Annecy : « Il faut garder une décence, ne pas faire feu de tout bois », pointe Alexis Corbière après les tentatives de récupération

Invité de la matinale de Public Sénat ce vendredi 9 juin, le député LFI Alexis Corbières a raillé les réactions précipitées à l’attaque d’Annecy par certains responsables politiques de droite. LR notamment, qui est en pleine offensive contre la politique migratoire du gouvernement depuis plusieurs semaines.
Romain David

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Droite et extrême droite ne se sont pas fait prier pour relier l’attaque au couteau d’Annecy à la question migratoire. De nombreux responsables politiques ont réagi sur les réseaux sociaux jeudi matin, pour cibler le profil de l’assaillant, initialement présenté comme un Syrien d’une trentaine d’années qui avait fait une demande d’asile en France, et multiplier les critiques à l’égard de la politique migratoire du gouvernement, alors qu’un nouveau projet de loi sur ce sujet doit être présenté d’ici l’automne.

« Il faut avoir un peu dignité, il est assez éloquent de voir comment certains, très chauds, se sont refroidis dès qu’on en a su plus sur l’agresseur, a relevé le député LFI Alexis Corbière au micro de « Bonjour chez vous », la matinale de Public Sénat. « Quand on a peu d’informations, il faut garder une décence, ne pas faire feu de tout bois ».

Le profil de l’assaillant

Lors d’une conférence de presse commune, jeudi en début d’après-midi, la Première ministre Élisabeth Borne, le préfet de Haute-Savoie et la procureure de la République d’Annecy ont indiqué que le suspect avait vécu une dizaine d’années en Suède où il avait obtenu un statut de réfugié, et qu’il se trouvait sur le sol français de manière légale. Dans une vidéo de l’agression filmée par un témoin et diffusée sur les réseaux sociaux, on peut l’entendre crier en Anglais : « In the name of Jesus Christ » (« Au nom de Jésus Christ »).

« Certains, déjà, le traitaient d’islamiste. Manifestement – mais je suis très prudent – il ne l’est pas », relève Alexis Corbière qui dénonce un faux débat sur les règles de circulation à l’intérieur de l’UE. « L’homme dont on parle vivait, et j’y mets des guillemets, tranquillement en Suède, à tel point qu’il avait épousé une Suédoise et fait un enfant qui a sans doute la nationalité suédoise. Avouez que c’est un profil qui dément le côté immédiatement menaçant de quelqu’un qui viendrait profiter de nos allocations et commettre des crimes en Europe. Les parcours humains sont plus compliqués que cela », pointe le député LFI.

Le tour de vis de LR sur la politique migratoire

LR, qui estime que les pistes défendues par le gouvernement, notamment la régularisation des travailleurs dans les secteurs en tension, vont générer un « appel d’air », réclame une révision constitutionnelle pour pouvoir s’émanciper du cadre européen sur les questions migratoires, ainsi qu’une réforme des modalités d’examen des demandes d’asile. « L’immigration massive incontrôlée tue. Plutôt que de nous lamenter à chaque nouveau crime, mettons enfin un coup d’arrêt à l’immigration de masse ! », a tweeté dans la matinée de jeudi Olivier Marleix, le président du groupe LR à l’Assemblée nationale. Son homologue du Sénat, le Vendéen Bruno Retailleau, a dénoncé le « laxisme migratoire ». « Il est indispensable que les demandes d’asile soient effectuées en dehors du sol national, comme nous le demandons à LR », a-t-il rappelé.

« C’est toute notre politique migratoire et un certain nombre de règles européennes qu’il faut remettre en cause », a également affirmé sur les réseaux sociaux le président du Rassemblement national, Jordan Bardella. « Avant, les demandeurs d’asile fuyaient pour éviter la mort. Désormais les demandeurs d’asile quittent leur pays pour mieux tuer nos enfants », a posté quant à lui Éric Zemmour, le fondateur de Reconquête.

« On peut monter des barbelés, solliciter toutes les armées européennes, on ne réglera pas le problème », estime encore Alexis Corbière, toujours sur Public Sénat. « La réponse immédiatement policière est inefficace. »

« Aurore Bergé vaut mieux que ses sorties très agressives et politiciennes »

Autre séquence politique largement critiquée en marge du drame d’Annecy : le point presse d’Aurore Bergé, cheffe de file des députés Renaissance. Ces derniers ont quitté l’hémicycle, où était débattue depuis 9 heures une proposition de loi visant à abroger la réforme des retraites, pour dénoncer, devant un parterre de journalistes rassemblés en salle des Quatre Colonnes, l’incongruité des débats au vu de l’actualité. « Être en ce moment dans l’hémicycle avec une espèce de bataille de chiffonniers sur une recevabilité ou non d’amendements nous paraît en total décalage par rapport à l’effroi qui à mon avis submerge notre pays », a estimé la députée des Yvelines. Ces déclarations ont été très largement dénoncées par les oppositions comme une tentative d’évacuation du débat sur la réforme des retraites.

« Elle se dégrade en faisant cela. Même si c’est une opposante, je pense qu’elle vaut mieux que ses sorties très agressives et politiciennes », tacle Alexis Corbière. « Elle a manqué de délicatesse en essayant d’en profiter pour éteindre la protestation que nous faisions entendre. […] C’est une instrumentalisation politicienne. Nous nous étions déjà recueillis, et ce qui se passait à l’Assemblée devait avoir lieu. »

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