« Siemens va prendre le contrôle d’Alstom pour zéro euro ». Martial Bourquin, sénateur socialiste du Doubs et rapporteur d’une mission d’information sur « Alstom et la stratégie industrielle du pays », est inquiet. Après une quarantaine d’auditions, des déplacements, dont trois sur les sites de production d’Alstom, la mission faisait, ce jeudi, un premier point d’étape. Et leur constat est sans appel : la fusion entre Alstom et Siemens va constituer « une opération capitalistique » favorable au groupe allemand. Alors que d’autres modalités de rapprochement, sous la forme d’un « airbus du ferroviaire », étaient envisageables et tout aussi pertinentes du point de vue industriel et surtout de la préservation de l’emploi en France, pointent-ils.
Alstom/ Siemens : les intérêts français n'ont pas été clairement défendus" regrette Martial Bourquin
« On est dans l’obscurité la plus totale »
En effet, comme le rappellent les sénateurs, Alstom, « acteur industriel historique majeur » emploie 8 500 personnes en France sur douze sites, dispose de 4500 fournisseurs, soit 27 000 emplois à la clé. Or, pour les 5 prochaines années, c’est la commande publique qui, pour l’essentiel, va faire vivre le groupe. Par conséquent, l’allemand Siemens « prendra le contrôle de cette entité dotée d’une trésorerie potentiellement excellente sans lui-même apporter aucun argent frais » explique le rapport d’étape.
«La représentation nationale a été mise de côté lors de ce rapprochement. Si on nous avait demandé notre avis, nous parlementaires, nous aurions demandé des garanties en ce qui concerne les sites français. On est dans l’obscurité la plus totale » regrette Martial Bouquin.
C’est donc dans le cadre de sa mission de contrôle du gouvernement que les deux assemblées ont pris le dossier en main. Une commission d’enquête a été constituée il y a 6 mois à l’Assemblée nationale. Au Sénat, la mission d’information, présidée par le sénateur Alain Chatillon (ratt.LR), a commencé ses travaux en novembre dernier. Elle présentera au mois de juin ses préconisations sur les orientations stratégiques industrielles françaises.
Le Sénat demande au gouvernement de renoncer si le rapprochement « ne revêt qu’une nature capitalistique »
D’ores et déjà, ce rapport d’étape (adopté à l’unanimité de la mission) « appelle solennellement l’État » à renoncer à ce rapprochement entre les deux groupes, « si ce dernier ne revêt qu’une nature capitalistique, dépourvue de contenu industriel ».
Le Sénat demande également au gouvernement de mettre en place « un plan d’accompagnement des PME équipementiers d’Alstom, mais surtout « d’utiliser la commande publique comme un levier pour favoriser la localisation en France de la production des équipements ferroviaires ainsi que des centres de recherche et d’ingénierie ».
Le rapprochement entre Siemens et Alstom, prévu pour cette année, nécessitera le vote de l’assemblée générale d’Alstom, et l’autorisation de l’État et de la Commission européenne. Des conditions qui « selon toute vraisemblance seront acquises » note le rapport.