Amélioration de l’accès aux soins : députés et sénateurs parviennent à un accord sur le texte

Amélioration de l’accès aux soins : députés et sénateurs parviennent à un accord sur le texte

Une commission mixte paritaire est parvenue à établir un texte de compromis, ce jeudi 6 avril, entre le Sénat et l’Assemblée nationale sur la proposition de loi dite « Rist ». Ses conclusions, adoptées à l’unanimité par les participants, doivent encore être soumises à un vote des deux chambres pour une adoption définitive.
Romain David

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Aux termes d’échanges quelque peu tendus, des députés et sénateurs réunis en commission mixte paritaire (CMP) sont parvenus ce jeudi 6 avril à trouver un compromis autour de la proposition de loi portée par la députée Renaissance Stéphanie Rist, visant à améliorer l’accès aux soins en renforçant les compétences de certains professionnels de santé. Si l’objectif de ce texte reste relativement consensuel, il n’avait guère suscité d’enthousiasme du côté du Sénat. La majorité de droite et du centre à la Chambre haute lui avait toutefois reconnu certaines avancées, non sans y avoir apporté des retouches substantielles. Les conclusions de la CMP ont été adoptées à l’unanimité des 14 participants (7 sénateurs et 7 députés). « L’architecture mise en place par le Sénat a été largement préservée. Ce qui a conduit notre réflexion, c’était le souci de trouver un équilibre et de supprimer les irritants pour apaiser les tensions qu’a pu soulever cette proposition de loi au sein du monde médical », souligne auprès de Public Sénat la rapporteure Corinne Imbert (apparentée LR).

Dans ces grandes lignes, cette proposition de loi permet d’accéder à certaines prestations de santé, pour des pathologies bénignes ou chroniques, sans avoir à passer par un médecin, et ce en élargissant les attributions de plusieurs professions paramédicales - notamment les infirmiers en pratique avancée (IPA), les orthoprothésistes, les podo-orthésistes, les orthopédistes, les opticiens ou encore les assistants dentaires. Le corollaire de ce dispositif : dégager du temps médical supplémentaire pour les médecins. Le Sénat a voulu encadrer ces mesures avec une validation par décrets en Conseil d’Etat après avis de la Haute Autorité de Santé, de l’Académie de médecine et des organisations professionnelles concernées.

Les infirmiers en pratique avancée au cœur du dispositif

Crée en 2018, le grade d’infirmier en pratique avancée (IPA) est décerné à l’issue d’une formation universitaire de deux ans et après trois ans d’exercice. Les IPA peuvent réaliser des actes d’évaluation et de surveillance clinique, prescrire des examens et certaines catégories de médicaments. La proposition de loi permet aux patients de consulter un infirmier en pratique avancée sans avoir à passer en amont par un médecin. Néanmoins, sous l’impulsion du Sénat, cette possibilité de prise en charge a été restreinte aux IPA exerçant dans des « structures d’exercice coordonné », comme les maisons de santé ou les établissements médico-sociaux.

La CMP a introduit une expérimentation de cinq ans dans quatre départements, où les patients pourront directement avoir accès à l’ensemble des IPA, y compris ceux exerçant en individuel, comme le prévoyait la version initiale du texte. « Il n’y aura pas de généralisation sans une évaluation du dispositif », assure Corinne Imbert. « L’accord décroché en CMP s’est fait sur la base de cette expérimentation », glisse le sénateur Bernard Jomier (apparenté PS). « De manière générale, nous avons un texte qui permet un meilleur partage des tâches entre les professionnels de santé, sans mettre à bas le parcours de soins. »

Pas de pénalité pour les rendez-vous médicaux non honorés

Quelques modifications apportées par le Sénat ont toutefois été supprimées, comme la mise en place d’une indemnisation du médecin en cas de rendez-vous manqué. Le mécanisme envisagé était celui du prélèvement d’une pénalité par l’Assurance maladie sur les remboursements du patient. La gauche sénatoriale, sans minimiser le caractère problématique de ce phénomène pour les praticiens, s’était opposée à la création d’une telle sanction.

« C’était une mauvaise réponse à une bonne question », résume Bernard Jomier. « Il s’agissait surtout d’un article d’appel. Mais il y a un vrai sujet, la rapporteure de l’Assemblée nationale l’a reconnu », indique Corinne Imbert. Cette mesure pourrait revenir sur le devant de la scène cet automne, lors des discussions autour du budget de la Sécurité sociale.

De l’huile sur le feu

Le Sénat a tenu à faire supprimer du texte la notion d’« engagement territorial des médecins ». Le gouvernement souhaitait soumettre la revalorisation du tarif de la consultation à un certain nombre d’obligations en faveur de l’accès aux soins de proximité. Mais la Haute Assemblée a estimé qu’une telle formule n’avait rien à faire dans la loi et risquait de braquer les professionnels dans la mesure où il appartient aux partenaires sociaux, dans le cadre des discussions conventionnelles entre les médecins et l’Assurance maladie, de négocier ce genre de modalité.

En revanche, la notion de « responsabilité collective » des professions médicales pour le maintien d’une permanence de soin, supprimée lors de l’examen au Sénat, a été réintroduite dans le texte de la CMP. Là aussi, cette tournure avait été pointée du doigt par les professionnels de santé, certains y voyant un retour déguisé de l’obligation de garde pour les libéraux, supprimée depuis 2002. « On aurait pu s’en passer, mais le ministère semblait y tenir par principe », rapporte Bernard Jomier. « Nous l’avons concédé car cela n’a pas grande valeur sur le plan juridique, et n’aura pas d’incidence effective. »

Globalement, le calendrier d’examen de cette PPL a été jugé problématique par le Sénat. En parallèle des négociations conventionnelles houleuses entre l’Assurance maladie et les syndicats représentatifs des médecins de ville – qui ont finalement échoué à trouver un accord – ce texte n’a pas vraiment contribué à apaiser la grogne des médecins en lutte pour une revalorisation des tarifs de consultation. Le collectif « Médecins pour demain » avait notamment dénoncé un risque de dévalorisation du rôle des généralistes et de certains spécialistes. « Quoi que l’on dise, avec ce texte le médecin reste celui qui pose le diagnostic, et lui seul ! », souligne encore Corinne Imbert.

Le compromis élaboré ce jeudi devra encore être soumis à un vote du Sénat et de l’Assemblée nationale pour une adoption formelle de la proposition de loi. Mais au vu du vote unanime en CMP, il devrait s’agir d’une simple formalité.

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