chez les gynécologues. Il faut vraiment que le Sénat s’empare du sujet. Mais on sait que, dans l’hémicycle, c’est toujours très compliqué lorsqu’il s’agit de sujets qui touchent les femmes… », reconnaît la sénatrice, qui compte malgré tout militer pour que le groupe de la majorité s’empare du texte.
« Nous ne sommes pas là pour faire du buzz politique »
A droite de l’hémicycle, cependant, les élus ne sont pas favorables à l’adoption du texte, et les sénateurs de droite, majoritaires au Sénat, devraient difficilement se laisser convaincre. « Je veux défendre la loi Veil, qui était un équilibre basé sur 12 semaines », soutenait ce matin le député Damien Abad, invité de l’émission de Public Sénat Bonjour chez vous. « Ce délai a été choisi sur des bases, sur des études scientifiques d’ailleurs on est dans la moyenne des pays européens. Il y a une clause de conscience spécifique parce que c’est un acte particulier. Je ne veux pas qu’on détricote la loi Veil au détour d’une proposition de loi. Nous ne sommes pas là pour faire du buzz politique. Je dis que la loi Veil c’est ce qui a tenu la France debout et je pense qu’on doit respecter cet esprit de la loi Veil ». « Nous savons qu’il ne sera pas évident de trouver une majorité pour l’adopter au Sénat », balaie Laurence Rossignol. « Mais le plus important est que ce texte fasse la navette, qu’il soit examiné au Sénat, pour qu’il retourne à l’Assemblée et soit votée », affirme l’ancienne ministre.