Altercation avec la police : « Je n’avais pas envie d’aller à la baston », explique le sénateur Joël Labbé
Lors d’une manifestation d’agriculteurs devant le siège de Pôle Emploi à Paris jeudi, le sénateur écologiste s’est fait bousculer par des policiers. Dans l’action, il a répondu, manquant de faire chuter l’un d’entre-deux. Joël Labbé revient sur la séquence qu’il juge « choquante ».
Par Pierre Maurer
Temps de lecture :
5 min
Publié le
« Touche pas le sénateur !!! » Jeudi, en marge de la manifestation des 200 agriculteurs venus de toute la France devant le siège de Pôle Emploi à Paris pour réclamer à l’exécutif une Politique agricole commune (PAC) qui préserve l’emploi agricole, le sénateur écologiste du Morbihan, Joël Labbé, a eu une altercation avec des policiers. Empêché de rejoindre les agriculteurs par les forces de l’ordre, l’élu de la chambre Haute est vivement repoussé par deux d’entre eux. Dans l’action, il agrippe le bouclier d’un policier et manque de le faire tomber. Il est de nouveau repoussé. « Vous poussez le bouclier. Il y a forcément une réaction », lui rétorque un policier. Peu avant, la députée LFI Bénédicte Taurine avait été violemment projetée au sol. Les images diffusées sur BFMTV et les réseaux sociaux montrent la députée de l’Ariège, ceinte de son écharpe tricolore, ballottée dans une bousculade devant le bâtiment, puis un policier placé derrière elle qui la saisit dans le dos et la jette au sol. La France insoumise a réclamé « une condamnation claire » de la part du gouvernement et « des poursuites » contre un policier.
« J’ai trébuché et je me suis pris à son bouclier »
Encore tourneboulé par l’échauffourée, Joël Labbé livre sa version : « Il y a une première séquence de bousculades provoquées par les forces de police qui ont forcé tout le monde à reculer. Bénédicte Taurine a pris un coup dans le dos. Certains policiers étaient extrêmement nerveux », se rappelle-t-il. Puis vient la confrontation. « Cantonnés » par les policiers, les manifestants sont séparés des journalistes, « qui ne peuvent pas faire leur boulot » selon le sénateur. Joël Labbé est coincé aux côtés de la presse. « Donc à un moment j’ai sorti ma carte de sénateur pour dire que je devais aller parler aux manifestants. Les policiers me l’ont fermement interdit. J’ai demandé à avoir une réponse de leur hiérarchie. En attendant la réponse, sûrement sur ordre, un des policiers avec son bouclier m’a bousculé pour me faire reculer alors que je suis le plus pacifique qui soit. J’ai trébuché et je me suis pris à son bouclier. Je l’ai fait vriller ce qui a failli faire tomber le policier », relate l’écologiste, qui a rendu sa carte d’EELV. « Ce n’était pas mon but et je n’avais pas envie d’aller à la baston. Surtout équipés comme ils sont. Mais c’est choquant », se défend-il.
« J’ai vu des regards chargés de violence »
Chez certains policiers, Joël Labbé est persuadé d’avoir vu l’œil du tigre. « J’ai vu des regards chargés de violence de gens dressés à la baston qui n’attendent que ça. Je ne veux pas les mettre tous dans le même sac. Ils ne sont pas tous violents. Mais certains policiers le sont vraiment. Je n’en revenais pas. Il est important que le ministre calme ses troupes », demande le Breton. Il ne décolère pas : « C’était sur consigne, il fallait faire taire tout le monde et disperser cette manifestation. Il y avait autant de policiers que de manifestants. Se faire mépriser comme cela, ce n’était pas acceptable. En tant que parlementaire, je suis outré. L’exercice de mes fonctions a été empêché par les forces de l’ordre et c’est inacceptable. »
Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne, a dénoncé quant à lui à l’AFP une « pression sur les organisations syndicales » : « On veut emmerder les gens qui veulent manifester, qui veulent affirmer fortement mais de manière non violente » leurs revendications.
Une trentaine de militants ont envahi le hall d’entrée dès la fin de matinée pour réclamer un entretien avec la direction générale de Pôle Emploi, afin de « négocier un rendez-vous avec Emmanuel Macron », a expliqué Véronique Marchesseau, secrétaire générale de la Confédération paysanne. « Ces agriculteurs de la Confédération paysanne s’estiment floués par la PAC, du moins ce projet. Ils ont raison car ils vont continuer d’être victimes de ce système qui donne des primes à l’hectare et encourage l’agrandissement. 15 000 agriculteurs cessent leurs fonctions chaque année parce qu’ils n’en peuvent plus. Deux modèles s’opposent : l’agriculture industrielle et l’agriculture paysanne qui a pour ambition de nourrir la population sur les territoires. C’est celle-là que je défends. C’est pour cela que je suis allé là-bas. Le lobbying de l’industrie agroalimentaire fait système et ces gens ont la mobilisation comme réponse », raconte Joël Labbé.
« J’ai répondu et je n’aurais peut-être pas dû le faire »
Emus, les sénateurs de son groupe n’ont pas manqué de dénoncer l’incident. « Quand des parlementaires, quand le sénateur Joël Labbé sont bousculés c’est l’ordre républicain, c’est la représentation nationale qui est malmenée. Soutien à Joël Labbé », a écrit le sénateur écologiste Jacques Fernique. « J’ai répondu et je n’aurais peut-être pas dû le faire. Mais j’ai répondu d’instinct parce que je me suis senti méprisé en tant que représentant de la nation », reconnaît encore Joël Labbé.
Pas échaudé, le sénateur écolo « free-lance », « citoyen du monde » prévoit déjà de retourner manifester.« Mercredi prochain, à l’appel de la fédération nationale de l’agriculture biologique, il y a une nouvelle manifestation. J’y serai », annonce Labbé. Pacifiquement.
Les hausses d’impôt ciblées sur les grandes entreprises et les plus fortunés, annoncées par Michel Barnier, continuent de diviser la majorité relative. Frondeur en chef, Gérard Darmanin continue de profiter de sa liberté retrouvée en jouant sa propre partition, au risque d’affaiblir le premier ministre. Tous ne ferment pourtant pas la porte à la hausse de la fiscalité.
Le Premier ministre a indiqué que la réforme constitutionnelle sur le corps électoral de Nouvelle-Calédonie, élément déclencheur des violences dans l’archipel, « ne sera pas soumise » au Congrès. Si cette annonce a soulevé la colère de certains membres du camp présidentiel, de nombreux élus, indépendantistes ou loyalistes, saluent la volonté d’apaisement affichée par le nouveau gouvernement.
Les sénateurs Les Républicains vont publier une tribune en soutien à Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, après la polémique sur l’Etat de droit qui ne serait « pas intangible, ni sacré ». Roger Karoutchi, sénateur LR des Hauts-de-Seine, l’a co-signée. Pour lui, l’Etat de droit « n’est pas immuable » et « l’expression populaire peut le faire évoluer ».
Depuis un forum à Berlin, Emmanuel Macron a estimé mercredi qu’une « taxation exceptionnelle sur les sociétés », telle qu’annoncée par le gouvernement de Michel Barnier, était « bien comprise par les grandes entreprises » mais qu’elle devait être « limitée ». La veille, Michel Barnier avait annoncé aux députés, lors de son discours de politique générale, qu’une participation serait demandée aux « grandes entreprises qui réalisent des profits importants » et aux « Français les plus fortunés », au nom de la « justice fiscale ». Cette taxation exceptionnelle a été confirmée par le Premier ministre au Sénat, ce mercredi. A la sortie du discours de politique générale, le président du groupe écologiste du Sénat, Guillaume Gontard reste prudent. « On verra le montant et l’orientation de cette mesure. Mais une taxation sur les superprofits, c’est quelque chose qu’on a portée et qu’on continue à porter. Que de temps perdu pour se rendre compte qu’on avait besoin d’un peu de justice fiscale », a-t-il regretté sur le plateau de Public Sénat. A ses côtés, la présidente du groupe communiste, Cécile Cukierman s’interroge sur le rôle joué par Emmanuel Macron en cette période inédite. « Ce qui est étonnant, c’est que le Président donne son avis sur un débat qui doit se dérouler entre le gouvernement et le Parlement. Ce serait bien qu’il ne commente pas chaque mesures qui n’ont pas été encore votées d’ailleurs et qui laisse le Parlement faire son travail ».